Chapitre 2 : BLOODY LUNDI

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Villa des Oliviers, sur les hauteurs de Cannes

Les rayons du Soleil automnal traversaient les persiennes des volets battants couleur lavande. La chaleur commençait à devenir étouffante dans la chambre du premier étage de l'immense demeure, rien d'exceptionnel en cette période de l'année.

Au fond de la pièce, un téléphone portable posé sur une table de chevet n'arrêtait pas de vibrer. À proximité, dans un lit spacieux, Sasha Sanders dormait en chien de fusil, la tête tournée vers son mobile, un fin drap blanc en soie posé sur elle juste au-dessus de sa généreuse poitrine. La finesse du tissu laissait entrevoir les contours de son corps élancé, complètement dénudé. Sasha était une petite brune aux cheveux longs souvent coiffés en arrière, ne laissant tomber sur le devant de son visage enjôleur que de belles mèches ondulées. Sa bouche pulpeuse et la finesse de son nez complétaient un charme qui lui avait ouvert de nombreuses portes dans son métier d'actrice.

Derrière elle, se trouvait un jeune homme brun, le visage garni par une barbe de trois jours, le haut de sa musculature saillante dévoilée par l'absence de drap. L'apollon imitait la position de Sasha, un cran plus bas, la tête posée dans la cambrure de la jeune femme, la main gauche accrochée à l'avant-bras de la belle.

La trentenaire commençait à émerger de son sommeil. Elle ouvrit lentement un œil, son regard perçant dû à de magnifiques yeux en amande s'attarda sur son téléphone. D'un geste brusque, elle lui tapa dessus, le faisant rebondir jusqu'à son réveil, agacée par ses vibrations à répétitions. À ce moment, l'actrice se rendit compte de l'heure : quinze heures ! Prise de remords, elle récupéra son portable et fit défiler les innombrables messages qu'elle avait reçus. Les mots " retard" et "rendez-vous" étaient les plus récurrents. Assommée par ce flux agressif d'informations, elle enfouit instantanément sa tête dans son oreiller. La perspective d'affronter le quotidien la figeait. Perdue dans ses réflexions, elle ne s'aperçut pas immédiatement que quelqu'un l'agrippait.

— C'est pas vrai ! soupira-t-elle.

Sasha se retourna abruptement, faisant basculer la tête de sa conquête sur le matelas.

— Mais qu'est-ce que tu fous encore ici ? grommela-t-elle. On était d'accord, tu ne devais pas rester.

— Je suis désolé, je me suis endormi, balbutia l'homme.

À peine le dialogue entre les deux amants entamé, un éclat de voix résonna dans le long couloir menant à la chambre. Une femme d'un certain âge entra dans l'arène. Elle se dirigea directement vers la fenêtre et ouvrit les volets.

— Et voilà, on s'occupe des uns et des autres et on n'est jamais récompensé, déblatéra l'intruse en ramassant tout ce qui traînait au sol.

Interloqués, Sasha et son play-boy regardaient la scène cocasse se dérouler devant leurs yeux.

— Sasha, quel foutoir, t'es vraiment désordonnée ! Je ne t'ai pas élevée comme ça que je sache.

La sexagénaire déversait son torrent ininterrompu d'invectives lorsqu'au même instant, des pas saccadés provenaient une nouvelle fois du vestibule. Cette fois, c'était la gouvernante, Faustine Lerrada, qui courait après la fugitive.

— Je suis désolée mademoiselle Sanders, votre mère... elle s'est faufilée, déclara-t-elle essoufflée par sa course.

La mère de Sasha avait stoppé net son nettoyage compulsif en tombant sur deux emballages de préservatifs. Avec une élégance insolente, elle déclara en relevant la tête vers les deux amants :

— Je dérange peut-être ?

Face au silence abyssal de la pièce, dû à l'ahurrissement de son auditoire, elle renchérit avec confiance :

— C'est bon Faustine, je m'en occupe, vous pouvez disposer.

La gouvernante s'exécuta et tourna les talons. Sasha sauta de son lit, renversa une bouteille de gin gisant à ses pieds et prit nerveusement le drap de soie pour l'enrouler autour de son corps, abandonnant son amant complétement à découvert. Elle fouilla dans son tiroir de chevet, attrapa un cachet, le jetta dans sa bouche et pris une gorgée du reste de son précieux breuvage, tout juste ramassé. La bouteille à la main, la jeune femme ironisa :

  • Non, regarde bien, tu ne déranges personne, Maman, comme d'habitude. Je te l'ai déjà dit, tu ne viens à la villa que pour les cas d'urgence. J'ai besoin de préserver mon intimité, c'est si dur à respecter ?

— Ah mais tu ne décroches pas ton téléphone pendant un jour entier, je t'envoie des SMS sans réponse de ta part et c'est moi qui passe pour une vieille folle ! J'en ai marre de tes disparitions à répétition. Et arrête avec toutes ces conneries ! enchaîna la mère de famille en tapant dans la bouteille.

Sasha le savait bien, sa mère avait raison, elle ne pouvait pas continuer comme ça, cette histoire la hantait mais elle ne pouvait pas s'en empêcher, la destruction était pour elle un moyen de garder le contrôle sur sa vie, aussi futile soit-il.

— Mais je....

— Mais tu quoi ! Je te rappelle que je suis la productrice de ton nouveau film et que tu as un rendez-vous très important à ce sujet qui pourrait redonner du souffle à ta carrière. Alors excuse-moi d'insister ! renchérit l'élégante dame.

Sasha essayait désespérément de lui répondre, mais lorsque Christine Sanders avait une idée en tête, elle récitait une tirade digne d'une pièce de théâtre et écrasait tout sur son passage, tel un bulldozer. La relation entre elle et sa mère n'avait jamais été un long fleuve tranquille, à coup de conflit à répétition, jamais d'accord sur rien. Sasha ne savait pas vraiment si sa mère l'aimait, elle ne lui avait jamais dit, par pudeur sans doute. Et vice et versa. Mais l'inquiétude à outrance de sa mère et son étouffante présence, même à son âge, parvenait parfois à lui prouver le contraire.

— Tu vas me faire le plaisir de virer ce tocard pour venir avec moi sauver le peu de carrière qu'il te reste ! Allez ! Dépêche toi !

Christine était une femme de caractère. Elle avait toujours mené de front sa vie professionnelle et familiale avec plus ou moins de succès. Malgré un divorce, elle ne s'était jamais laissée abattre par la moindre contrariété. On la surnommait "la dame au gant de fer" dans le métier. Elle avait eu deux enfants, mais sa fille était sa fierté. Elle était intransigeante avec elle, ce qui exaspérait Sasha au plus haut point. Elle se faisait appeler Chris pour montrer au monde entier qu'elle était encore dans le coup, notamment aux jeunes requins qui pensaient pouvoir lui voler la vedette. Féministe dans l'âme, elle n'avait jamais vraiment eu besoin d'un homme pour subvenir à ses besoins.

Sasha se retourna vers sa conquête d'un soir en esquissant un sourire narquois.

— C'est Josh, mon prénom, rappela-t-il l'index levé comme pour demander la parole.

— Ah oui... Josh, c'est ça.

La mère regardait sa fille en remuant la tête de gauche à droite pour signifier sa désapprobation. Féministe mais pas aveugle, elle ne manqua pas de jeter un coup d'œil discret au corps de l'apollon qui, gêné, posa ses deux mains sur ses parties intimes. Puis il haussa ses épaules en signe d'excuse.

— Je ne vais pas demander à la récupérer, ironisa Josh.

— T'es encore là, toi ? vociféra Sasha en s'adressant à sa conquête d'un soir.

La supplication désespérée du jeune homme de se faire restituer sa chemise ne fit pas mouche. Chistine, le vêtement à la main depuis le début, trottina avec vigeur vers la fenêtre, balança l'objet et se retourna en se frottant les mains, très satisfaite de son acte.

Josh reçut le message, se leva tranquillement du lit et enfila son jean devant tout l'auditoire. Puis il quitta la pièce, torse nu, en mimant un signe de téléphone à Sasha, le sourire aux lèvres.

Christine fit un au revoir ironique à Josh, les deux bras bien levés en l'air.

— Et bonjour chez toi !

L'actrice n'avait même pas prit la peine de suivre sa sortie. Elle s'était empressée de récupérer son téléphone. Cette fois, bien plus réveillée, Sasha aperçut un détail qu'elle avait négligé. Son ex-femme l'avait appelé et lui avait laissé un message vocal.

— Maintenant que nous sommes seules, on peut parler de choses sérieuses ? Rejoins-moi dans le salon. Et arrête ces enfantillages, ordonna Christine, d'un ton péremptoire.

— Je peux au moins prendre une douche et m'habiller si ça ne te dérange pas ? railla la jeune femme.

— Bien sûr, fais comme chez toi ! Moi je descends.

Sasha attendit avec une impatience vertigineuse, les bruits de pas qui s'éloignent dans l'escalier pour consulter le message. Elle porta le portable à son oreille, l'écouta et se figea.

Pourquoi son ex-femme voulait-elle la voir alors que cela faisait un an qu'elles ne s'étaient pas parler ?

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