QUELQUE CHOSE DE NOTRE HISTOIRE

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L'indifférence dissout le langage, brouille les signes.

G. Perec

Peut être bien que je t’écris encore une fois pour te dire que, peut être bien, il y à quelque chose de notre temps dans notre histoire. Et cette histoire, comme toutes les histoire, s’écrira au passé. Nous aurions préféré sans doute qu’il y eut quelque chose de notre histoire dans notre temps, quelque chose à raconter plutôt qu’à subir sans volonté. Mais pour cela, il aurait fallu se battre. Mais il n’y eut ni lutte, ni bataille, ni même l’envie d’une guerre, ni même la visé ou la vision d’une victoire. Et pour cela, il n’y eut nulle défaite pareillement. Rien de plus finalement que l’immobilité cadavérique d’une époque figée dans la pose indolore, à la strict gène calculée, d’une autoroute à sens unique pour l’abattoir. Rien de plus, mais rien de moins non plus. Et l’inutile de nos premières exaltations ne parvint même pas à nous laisser ne serait-ce qu’un souvenir : c’est en perdant la mémoire que nos pas immobiles nous portaient si loin de nous. Si je ne suis rien aujourd’hui pour toi et que je n’ai jamais rien été d’autre pour toi, c’est que nous n’avons jamais rien été pour qui que ce soit : rien de plus qu’une unité, même pas un chiffre, une unité à l’age et au sexe strictement déterminé comme tous autres, utile tout au plus dans des additions, des soustractions ou bien d’autres lumineuses opérations où même les noms ne comptent pas plus que ces résidus d’âme qu’on se bricole le soir dans d’angoisseuses solitudes et auxquels on s’accroche, qui sont nos vêtements quotidiens comme la vaisselle et les ordures, pour se nourrir l’illusion qu’ils sont à nous et se nourrir l’illusion que l’on existe vraiment. Mais vraiment n’existe plus, pas plus que exister d’ailleurs. Les cimetières sont devenu bien plus vivants que que ces villes noyées de néons où se heurtent de frôlements à peine souhaités ces autres et ces autres, partenaires sexuels ou partenaires de luttes, partenaires de classe ou de machine à cafés ou de n’importe quoi, rangés parmi les multinationales du « rapport à l’autre », navigant à peine et plutôt balayés des tempêtes de l’information balisées de bonheurs criards tel les bip-bips des écrans plats ouverts aux plates platitudes de nos rires ou de nos pleurs d’apparat si bien calculés. On voudrait bien se toucher, mais l’on arrive qu’à se donner des coups. Regarder en arrière ne nous avance à rien, pas plus que de regarder en avant ou de ne rien regarder du tout. Les yeux hermétiquement ouverts où passent et repassent les illustres heures de rien que l’on s’épuise à combler de néant : s’il n’y a plus rien, c’est qu’il n’y a jamais rien eu en somme.

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