Rupture.

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 Cette lettre sera rédigée sans aucun formalisme habituel. Pas de date, ni de lieu à droite. Pas de formule de politesse. Tu n’en mérites pas. Je n’enverrai pas ce message. Il restera sans doute caché au fin fond d’un de mes tiroirs de bureau, mais il me permettra de me défouler grâce aux mots. Il sera mon exutoire. Ainsi que cette cigarette que je fume à 5 h du matin, la fenêtre ouverte alors que j’ai froid.

 Sache que c’est terminé. J’en ai fini de ton petit jeu. Je ne veux plus que tu t’approches de moi, j’ai tellement peur que tu éteignes le peu de lumière qu’il me reste. Je ne veux plus jamais vivre ça. Je ne veux plus jamais que tu sois la source de mon malheur. Je suis loin d’être parfaite mais je ne mérite pas cet enfer. J’arrête de me plier à tes quatre volontés. Ça a assez duré.

 Aujourd’hui, je peux le dire, tu es ce qui m’est arrivé de pire. Et pourtant je savais en te rencontrant, qu'il ne pourrait en être autrement. Et sincèrement, je pense qu’une partie de cette colère est dirigée contre moi. Je me demande encore comment j’ai fait pour être aussi bête.

 Chaque fois que je m’interroge sur les raisons qui t’ont poussé vers moi, la réponse est toujours aussi évidente. Parce que j’étais faible et vulnérable. Perdue dans une ville que je ne connaissais pas. Sans ami et sans famille. Tu as profité de cette fragilité pour entrer dans ma vie, dans mes pensées et même dans mon lit.

 Quand tu te glissais chaque soir dans mes draps frais, tu faisais naître cette boule partant de mon estomac et remontant jusqu’à ma gorge. Tu n’as jamais cherché à sécher mes sanglots, ni à m’encourager et encore moins à me rassurer lorsque j’en avais besoin. Tu te complaisais dans ma détresse. Tu m’observais silencieusement devenir l’ombre de moi-même.

 Tu venais me retrouver chaque soir. Parfois nous passions la journée suivante ensemble, d’autres fois tu me quittais subitement au réveil, sans explication. Je ne voyais que toi, ne vivais qu’à travers toi, à tel point que je me suis fermée aux autres, oubliant presque leur présence. J’étais totalement sous ton emprise. Tu m’as rendue dépendante pour pouvoir mieux me contrôler par la suite. Tu as même réussi à effacer mon sourire.

 Et puis un jour, j’ai commencé à ouvrir les yeux. J’ai vu mon teint blafard et mes cernes violets dans le miroir. J’ai vu mes paupières gonflées par les pleurs. J’ai vu ce visage aminci par la perte d’appétit. Mais je m’aime trop pour continuer à m’infliger ça. Pour une fois dans ma vie, je me suis choisie moi!

 Alors je me suis construit de nouvelles ambitions, de nouveaux projets, et bien sûr, tu n’en fais pas partie. J’ai décidé d’aller mieux et d’avancer. Pas à pas. Sans toi.

 Si tu savais toutes les choses que j’ai envie de te hurler, toutes les insultes que j’ai envie de te cracher, mais je me contiens. Je préfère saisir mon stylo. Je préfère essayer d’être au-dessus de tout ça. Je ne mérite pas tous ces tourments que tu me causes. Tu ne mérites même pas que je t’écrive cette lettre, c’est d’ailleurs pour moi que je le fais. Parce que je sais qu’ensuite je vais aller mieux, que je vais pouvoir retourner me coucher après avoir jeté cette cigarette qui me brûle la gorge, moi qui ne fume jamais.

 Quand je serai plus vieille, plus assagie, je regarderai tout ce que j’ai perdu pour toi, tout ce que j’ai abandonné à cause de ta présence. J’espère qu’un jour mes larmes auront cessé de couler face à tous ces regrets, à tous ces remords qui me rongent aujourd’hui.

 Mais tu ne me verras plus pleurer. C’en est fini des lamentations et des sanglots. Je suis plus que décidée à me relever, même si cela doit prendre du temps. Je te vois déjà rire en lisant ces lignes, car tu penses que je suis stupide, que je ne suis qu’une pauvre fille sans crédibilité et que mes bonnes volontés se seront envolées au réveil. Et pourtant…

 Parfois je me surprends à vouloir comprendre ton raisonnement, ta manière de penser, le travail de ton imagination, et une question me brûle les lèvres : sauras-tu me laisser ? Mais pour l’heure, j’en ai fini avec toi. Je viens de jeter le mégot de ma cigarette.

 Je suis douée pour les révérences alors adieu Solitude. Sache que je pars retrouver d’autres bras, bien plus chaleureux.

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