Chapitre 3 : province de Karghezo. (3/3)

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Dresil était soulagé. Un tel montant était à sa portée. Il pouvait payer. De son côté, Deirane, qui avait souvent assisté aux négociations de son père, venait de reconnaître une technique de vente vieille comme le commerce. Réclamer une somme astronomique puis la diminuer à une valeur qui en comparaison semblait raisonnable. Même deux cels, ou presque, restaient élevés, et Dresil n’aurait jamais payé si on lui avait proposé ça en premier lieu. Le jeune paysan, encore novice dans ce domaine, était tombé dans le piège. Il était temps que Deirane se mêle de ses affaires.

— Il faut que je me prépare, dit Dresil.

— Je vais entraîner ces deux charmantes demoiselles en bas le pendant que tu t’habilles.

— Ça ne va pas poser de problèmes ?

— Qui oserait s’attaquer à une princesse sangären ?

— Mais… Elle n’est pas Sangären.

— Et alors ? S’il y a une princesse sangären, c’est qu’il y a forcément un guerrier quelque part pour veiller sur elle. Le fait qu’ils ne parviennent pas à le repérer ne fera qu’inquiéter d’éventuels agresseurs.

— Et si tu tombes sur de vrais Sangärens ?

— S’ils se rendaient compte de la supercherie, leur sens de l’honneur les obligerait à se comporter comme si elle était réellement de leur peuple. S’il arrivait quelque chose à cette femme que tout le monde prend pour une des leurs, ils seraient humiliés.

Pendant leur discussion, Jerna avait enlevé sa blouse. Dessous, elle avait une robe de soirée, visiblement sortie d’un atelier edorian. Elle mettait en valeur les charmes de la jeune femme. Elle était loin d’être aussi belle que Deirane, néanmoins la maturité lui donnait une prestance qui manquait à la paysanne. Apparemment, ses attributions dépassaient largement celles d’une simple domestique. Le commerçant offrit un bras à chacune des deux beautés et les entraîna à sa suite.

Dans le hall de l’hôtel, il parla à Deirane du peuple qu’elle imitait. Il voulait passer le temps, mais aussi lui donner des informations pour jouer son rôle. Les Sangärens étaient un peuple nomade qui vivait dans les plaines du continent. Leur territoire s’étendait des royaumes edorians à l’ouest aux forêts qui bordaient la Vunci à l’est, ce qui en faisait le plus grand domaine revendiqué par une unique nation. Pourtant ce n’était pas un État. Il empiétait sur de nombreux royaumes frontaliers, ce qui n’était pas sans poser de problèmes. Ils considéraient que ces villes étrangères localisées sur leurs terres n’étaient que des buffets où se servir. Seuls deux États, l’Helaria au sud et la Nayt au nord, disposaient d'une puissance suffisante pour les obliger à renoncer à leurs raids. Et encore, pas totalement.

Cet état de guerre permanent avec leurs voisins, ils l’entretenaient également entre eux. Les différentes tribus se battaient constamment entre elles. Le gagnant prenait des otages chez le perdant. Si ce dernier ne pouvait payer la rançon, ce qui était souvent le cas étant donné qu’il venait de se faire piller, les prisonniers étaient vendus en esclavage. Les princesses sangärens n’étaient pas épargnées, elles coûtaient juste plus cher. D’ailleurs, toute Sangären pouvait être considérée d’une façon ou d’une autre comme une princesse, tout au moins pour un œil extérieur.

C’était un peuple fier avec un sens de l’honneur plus développé que leur sens moral. Ce sens de l’honneur les obligeait à reconnaître comme telle toute personne se faisant passer pour l’un d’eux, et à la venger ou la protéger. Ils ne devaient jamais perdre la face en public, même à la suite d’une supercherie. Si Deirane était découverte, les Sangärens ne bougeraient pas. Néanmoins, il faudrait laver l’affront. Si la tromperie n’était pas révélée, une compensation financière discrète ferait l’affaire. Le déguisement de Deirane constituait donc la meilleure protection qu’elle pouvait avoir.

Dresil descendit à son tour. Jamais la jeune femme ne l’avait vu si élégant. Même quand il était venu la chercher à l’ambassade, il n’était pas aussi beau. Là, il n’avait pas un costume de fête comme alors. Il portait une vraie tenue de soirée. Elle semblait presque solennelle, si ce n’était le lacet autour du cou maintenu par une broche en argent et une chemise violet pâle au lieu d’être blanche.

Deirane allait pouvoir réaliser un de ses vieux rêves : assister à une représentation d’un opéra.

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