Chapitre 16 : Tout en délicatesse (2/2)

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— Qu’est-ce que vous avez en tête ? contre-attaqua Chris.

— Je te laisse une dernière chance, rétorqua son interlocuteur. Utilise l'énergie de ce moteur pour soulever le pantin.

— Mais puisque je vous dis que je ne sais pas...

Le jeune homme s'interrompit, se rendant compte du pas qu'il venait de franchir : inconsciemment, il avait envisagé la possibilité d'en être capable !

— Tu ne me laisse pas le choix, objecta le soldat.

Tandis que le colonel manœuvrait sa main gantée, Chris vit le bouclier se tordre et rétrécir considérablement. La projection énergétique prit une forme complètement incongrue : celle d'une main humaine. Puis, sans prévenir, cette force se propulsa en avant et saisit le jeune homme à la gorge, juste au-dessus de la racine de Pikral !

— Colonel Fisher, les ordres... réagit Torek, qui se matérialisa à quelques mètres de Chris.

— Restez à votre place, Caporal ! rugit l'officier supérieur, sans quitter sa victime des yeux.

La poigne énergétique n'était pas particulièrement ferme, Chris respirait sans grande difficulté. Il ne trouvait cependant aucune prise sur la force qui l'entravait. Cette main d'énergie se révélait aussi lisse qu'un bouclier de mechaball, au détail près que ces boucliers ne menaçaient pas de l'étouffer, eux !

Il ne manquait sans doute qu'un geste pour que sa trachée soit complètement écrasée !

— Ne vous faites pas des idées, Monsieur Martin, reprit le colonel. Si vous misez sur une forme d'empathie de ma part, vous serez déçu. Je ne tolèrerais aucune forme de menace concernant la sécurité de l'Arche. Vous collaborez...

L'officier supérieur resserra ses doigts et la pression sur la gorge de Chris s'intensifia d'autant. La douleur restait tolérable, mais l'air devenait difficile à trouver. Le cœur du jeune homme accéléra.

— ou vous mourrez, c’est aussi simple que ça ! conclut calmement le militaire.

— Mon Colonel ! insista Torek.

— Tenez votre langue, Caporal ! explosa Fisher en se tournant vers son subordonné. Si vous désapprouvez mes méthodes, déguerpissez ! Je n'ai plus besoin de vos services !

Profitant de cette distraction, Chris lutta de plus belle contre son entrave, mais autant essayer de déplacer un mur de béton à mains nues, sans la moindre prise qui plus est ! Il se souvenait vaguement avoir trouvé des défauts sur la surface des boucliers de mechaball, mais s'il y en avait cette fois, il ne parvenait pas à les trouver.

Il avait chaud, réfléchir devenait difficile. Le colonel le regardait sans ciller.

Il va vraiment le faire ! Il va m'étrangler !

Torek n'avait pas bougé, il se tenait toujours à quelques pas de lui, pâle, le regard collé à ses propres bottes. Chris aurait voulu appeler à l'aide, mais n'en était déjà plus capable. La pression s'accentua encore.

— Allons, Monsieur Martin, il est grand temps d'agir ! l'encouragea son tortionnaire.

La vision du jeune homme — de plus en plus trouble — revint sur le caporal. Le soldat ne quittait pas ses bottes des yeux, cloué sur place.

Il va me laisser mourir.

Cette pensée glaça Chris, qui se résolu à tendre la main dans la direction du moteur. Paume en avant, il se concentra dessus, chercha à le saisir "par la pensée".

Je vais mourir en jouant au Seigneur Sith, pitoyable.

Sa vision s'obscurcissait, un liquide chaud lui coulait dans la gorge.

Lily... s'il te plait...

— Colonel Fisher, il est en train de perdre connaissance ! cria une voix dans le lointain.

Était-ce Torek qui se réveillait ? Cela arrivait trop tard. Un gouffre s'ouvrait sous Chris, qui n'avait plus la force de résister à l'attraction qu'il exerçait sur lui.

Alors qu'il allait fermer les yeux, le jeune homme perçut un mouvement. Mobilisant la lucidité qu'il lui restait, il regarda derrière le colonel. Quelque chose, une silhouette obscure s'approchait du moteur. Cette ombre se tourna vers Chris, qui crut voir un sourire s'étirer sur son visage dépourvu de bouche. L'être mystère leva une main vers le moteur, comme Chris un instant plus tôt. L'appareil émit un son strident.

La prise sur la gorge de Chris trembla, sans se relâcher pour autant. Un bref instant, il avait pu avaler une goulée d'air frais. Ses yeux injectés de sang se contractèrent, ne lâchant pas l'étrange silhouette. Cette dernière leva son second bras et l'engin diabolique trembla violemment en réponse. Chris aurait juré qu'il dégageait une fumée sombre, mais ne pouvait plus distinguer avec certitude rêve et réalité.

« Magnifique ! » cria une voix lointaine, tandis qu'une autre hurlait de faire attention. À Qui ? À quoi ?

Le générateur de bouclier se décomposa d'un coup. Pulvérisé, il dégagea un souffle brûlant qui emporta Chris. Le dos du jeune homme frappa quelque chose de dur. Des lumières dansant sous ses yeux, il avala l'air goulument un air qui lui brûlait pourtant la trachée et lui arracha aussitôt une quinte de toux rauque. Une douleur lui vrillait le poignet droit. Sa combinaison brûlait. Chris secoua sa manche, frappa le sol jusqu'à obtenir que les flammes disparaissent.

La douleur n'avait aucune importance. Il respirait !

La pièce remplie de fumée, le jeune homme ne voyait pas à deux mètres devant lui. Un bruit strident lui vrillait les tympans, il l'identifia comme étant une alarme. Les émanations furent rapidement aspirées par le haut — au travers d'une bouche d'aération — et le calme revint progressivement.

Que s'est-il passé ?

— Magnifique ! Splendide ! commenta une voix enthousiaste non loin de lui.

Le colonel Fisher s'imposa dans son champ de vision, un grand sourire sur les lèvres. Son uniforme avait perdu de sa superbe, couvert de poussière. Certains de ses cheveux étaient roussis. Tout cela ne semblait pourtant pas déranger le militaire aux yeux exorbités.

Il est complètement fou !

D'autres formes se dégagèrent un peu plus loin. Une silhouette penchée sur une autre, avachie. La "brute" secouait le corps inerte de Torek.

Il ne le secoue pas, c'est un massage cardiaque, réalisa Chris, incapable de se lever.

Le colonel Fisher s'imposa juste devant lui.

— Fini les faux-semblants, nous allons pouvoir passer aux choses sérieuses ! exulta le fou.

— ... pas moi, lâcha le jeune homme avec difficulté.

— Je vous demande pardon ?

— Ce n'était pas moi. Je n'ai pas fait... tout ça.

Le militaire ricana.

— Un moteur militaire n'explose pas ainsi en cas de défaillance. Inutile de nier.

— Il y avait... une ombre.

Le sourire sur le visage du colonel se figea un instant, puis il se tourna vers le soldat qui ne lâchait pas son camarade.

— Toi ! Va me chercher l'enregistrement de la scène !

— Monsieur, il faut chercher des secours, il faut...

— Tu ne vois pas l'état de son crâne ? On ne peut plus rien pour lui, exécution !

Le sang de Chris se glaça lorsqu'il comprit le sens des paroles du militaire. Il fixa avec horreur le duo à distance. La brute s'était immobilisée. Un instant plus tard, il se leva pourtant, avança vers l'un des murs de verre. Même l'ouverture de la paroi devant le soldat ne suffit pas à arracher les yeux de Chris de la forme sombre gisant au milieu de la salle.

Lorsque le soldat réapparu, Chris n'avait pas bougé. Il tendit une sorte de tablette au colonel, qui la consulta brièvement avant de la glisser sous les yeux du jeune homme.

La scène de son agonie apparut sous ses yeux, filmée depuis le plafond. Chris se mordit la lèvre en assistant à ses propres souffrances, jusqu'à sa pitoyable tentative de faire de la télékinésie. Après avoir laissé son bras tomber mollement, son double sur la vidéo le leva une seconde fois.

Mais je n'ai pas...

Le moteur s'emballa sur l'écran en même temps que le cœur du jeune homme. Le Chris à l'écran leva son second bras, puis l'image vacilla brusquement. Il leva les yeux sur les deux militaires, qui ne le quittaient pas des yeux. Une colère ardente brillait dans ceux du soldat. S'il n'y avait eu son supérieur, nul doute qu'il aurait sauté à la gorge de Chris.

— Ce n'est pas possible, je...

— Ça suffit pour aujourd'hui, trancha le colonel. Tu vas retourner dans ta cellule. La prochaine fois que nous nous verrons, j'espère que tu sauras te montrer plus coopératif.

La porte de la pièce s'ouvrit à l'instant qui suivit. Deux nouveaux militaires s'empressèrent de soulever le jeune homme par les épaules. Chris croisa une dernière fois le regard de la brute. Il murmura un « Je suis désolé » qui demeura sans réponse.

Le chemin du retour se fit dans un état second. Lorsque sa porte se referma derrière lui, Chris s'effondra sur son lit de fortune.

C'était moi ? C'était vraiment moi ? Qu'est-ce que ça veut dire ?

Il se passa les mains sur le visage, puis les leva devant lui. Ses paumes étaient sales, noircies. Elles portaient les traces des évènements qu'il venait de vivre ; comme une preuve qu'il n'avait pas rêvé. Il eut l'impression de voir des traces de sang dessus.

C'est ma faute ? Je... je l'ai tué ? Torek, il s'appelait Torek. Et il avait l'air d'être quelqu'un de bien...

Avec un hurlement de détresse, il se redressa et frappa de toutes ses force la grille voisine. La douleur ne suffit pas à l'apaiser.

La sensation qu'on lui plantait une dizaine d'aiguilles dans le cou lui vrilla soudain la cervelle. Il ne put retenir un cri de surprise et bondit sur ses jambes. Il se palpa la gorge.

La racine de Pikral...

La plante de retour à sa place, la température dans la pièce lui sembla avoir baissé de plusieurs degrés. Le regard du jeune homme tomba sur sa voisine, qui se tenait contre la grille, ses yeux fermement fixés sur lui. Elle semblait tenter de le transpercer.

Des yeux de tueur oui. Mais sommes-nous si différents ?

Le plateau repas du jour reposait dans un coin. Chris saisit le dessert et le tendit à la Sauvage qui l'attrapa, le fusilla du regard comme s'il avait fait quelque chose de mal, et partit manger dans son coin en ne lui laissant plus voir que sa crinière cuivrée.

Une vraie renarde.

Le jeune homme se laissa retomber sur son matelas.

Qu'est-ce que je vais devenir ?

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