Chapitre 42 - Partie 3

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Six jours plus tard, alors qu’ils étaient sur la route de Massil, une immense forme noire les survola. Saalyn suivit le dragon – en fait un immense ptérosaure de presque dix perches de long – du regard pendant qu’il se posait. Vilia, leur jeune compagne, était terrorisée. Elle se rapprocha de Saalyn. Le gems sans aile qui utilisait l’animal comme monture descendit au sol et fit quelques pas, s’avançant jusque devant le cheval de la guerrière qui renâcla.

— Sarhol, dit Saalyn, quel mauvais vent vous amène en Nayt ?

— Est-ce la fille que vous m’avez promise ?

— C’est une berceuse que j’ai engagée.

— Alors où est-elle ?

— Je l’ignore. Je suis partie sur une fausse piste.

— Comment est-ce possible ? Tu as la réputation d’être la meilleure pourtant. Serait-elle usurpée ?

— On dirait bien, j’ai trouvé meilleur que moi.

Le gems lâcha un petit rire moqueur.

— Ça fait mal de chuter de son piédestal, constata-t-il.

— Je ne me suis jamais prise pour une statue.

— Je sais que tu ne lâcheras pas l’affaire. Je vais te surveiller. Et dès que tu l’auras, tu me la remettras.

— Je ferai ce que j’estimerai nécessaire.

— N’oublie pas que je pourrai te retrouver où que tu te caches. Même en Helaria. Ton pentarque ne te protégera pas.

— Je n’ai pas pour habitude de me cacher. Quant à mes pentarques, j’ai confiance en leurs capacités.

— Je te laisse mener ton enquête. Mais crois-moi, je reviendrai.

— Je vous crois bien volontiers. Mais je ne garantis pas de la retrouver. Ses ravisseurs se sont montrés très malins jusqu’à présent.

Sarhol eut un geste d’énervement.

— Je ne te quitterai pas des yeux, Saalyn de Hylsin et Larsen.

Il redécolla. Il fit un passage au ras du sol dans le but d’affoler les chevaux. Cela marcha. Saalyn dut user de toute son habilité pour retenir sa monture. Et celle de la jeune esclave paniqua, elle prit la fuite au galop. Öta se lança à sa poursuite. Sarhol éclata de rire devant ce spectacle. Puis il s’orienta vers son repaire.

Saalyn le maudit silencieusement. Elle reporta son attention sur son apprenti qui avait rattrapé le cheval. Il revenait vers elle. Par chance, Vilia n’était pas tombée et elle n’avait pas lâché Hester. Mais la jeune femme était pâle comme la neige.

Öta se rapprocha de son maître.

— Il y a des moments où je regrette que les feythas en aient oubliés quelques-uns, dit-il.

— Il ne faut pas tous les condamner. Même les hauts-gems peuvent être vivables.

— Il tiendra sa promesse. Dès que tu la retrouveras, il sera sur toi.

— Je sais.

— Tu penses arriver à la mettre en sécurité avant qu’il te trouve ?

— Aucune chance.

— Que vas-tu faire alors ?

— J’ignore où elle est, mais être prisonnière d’un gems serait infiniment pire.

— Pourquoi en es-tu si sûre ? Les domestiques dans son repaire ne semblaient pas malheureux.

— Souviens-toi qu’il m’a demandé si son tatouage la protégeait de la chaleur. Il n’y a qu’une seule raison pour qu’il pose une telle question. Il veut la prendre comme maîtresse. Une humaine normale meurt dans ce genre d’étreinte. Moi-même, ma seule expérience avec un gems m’a valu des mois de convalescence pour me remettre de mes brûlures. C’est une vie de souffrance qui attend Deirane s’il met la main dessus. Et comme son tatouage la protège de toute agression, elle ne pourra même pas se suicider. Il vaut mieux qu’elle reste où elle est.

— Pourquoi ferait-il ça ?

— Parce que le corps des gems est si chaud qu’il tue tous leurs partenaires. Et entre eux, ils sont perpétuellement en guerre et ne se font pas confiance. Ça limite leurs ébats.

— Voilà qui explique peut-être leur mauvaise humeur perpétuelle.

— Une femme comme Deirane, qui lui permettrait d’assouvir ses instincts sans qu’elle en meure, serait très précieuse pour lui.

— J’en conclus que tu vas arrêter de la chercher ?

— Ai-je le choix ?

— Je crois bien que non.

Elle soupira.

— Il se lassera. De toute façon, il nous faudra des mois pour rejoindre Kushan. Le temps que nous y arrivions, la piste sera refroidie. Ce n’était qu’un lieu de passage. En plus, c’est un port. Elle peut être n’importe où aujourd’hui. Même en Shacand.

Elle réfléchit un instant.

— Et merde ! s’écria-t-elle soudain, sans ce gems, la retrouver n’aurait été qu’une question de temps. Elle est intelligente. Je suis sûre qu’à la longue elle aurait réussi à entrer en contact avec nous pour qu’on vienne la chercher.

Öta essaya de lui prendre le bras. Mais elle se dégagea brutalement. Elle reprit la route. Öta et Vilia lui emboîtèrent le pas. Elle ne se départit pas de son mutisme jusqu’à leur étape du soir, repoussant toutes les manœuvres d’approche de son apprenti.

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