
Les principes de Gallishaw
par Joe Cornellas il y a 1 an
Je découvre aujourd'hui par hasard les principes de Gallishaw.
Comme de nombreux paradigmes, les appliquer à la lettre peu paraître complexe et tue-l'amour pour un auteur. Malgré tout, je trouve les concepts intéressants. A noter que selon Gallisahw, l'auteur n'a pas nécessairement besoin de connaître la fin de son histoire quand il la débute (ce qui peut plaire aux auteurs scipturaux, qui aiment travailler sans plan précis).
Un lien pour découvrir très rapidement ce dont parle le bonhomme : https://fr.wikipedia.org/wiki/Principes_de_Gallishaw
Si certains d'entre vous connaissent ou ont déjà utilisé ces idées, je suis preneur d'un retour d'expérience !
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En fait, le truc c'est que j'imagine pleins de fins à chaque fois, mais à chaque fois, l'histoire va dans le sens opposé à mon idée originale.
Intéressants, ces principes. Je suis plutôt contre l'idée d'avoir une recette toute faite pour l'écriture de romans/nouvelles, mais il faut reconnaître qu'il soulève des points importants.
Concernant l'émotion dans chaque phrase, je visualise plutôt bien. En revanche, le principe de "manque", me parle beaucoup moins, et je la trouve assez irréalisable à mettre en place dans chaque phrase.
Quelqu'un aurait-il un exemple, dans un paragraphe, de phrase de ce type ?
Après, concernant la fin, étant plutôt scriptural, je comprend assez bien l'idée. Même si je pense qu'il faut tout de même avoir une vague idée, non pas forcément de la fin de notre oeuvre, mais de sa finalité (que ce soit un message à passer, un problème à soulever, ou simplement faire "rêver" le lecteur).
Quelque part, ne pas connaître la fin, c'est un peu se libérer du fardeau que celle-ci impose. Se concentrer sur le voyage, pas la destination. :)
Je te mets l'exemple du début de ma nouvelle. Joe Cornellas aura bien la bonne idée de passer par ici et de nous dire si c'est ça ;)
Le battant s’ouvrit sur Aloïse. Il se détendit ; elle ne franchit pas le seuil.
— Tu as besoin de quelque chose, Jorge ?
Il secoua négativement la tête. La barbe qu’il avait laissé pousser depuis dix jours le gênait. Il aurait aimé se raser.
— Tu le dis, si tu as besoin. Tu sais qu’il y a toujours quelqu’un derrière la porte.
— Non, ça va. Je n’ai pas faim, pas vraiment d’envies incontrôlables. Ça va. Je vais attendre bien sagement que ça passe.
Il aurait apprécié le confort d’un lit ou le réconfort d’un bon café, voire une présence féminine accueillante, mais rien de cela n’était inscrit en option.
Des rides soucieuses marquèrent le front de la jeune femme. Il l’interrogea du regard.
— L’Irréductible de Tristan da Cunha vient de décéder. Tu es vraiment le dernier maintenant.
...
Et petit à petit je réponds aux interrogations. Pourquoi il est le dernier ? Pourquoi il ne se rase plus ? Pourquoi la fille ne s'approche pas ?
Faut dire que c'est une histoire que je ne juge que peu intéressante, et que j'ai trouvé ce biais pour tente d'intéresser le lecteur, mais je ne sais pas si ça marche ;)
Merci pour l'exemple, Vis :)
Ca fait un effet sympa, il faudra que je m'y essai ! Ca me parait toujours incroyablement difficile à mettre en place sur le long terme, mais ça sera surement un exercice intéressant :)
Ca donne un peu l'impression qu'il y a un flux continu à la lecture, chaque phrase est lié à la précédente, et à la suivante, et qu'on a juste à se laisser guider par l'auteur. C'est plutôt agréable :)
En ce qui me concerne, ma nature d'incurable scripturaliste (que j'essaie de soigner en disséquant les schémas narratifs au scalpet) me fait souvent commencer des textes sans savoir ou m'arrêter... et pourtant je connais la fin dès le départ. Toute la difficulté étant d'y arriver de manière logique.
Le premier principe: "émotion + manque" pour inciter à lire la phrase suivante qui répond de la phrase précédente me parle assez fort, je pense que je l'applique d'instinct dans la plupart de mes écrit.
Le second, "la scène de 800 morts" m'interpelle...
J'ai commencé à écrire "sans plan" et pratiquement sans chapitrage, ce qui m'a été justement reproché sur scribay lorsque j'ai mis en ligne la première version de "La Dame Ecarlate". Du coup je j'ai remise en chapitres courts et j'ai pris l'habitude de faire des chapitres de deux pages A4, ce qui fait un peu moins de 5 minutes de lecture... la taille de mes chapitres a été fixée pour le confort de mes correcteurs, oui mais... (emotion et manque)
Deux pages A4 -- ou cinq minutes de lecture -- ça correspond à 800 mots.
L'idée qu'on puisse se lancer dans une histoire sans en connaître la fin peut sembler séduisante à ceux qui veulent commencer tout de suite... mais mon expérience personnelle, tant pour des textes écrits en solo que pour des récits "à mille mains" m'oblige à la rejeter catégoriquement.
La Fin (avec un grand "F") est la seule chose que l'auteur doit absolument connaître avant de se lancer, c'est ce qui lui donne la "direction à suivre".
Reste la dernière idée, qui est une nouveauté pour moi: une nouvelle peut avoir deux intrigues mais pas plus, un roman doit en avoir plus. C'est nouveau et pourtant ça tombe sous le sens... enfin, vu la facilité avec laquelle j'ajoute des intrigues sans être capables de les retirer et en ayant beaucoup de mal à les résoudre explique pourquoi j'ai tant de mal à écrire des nouvelles en général, et à fortiori des nouvelles dont la longueur est "limitée".
Nicolas Cesco donne l'exemple d'une fin "facile" (je dirais même "classique"): "Ils vieillirent ensemble, etc.", le genre de fin typique des contes de fée... Or c'est précisément le genre de fin que j'évite.
"L'Âme de l'Assassin" a été joué en JdR et constitue un scénario intéressant parce que, lorsque le fin mot de l'histoire est révélé, toutes les "certitudes" qui ont été mises en place s'écroulent comme un château de cartes. Mais cet écroulement doit être logique pour éviter que le lecteur ne se perde dans des incohérences... il y a tout au long du récit des "indices" qui devraient permettre au lecteur perspicace d'avoir de petits doutes. Et graĉe à ces petits doutes, ils seront probablement moins surpris par la conclusion, mais ils auront en contrepartie la satisfaction d'avoir compris une partie de l'énigme plutôt que de se laisser benoitement mener par le bout du nez.
J'ai également remarqué que ces "indices" éveillaient souvent l'intérêt des correcteurs (de scribay ou d'ailleurs) qui les interprètent comme une "erreur de style à corriger".
Le cas des séries est un peu plus complexe, car on ne prévoit jamais à l'avance la fin de la "dernière série"... et c'est logique, le but d'une série est de fidéliser un public et de le garder le plus longtemps possible parce que c'est lui qui paie les factures. L'idée d'avoir une "fin" est par conséquent totalement ridicule.
Dans le pire des cas, on peut envisager d'avoir une "fin de saison", mais cette fin sera toujours un cliffhanger pour annoncer la saison suivante, ou tout sera "plusgood, double plusgood", avec un meilleur rythme.
Et comme l'infiniment grand rejoint l'infiniment petit, les saisons sont rédigées comme les phrases, avec un manque à combler à la fin de chaque saison, ce manque n'est comblé à la saison suivante qu'à la condition de générer un nouveau manque.
Tel l'ourobouros des vikings, une saison est un serpent qui se mort la queue.
Idem pour d’autres règles. La première personne au présent ? Pourquoi pas, du moment que l’histoire soit courte. La première personne au passé sur des milliers de pages ? Pourquoi pas, si l’auteur parvient à agrémenter son récit. Que l’auteur ne soit limité que par son expérience qui, elle, s’accroit avec le temps, ça, c’est ma « règle ».
Il n’y a donc pas de règles, mais des concepts, des principes et des recommandations, et c’est pourquoi cette discussion est utile et je remercie tous ceux ici qui l’ont alimentée, en particulier Joe Cornellas qui l’a créée et Auteur inconnu pour le temps qu’il a passé dans sa comparaison entre les langues anglaises et françaises, un exposé très intéressant.
NB : si je donne l’impression de contrer certaines personnes, détrompez-vous. Tous ces échanges sont utiles. Néanmoins, il faut toujours se méfier de notre propension à transformer principes en règles. Cela est dû à notre manière de penser formaliste ;-)
^^
Sur le fond je suis plutôt d'accord, mais pas trop sur l'interprétation "'écrivain n'a pas à déterminer à l'avance la fin du roman, c'est-à-dire qu'il n'a pas besoin de rédiger un plan préalable à la rédaction". Je ne vois pas quel principe le dit, et personnellement je n'arrive pas à concevoir comment peut on écrire une histoire sans connaître la fin (le but de l'histoire). Des avis ?
Et pourtant, pour chaque narration à la première personne, c'est ce type d'histoire.
Le risque d'écrire une histoire dont on ne connait pas la fin, est de faire un flop. Ce n'est peut-être pas si grave que ça. Après tout, même dans ceux qui connaissent la fin, il y en a qui se plantent ;))
"G.E., tu voudrais dire qu'il ne serait pas possible d'écrire une histoire que l'on est en train de vivre ? (dont on ne connait pas la fin)
Et pourtant, pour chaque narration à la première personne, c'est ce type d'histoire."
J'écris à la première personne et pourtant, je sais où je veux mener mon histoire.
Plusieurs de ces fins probables sont "faciles". Ils vieillirent ensemble... etc.
Pour autant, quand j'ai commencé, même celle-ci n'était pas dans les tablettes. C'était trop évident je pense. Je maintiens donc que, dans ce genre de cas, ne pas choisir une fin et ou garder un grand flou la concernant est possible.
On peut bien sûr écrire une histoire dont on connait la fin à la 1ère pers, mais où est alors l'intérêt ? Attention, je ne dis pas qu'il ne peut y avoir un intérêt à le faire, mais ça limite beaucoup l'usage qu'on peut faire de l'écriture ;)
Elle y arrive assez bien ^^
J'écris à la première personne car je trouve que le ressenti est différent par rapport à un texte à la troisième personne, pour certain ça permet de mieux s'identifier au personnage, de se sentir plus proche de lui, d'être vraiment dans sa tête....
On peut tout aussi bien se laisser mener par le personnage principal d'un texte à la troisième personne, après tout, le point de vue dans ce genre de texte n'est pas toujours omniscient^^
Ce n'est que mon opinion mais je trouve que cette histoire de connaître ou non la fin de l'histoire est applicable dans les deux situations : on peut très bien commencé une histoire à la troisième personne sans savoir où elle va aller, tout comme à la première personne^^
Deux de mes récits sont dans cette veine là (si j'en crois la fiche sur les principes pré-cités).
Il y a deux problèmes quand j'écris : le 1er, je ne suis pas méthodique et je dirais même que je suis typiquement empirique (et j'aime cela). Et en 2ème, j'aime résoudre mes histoires, mais après résolution, je les aime moins.
Donc quand on n'aime pas ce qui est fini ou ce qui est déterminé depuis le départ, on doit utiliser une forme de création moins définitive et rigide.
(attention ce ne sont que mes propres principes, mais ils se rapprochent du cas cité.)
Pour les Terres Reculées, c'est un roman classique. Peut être en 3 tomes. Alors pour pallier à mes propres défauts d'engouement, je suis parti sur une construction par points de passage. J'explique le principe, ce n'est pas très différent d'un plan. A la différence que les points de passage, indique seulement une intrigue (l'arrivée d'un personnage, un ennemi, une égnime, etc) sur laquelle repose un scénario, un chapitre, ... .
La différence c'est que je n'indique ni son déroulement, ni son issue précise. Alors chaque orientation mental d'un personnage me guide, chaque lieu. Il peut y avoir comme dans les jeu vidéo, une ou plusieurs fins. Ou comme dans un jeu de rôle papier des actions entrainant une certaine résolution, en fonction des dires ou actes des héros.
Les points de passages Laissent alors libres champs à une histoire non linéaire du point de vue de l'auteur. Et en l'écrivant, je valide comment l'intrigue avance. Tout n'est alors pas figé, mais ce qui est écrit influence ce qui sera écrit. Cela oblige à une progression constante mettant en avant les émotions, les buts et les personnages.
Pour "mon psy est un con et le fils de mes parents", j'utilise une écriture en flots. Ce que j'écris sur le papier est mon propre échange interne. Une sorte de psychanalyse comico-autobiographique en temps réel. Seul l'envie d'écrire compte. Comme une séance chez le psy, je peux parler de ce que je veux, quand j'en ai envie. Il y a juste un point de départ, j'ai envie de parler, de discuter avec moi-même.
Dès que je pense avoir tout dit, la séance se termine. Il y a un ou deux passages qui font exceptions mais globalement le but est de s'amuser. Même s'il y a un léger but à cet écrit.
Exemple : Je sais que mes héros vont rencontrer tels personnages et qu'ils vont agir de tels ou tels façons. Mais vont ils se faire attaquer, par quel monstre, à quel endroit ? Tu peux même t'autoriser un lancer de dés pour déterminer l'ennemi et la difficulté si t'es très roleplay. Mais j'ai un bestiaire à exploiter et présenter donc je détermine sur le moment qui est le plus judicieux, voir j'en crée de nouveaux si besoins. L'idée est de se laisser du choix, c'est non limitatif.
Par ailleurs j'ai suivi avec intérêt les pensées de @K_Gitsh sur le décalage entre l'esprit anglo-saxon et celui de notre beau pays. Très intéressant. Je pense que nos concitoyens sont réfractaires au méthodes parce qu'il ne veulent pas généralement rentrer dans les cases d'un genre qui pourrait qualifier leur écriture de façon simple. Pour le français, la simplicité s'oppose à toute forme d'art un peu évoluée. L'art est une chose qui doit être réservée qu'à un cercle fermé d'initié.
Pour l'anglo-saxon au contraire la simplicité permet de rendre toutes les formes d'art accessible au grand public.
Charles Mingus disait : Making the simple complicated is commonplace; making the complicated simple, awesomely simple, that's creativity.
Je trouve que ces principes, très résumés (l'auteur a écrit trois traités sur les méthodes d'écriture) peuvent au moins avoir un mérite : débloquer le lancement de l'oeuvre.
Il y a un an, lorsque j'ai commencé à écrire, je partais sans aucune méthode et ces principes donnent un début de méthode à ceux qui n'en ont aucune.
Geo
Je ne connais pas l'équivalent US de GALLICA mais ce serait une bonne voix de recherche. en fait après avoir écrit cette phrase je suis aller regarder, c'est la bibliothèque du congrès, mais il n'y a qu'un seul recueil de Gallishaw...
En tout cas merci Vis9vies pour ton efficacité !
Pour écrire parfois et traduire surtout des articles scientifique en anglais et en français, j'ai oublié une chose essentielle : nos langues ne se construisent pas de la même façon, pas le même système de pensées. Je m'explique et ça rejoint l'idée du principe de la phrase essentielle ou émotionnelle je sais plus.
En anglais, on scinde les idées. Les phrases sont plus courtes qu'en français et quand je corrige les translations d'articles du français à l'anglais (articles souvent rejetés car mal traduit) je tombe souvent sur le défaut de reproduire la structure de la phrase française en mettant juste des mots anglais. Au lieu de reformuler complètement l'idée au point de changer la structure de la phrase, ce qui en général vaut une validation de l'article pour le coup.
Les anglais (en tout cas dans le domaine scientifique) privilégient une écriture plus simple, par rapport au français où on peut facilement enchâsser les propositions dans une même phrases, où on peut les faire durer des kilomètres sans que cela soit un problème si l'agencement des idées est maîtrisé, ainsi que la syntaxe.
Comme la langue forme tout de même une certaine unité de pensée et que cette méthode est issue d'une étude observationnelle sur les succés littéraires d'une époque autant que d'une langue... il est légitime d'interroger le fondement de sa transposition sur notre langue française. (cette discussion commence à faire écho au message que je viens de poster sur le fil "le Style?" )
ça rejoint ce que j'argumentais Joe par rapport à la frilosité des français sur les méthode d'écriture, comparé aux anglo-saxons. Je crois que c'est aussi dû à une histoire de linguistique et surtout d'unité de nature du langage, unité qui s'inscrit dans une Histoire.
Cette méthode de pensée directement issue du langage, il ne faut pas la rejeter car issue d'une autre langue. Il faut la considérer sous ce prisme et le prisme selon lequel la littérature anglo-saxone nous envahit et donne dans ses traduction le même genre de construction mais en langue française du coup. Nous sommes issus d'une culture littéraire qui couvre aussi bien voire même plus de nos jours d'oeuvres française qu'anglo-saxone. Je dis plus car nos jeunes génération ne jurent que par cette littérature : Harry Potter, Divergeante, Twiligth ou même le 50 nuances de Grey sont des bests sellers, une majorité de personne ne lisent que ça d'ailleurs et façonne leur mecanisme de pensée et de lecture sur ces modèles là. Ils en viennent même à ne lire que des livres de ce genre d'où la monté en masse des fanfictions.
J'ai déjà entendus des lecteurs plus "littéraires" opposé la littérature française même moderne à celle américains, comme Paul Auster, Chuck Palanuk, Breston Ellis... on trouve des lecteurs qui aiment particulièrement la littérature anglo-saxone pour justement son côté percutant et prenant, cette idée du manque qu'on assouvit, d'addiction de lecture avec phrases, simples, idées efficaces et ça enchaîne. On est un peu loin de Steinbeck de nos jours avec les anglo-saxons. Cette littérature trouve son public, on ne peut le nier, parce que c'est un systeme de pensée facile à intégrer bien plus simple que celui régit par notre langage car plus en accord avec un principe de langage séquentiel et donc de linéarité de l'histoire. On lit sans trop se poser de question, c'est le contenu qui compte, pas le contenant.
En tout cas, ta réflexion linguistique est très intéressante. Je ne saurai juger de sa pertinence étant donné que je ne suis pas un spécialiste de la langue de Shakespeare (qui me sert uniquement à communiquer brièvement à l'international), mais je trouve ton analyse convaincante.
C'est très intéressant.
En français, la stylistique est l'étude de la forme du texte non pas dans sa construction (ça c'est plutôt la narratologie) mais dans l'agencement des mots. La liste complète des figure de style et leur "effets" je dirais rentre dans cette étude mais aussi les choix de narration tel que temps ou point de vue narratif. La difficulté d'en extraire une méthode aujourd'hui réside dans la multiplicité de ces utilisations. Voire leur contresens. Si on reprend par exemple le choix externe du IL. Dans un écriture à ma Balzac, la troisième personne permet une distance par rapport au personnage indispensable c'est à dire que l'histoire et les lien valent plus que les existant. chez Flaubert : le IL est une façon d'intégrer l'individu dans un essence plus grande que lui, il s'oppose au JE et à sa lourdeur, au poids qu"il prend et surtout à son épaisseur. Libéré de la pesanteur de son existence et de lui même, le sujet s'inscrit dans l'histoire et sa continuité sociale. Bref rien à voir... pourtant c'est le même type de narration. Autre exemple dans ce sens, le meurtre de Roger ackroyd d'Agatha Christie où le lecteur cherche l'assassin dans tous les "ils" pas dans "je" pour cause : il y a un accord tacite que "je" est témoin quand "il" est acteur.
Aujourd'hui, "je" et "il" prennent encore un autre sens, cela ne veut pas dire que le sens précédent ne fonctionne plus, cela montre la complexité des intentions.
Tu dis que les anglo saxons privilégié le contenu, le fond, par rapport aux français. Je ne crois pas. Ils privilégient le scénario. Si les auteurs français qui se vendent chez eux sont Lévy ou musso ce n'est pas pour rien. Ils privilégie le scénario ce qui est différent du fond, l'intrigue et les personnages.
En français au contraire, on privilégie le fond : la portée du message. Pour le porter ce message, depuis la sortie du classicisme, on joue de tout et surtout de forme. C'est l'intention qui prime. Pour cela aussi que certains ont défini la littérature dans l'acte, dans l'engagement de l'auteur plus encore que dans le texte lui même et la capacité de déceler cet engagement au sein d'une histoire.
Tu me demandes de t'éclairer sur une réflexion que je monte moi même sur plusieurs endroits à la fois. D'abord sur la bibliothèque : notre histoire littéraire montre très bien l'évolution de l'écriture en France. Je t'invite à la lire même si elle n'est pas fini.
La discussion sur le style à regroupe aussi pas mal de réflexions. (J'y ai posté un extrait de Barthes si tu veux d'ailleurs).
Je dirais qu'il n'y a pas de méthode de style, plus un catalogue de ce qui s'est déjà fait. Le connaître peut permettre d'étoffer sa boîte à outils mais pas plus je pense.
Pas de méthode de style car je le répète, elle a existé cette méthode dans le classicisme : régle des trois unités, règles de vraisemblance, d'ordre, de bienséance. Les doctes et les puristes se sont emparés des oeuvres, du comment écrire et la littérature était l'apanage des bourgeois. La fracture entre peuple et bourgeoisie à créé une fracture aussi en littérature. Les oeuvres ne s'adressait plus au public, le lien social propre à tout art était rompu. Il a fallut un renouveau, il a fallut de nouvelles règles : réinventer l'écriture. Elle est depuis devenue mouvement, sans doute pour ne plus jamais perdre ce lien avec le lecteur.
Tu as raison, le fond et le scénario sont distincts, dans le sens où le scénario organise la pensée.
Plus sérieusement, je comprends mieux ton interrogation sur ces principes pour le coup. Pourtant vois tu , ce genre de "conseils" on en voit qui pullulent de plus en plus sur internet et particulièrement sur WP : supprimer les adverbes, ne pas utiliser de participe présent, éviter les auxiliaires, éviter les répétitions, utiliser des synonymes du verbe dire dans vos dialogues, éviter les phrases trop longues, une idée par phrase, show don't tell... etc etc et j'en passe.
Ils poussent même le bouchon plus loin pour gagner des vues : chapitres qui n'excède pas 5 minutes de lecture, une publication tous les 5 jours au moins, des cliffhanger en fin de chapitre pour accrocher le lecteur etc etc...
Ici il y en a moins mais on est déjà dans une méthodologie de style d'écriture un formatage pour succés garanti. Bref... comment dire ?
La méthode résumée de Gallishaw ressemble beaucoup à ce genre de choses.
Si on reprend des correcteurs comme Antidote, le style est surligné selon des principes théoriques là aussi. Je connais d'ailleurs une auteur ici qui s'amuse à corriger les oeuvres en appliquant ce genre de choses... souvent de manière automatique et parfaitement stupide. Les conseils sont tous les mêmes quelque soit l'oeuvre et reprennent la petite liste que je t'ai faite plus haut, en gros.
Remarque j'en connais d'autres qui font en gros la même chose finalement, plus subtil mais ça revient au même : utiliser les figures de style selon le catalogue et non selon le sens ou l'histoire. On cherche alors l'effet et ça n'est pas naturel du tout. C'est un style là aussi... ou une absence de style personnel ? C'est une question sur laquelle je m'interroge beaucoup. C'est en tout cas une application théorique de la stylistique plus qu'un ressenti ou une germination personnelle. Une sorte de mimetisme poussé à l'extreme. Le style des auteurs est déjà une intégration de celui des autres. Il faut cependant distinguer intégration et reproduction.
ça reste une question complexe. très complexe.
Tes réflexions sont intéressantes, je ne m'étais jamais posé les questions sous cet angle.
Cela dit je voudrais rebondir sur deux trois trucs. Je me reconnais bien dans le fait de pas connaître la fin et le fait que la première scène induit la forme, le style, le rythme et qu'après il faut se démerder avec ça !! ça je le vis en permanence quand j'écris.
Maintenant la frilosité des auteurs Français à discuter de mécanismes d'écritures est je pense une sensation biaisée dans le sens où ces discussions ne sont engendrés qu'avec des "apprentis" auteurs... beaucoup d'auteurs au contraire se sont penchés sur les théorie narrative ou de stylistique ou encore ont rédigé des livres sur leur méthodes d'écriture. Même Duras s'y est collé d'une certaine façon, mettant en mot ce qu'écrire signifiait pour elle et Les Mots de Sartre est une façon d'aborder l'acte d'écrire à travers l'autobiographie.
Si on parle de technique pure, entre Barthes et Saussure, je pense qu'on a déjà 2 chantres de la stylistique et qu'est ce que la stylistique sinon une méthodologie de l'écrit, une sorte de catalogue des figures de styles et de leur effet sur le lecteur. Si on l'utilise comme un catalogue, on fera là aussi du copier-coller stupide.
En revanche, je pense qu'en France on évite ce que je pourrais qualifier de "méthode pour les nuls". Dans le sens où notre histoire littéraire nous montre à quel point le style est une chose changeante et à quel point les règles ont pu être rejetées dans un but artistique d'expérimentation. Notre littérature a souffert du classicisme et de son conformisme, d'une pensée bourgeoise imposée dans son fond comme dans sa forme et depuis la fin du 18è et surtout au 19è siècle où notre pays a subit de multiples transformations, où la pensée a suivi le même chemin, le style classique s'est vu déchirer et le terme de Littérature est apparu comme désignant les courants justement. Ce n'est pas un hasard si cela correspond à la révolution française et à la succession des régimes politiques et tout le tutti. Depuis s'est succédé des genres et des styles variés, l'auteur a imposé sa forme, l'histoire limitait le choix en cohérence avec elle et tout a foisonné. Tout ça pour dire qu'une façon de faire dogmatique pour bien écrire, en France, depuis plus de 100 ans on y est allergique, depuis la bataille d'Hernani je dirai même si ça couvait depuis longtemps.
Mais si on regarde de plus près cette méthode Gallishaw, est-ce un constat ou un conseil ? Ce n'est pas la même chose. On voit surtout un désir d'aller à l'essentiel et ce conseil, beaucoup d'auteurs le donnent. Il y a en effet, je pense, deux étapes dans le processus d'écriture, enfin 2 je reste soft tant on pourrait en mettre plus mais restons sur 2 incontournables à mon sens : écriture et réécriture/correction.
L'écriture qui construit le premier jet, ne rempli pas de codes je pense, chacun sa méthode et son envie, sa façon d'aller jusqu'au bout.
La réécriture en revanche possède une direction simple et impossible à nier : le lecteur. Si je ne défends pas l'écrit pour le lecteur, il faut réécrire à son intention. Ce qui n'est pas la même chose. Dans le premier on écrit ce que l'autre veut lire, dans le second on écrit ce qu'on veut et on tente que le lecteur le lise or il lit ce qui lui plait, il faut donc concilier ce qui va attirer son attention et ce qu'on veut dire. Dans cette optique là, oui, on a des astuces c'est indéniable. On sait que la première phrase est une clé, on sait que la première page est déterminante, que les deux à trois premiers chapitres doivent accrocher, on sait qu'il faut éviter certaines longueur, lourdeur et compagnie...
Dans ce cas, il faut arriver à concilier l'efficacité et l'originalité, il faut que l'oeuvre reste notre production et ne le soit plus, qu'elle devienne l'histoire du lecteur. Il y a une accessibilité à donner à son texte si on veut l'adresser. Ce n'est pas simple mais là, une certaine méthodologie ne me semble pas dénuer d'intérêt. Sans entrer dans un dogme pour autant, sans devenir un publiciste non plus. Pas simple du tout.
S'approprier l'ensemble des méthodes existant, analyser les textes qui sont finis justement, peut être une piste de réflexion, mais comme toute réflexion il faut adapter au cas par cas, à son histoire et son intention.
Comme toutes les méthodes d'écriture, le débat ne doit pas être pour ou contre, mais qu'y-a-t-il d'intéressant dans son approche, et comment je peux (ou pas) l'intégrer dans ma façon d'écrire.
Si je ne compte pas appliquer ces principes strictement, j'avoue que sa façon d'appréhender le contenu de la phrase (l'émotion à tout prix) et sa forme (manque artificiel comblé par la phrase suivante) est un filtre de relecture à essayer.
A mon avis, on est là en plein dans une vision mécaniste de l'écriture. Ca me semble - comment dire - très anglo saxon. Efficace et sans âme. Et pour remplacer cette absence, voilà qu'on promeut les sentiments en mêtre étalon de la phrase bien faite. Même pas de la scène, de la phrase !
Et puis cette idée de combiner émotion et manque. Je n'aurai qu'un mot pour qualifier celà : il y a quelque chose de diabolique là dedans. Celà m'évoque les méthodes des cigarettiers pour accrocher le client. Vous savez bien, le bon vieux marketing à la marlboro qui vous ferre aussi surement qu'un rail de nicotine.
Et ce n'est sûrement pas un hasard si Gallishaw écrit son livre dans les années trente, années préparatoires de la grande révolution consumériste, où s'élaborent les concepts et les façons de faire qui seront utilisées par la suite.
Quitte à lire du Gallishaw, je préfererais me plonger dans son premier livre : Trenching at Gallipoli - A Personal Narrative of a Newfoundlander with the Ill-fated Dardanelles Expedition ( S'enterrer à Gallipoli - les souvenirs d'un Terre-Neuvien dans l'infortunée expédition des Dardanelles )
Sachant qu'il était intégré au groupement cycliste de la seconde division du corps expéditionnaire canadien, bon sang, voilà qui fait travailler l'imagination.
Et devinez quoi, le livre est disponible :
https://archive.org/details/trenchingatgall01gallgoog
Je sens que le débat va se décaler sur l'opposition entre l'artiste et le technicien :-D
Il y a peut-être de bonnes choses à prendre chez Gallishaw. Van Vogt a écrit en suivant ses principes, et j'avoue avoir adoré la Poursuite des slans. C'est cette caution non négligeable qui me conduit à m'intéresser à ce que dit ce monsieur, même s'il est très peu probable que j'applique à la lettre ses recommandations ;-) Et il y a aussi mon côté curieux pour tout ce qui est de l'ordre de la construction narrative.
Oui, ça mérite de s'intéresser, mais mon sentiment était surtout induit par le résumé de résumé de l'article de Wikipédia - et honnêtement, ça ne sonne pas comme une théorie de narratologie x')
Pas trop loin du sujet, il y a peut-être ceci qui pourrait vous intéresser aussi ^^
http://www.unige.ch/lettres/framo/enseignements/methodes/index.html
A la réflexion, je poense que si j'ai eu une réaction aussi négative, c'est que la méthode qu'il propose est très - mais alors très - éloignée de ma propre pratique.
A la relecture, ces contraintes me rappellent les formes des théatres classique et grec ancien. Une forme extrèmement rigide ( 800 mots ). Une scène d'exposition qui fixe tout ( c'est ce point qui me rappelle le récitant du théatre grec )
Et par là dessus, comme pour les 3 unités, on fixe le nombre d'intrigues. Une ou deux, pas trois, et par là dessus des contraintes sur la vitalité de la phrase, comme il pouvait y en avoir sur la métrique des vers.
En fait, je trouve que ca pourrait donner lieu à un bon défi scribay :
- 800 mots
- toute l'histoire en germe dans l'exposition ( c'est le titre )
- vitalité de la phrase : toute phrase doit s'articuler autour des sentiments et provoquer un manque que la suivante va combler.
Et ca me semble être la formule exacte mise en oeuvre par les séries américaines contemporaines.
Tout autour des sentiments, une succession de manques et de cliffhangers, multiplication des intrigues / points de vue et un format calibré (saison, durée fixe )
Je crois qu'on vient de mettre la main sur l'une des matrices de la création populaire contemporaine. :)
J'approuve l'idée du défi ! :D
Sur papier, je ne suis pas sûr que ça ait du sens, mais en tout cas, ça représente ce que je peux écrire en une heure de travail.
Il faudra que je creuse pour savoir comment Gallishaw a déterminé le volume qu'il estimait idéal.
À la lecture, c'est une autre histoire, mais franchement, ça dépend tellement des lecteurs... On ne peut pas se baser là-dessus :/
Sinon, je ne connaissais pas non plus ces principes, et je trouve aussi particulièrement intéressant celui qui combine manque et émotion.
En poésie, je dis souvent que chaque vers doit comporter une image qui véhicule une émotion ou quelque chose qui fasse partie de l'imaginaire collectif. Mais la poésie, c'est un monde à part ^^
La scène de 800 mots, je n'y crois pas. Pas plus que l'émotion à tout prix. Il faut juste que la phrase ne soit pas vide, pour moi.
Pour le germe de l'histoire dès la première scène, c'est particulièrement vrai pour les nouvelles très courtes, telles qu'on les trouve sur des sites comme Scribay. Et dans ce cas, l'intrigue ne souffre pas d'intrigues secondaires (je parle par expérience alors que j'ai tendance à vouloir en mettre plusieurs - mes meilleures nouvelles sont celles qui se sont tenues à une seule intrigue). Mais effectivement, le nombre d'intrigues dépend de la longueur de l'écrit.