La Poésie doit-elle être fondamentalement construite ?
par Francis Dzzy il y a 3 ans
Aujourd'hui je lisais l'Anthologie de la Poésie Française réalisée par Georges Pompidou et, dans ce prologue, il dit ceci:
"Mais quelle misère que le destin de tant de poètes qui ont commis des milliers et des milliers de vers sans avoir, ne serait-ce qu'une fois, réussi cette succession de huit, dix ou douze syllabes qui fait un vers, un vrai !"
Je voudrai attirer votre attention sur ces derniers mots car ce sont précisément ceux-ci qui m'ont interpellés. Ce que Pompidou nous dit ici c'est que, selon lui, seuls les vers à 8, 10 ou 12 syllabes sont valables. Ou si on extrapole un petit peu, que l'art poétique est soumis à des règles strictes immuables qu'il se faut de respecter au risque peut-être de voir son écrit "désavoué".
Je dois avouer que, personnellement, cette affirmation me dérange et j'aimerai recueillir votre avis à ce sujet.
Il est vrai que, parmi les règles entourant la littérature, celles entourant la poésie sont à la fois les plus "simples" à appréhender car facilement identifiables tout en étant parmi les plus strictes. On a tous entendu parler un jour d'alexandrins, de quatrains, de rimes riches, rimes féminines, rimes masculines mais... est-ce que ce sont ces règles établies qui définissent ce qu'est la poésie "de qualité" aujourd'hui ?
Je ne sais pas pour vous, mais moi je considère que la poésie est avant tout une musique et qu'elle se ressent avant de se lire et de s'apprécier. C'est l'occasion pour le poète d'exprimer, de mettre des mots sur un ressenti et de tenter de le transmettre tel quel à son lectorat. Pour moi, une poésie réussie est une poésie où à la fin le lecteur a ressenti quelque chose, aussi fugace cela puisse être. Tristesse, beauté, nostalgie, mélancolie ou tout simplement un "wouah" face à la belle rythmique du texte proposé.
Et pour cela le poète construit alors le poème avec son coeur plus qu'avec ces règles, les mots sont un feeling plus qu'un outil à l'usage millimétré. Je n'ai, personnellement, jamais compris l'intérêt de découper des vers en syllabes si ce n'est pour éventuellement garder une certaine homogénéité dans la taille de chacun d'entre eux. Tout comme je n'ai jamais compris l'intérêt de classer les rimes en rimes masculines et féminines et que, selon certains, il est nécessaire d'alterner les deux au long du texte.
Je sais que c'est probablement un sujet titanesque que j'aborde aujourd'hui mais j'aurai aimé avoir votre ressenti à ce sujet. La poésie doit-elle fondamentalement répondre à ces règles pour être qualifiable de "véritable" ?
"Mais quelle misère que le destin de tant de poètes qui ont commis des milliers et des milliers de vers sans avoir, ne serait-ce qu'une fois, réussi cette succession de huit, dix ou douze syllabes qui fait un vers, un vrai !"
Je voudrai attirer votre attention sur ces derniers mots car ce sont précisément ceux-ci qui m'ont interpellés. Ce que Pompidou nous dit ici c'est que, selon lui, seuls les vers à 8, 10 ou 12 syllabes sont valables. Ou si on extrapole un petit peu, que l'art poétique est soumis à des règles strictes immuables qu'il se faut de respecter au risque peut-être de voir son écrit "désavoué".
Je dois avouer que, personnellement, cette affirmation me dérange et j'aimerai recueillir votre avis à ce sujet.
Il est vrai que, parmi les règles entourant la littérature, celles entourant la poésie sont à la fois les plus "simples" à appréhender car facilement identifiables tout en étant parmi les plus strictes. On a tous entendu parler un jour d'alexandrins, de quatrains, de rimes riches, rimes féminines, rimes masculines mais... est-ce que ce sont ces règles établies qui définissent ce qu'est la poésie "de qualité" aujourd'hui ?
Je ne sais pas pour vous, mais moi je considère que la poésie est avant tout une musique et qu'elle se ressent avant de se lire et de s'apprécier. C'est l'occasion pour le poète d'exprimer, de mettre des mots sur un ressenti et de tenter de le transmettre tel quel à son lectorat. Pour moi, une poésie réussie est une poésie où à la fin le lecteur a ressenti quelque chose, aussi fugace cela puisse être. Tristesse, beauté, nostalgie, mélancolie ou tout simplement un "wouah" face à la belle rythmique du texte proposé.
Et pour cela le poète construit alors le poème avec son coeur plus qu'avec ces règles, les mots sont un feeling plus qu'un outil à l'usage millimétré. Je n'ai, personnellement, jamais compris l'intérêt de découper des vers en syllabes si ce n'est pour éventuellement garder une certaine homogénéité dans la taille de chacun d'entre eux. Tout comme je n'ai jamais compris l'intérêt de classer les rimes en rimes masculines et féminines et que, selon certains, il est nécessaire d'alterner les deux au long du texte.
Je sais que c'est probablement un sujet titanesque que j'aborde aujourd'hui mais j'aurai aimé avoir votre ressenti à ce sujet. La poésie doit-elle fondamentalement répondre à ces règles pour être qualifiable de "véritable" ?
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« Demain, dès l’aube à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai, vois tu, je sais que tu m’attends... »
Mais je ne m’y risquerai pas, trop de respect pour ces grands
Et puis c’est du classique, aujourd’hui on pense autrement de façon plus elliptique, plus allusive
Et oui, il y’a des règles en poésie mais le poète est libre de les transgresser, d’inventer des mots, de les bousculer...
Un bref haïku peut ouvrir un univers
Et ce qui le plus important à mes yeux, c’est la force des émotions que charrie le poème, même si il n'est pas reçu et compris de la même façon par chacun.
Je viens d’en publier un: « De battre mon cœur va s’arrêter »
Il n’est pas du tout académique et traite avec humour ( du moins j’ai essayé) une chose grave. Merci d’aller le lire et de me donner votre avis.
La forme n'est là que pour valoriser le fond.
Mais si la forme est défaillante, ça ne le fait pas.
C'est le principe même de la poésie.
Un peu comme la cuisine, dont l'idée est de transformer quelques produits de qualité, mais qui à l'état brut ne seraient pas très mangeables, en des mets propres à enchanter les papilles.
Le fond a beau être exceptionnel (ce qui reste subjectif), si la forme ne suit pas, l'émotion ne passera pas.
Verlaine exprimait ceci, dans le poème " Art poétique " :
" De la musique avant toute chose "
"Qu'est-ce donc que cette certaine Poésie ?
Rien qu'une rime pauvre avec l'Infini."
Voilà, ça résumé ma pensée quant à la poésie XD
(Puis, faut pas oublier les poèmes en prose, aussi ^^)
merci !
Les poètes chanteurs sont moins cons, comme par exemple jean René Caussimon :
On voyait les chevaux d’ la mer
Qui fonçaient la tête la première
Et qui fracassaient leur crinière
Devant le casino désert
La barmaid avait dix-huit ans
Et moi qui suis vieux comme l’hiver
Au lieu d’ me noyer dans un verre
Je m’ suis baladé dans l’ printemps
De ses yeux taillés en amande
Ces octosyllabes sont nickel-chrome. A l'écrit comme à l'oral.
Du coup j'ai décidé d'utiliser la même technique (qu'on appelle syncope) pour mes œuvrettes à venir.
https://www.scribay.com/text/1253803038/mon-poisson-rouge
Pour ma part, je trouve tout de même ce texte plus facile à chantonner, ou à lire à voix haute, qu'à lire.
Mais tu as raison, il faut imposer son style, donc peu importe mon avis après tout. Fonce ! (Je pense aussi que c'est surtout une habitude à prendre en tant que lecteur).
Par exemple, on écrit : "Qui fonçaient la tête la première" et c'est bien de l'octosyllabes ^^ Ce qui ne serait pas le cas pour un poème.
Mettre trop d'apostrophes pour souligner les élisions, ça va un peu, mais ça lasse vite ;)
Comme dans :
" les chevaux d’ la mer "
C'est un choix délibéré, uniquement dicté par la musique.
Mais je suis d'accord, à lire, le rendu peut être répétitif donc lassant.
en revanche "Qui fonçaient la têt' la première " en compte 8
Vous êtes bloqués tous les deux sur les règles qu'on vous a enseignées pour la poésie. C'est plus compliqué que ça, non seulement pour bien lire une poésie il faut saisir l'intention, et dans le fond, et dans la forme, et dans le rythme, mais en plus il faut un tantinet connaître l'auteur, pour savoir ce qu'il sait faire. Caussimon n'est pas le dernier des pékins, loin de là ^^ Et la chanson a été chantée par Ferré, qui est loin d'être le dernier des chanteurs à textes ^^
Dans la chanson ( http://www.florilege.free.fr/florilege/jrc/commeaos.htm ), on trouve aussi ce vers : "Quand sur la ville tombe la pluie" qui est aussi un octosyllabes, quoique vous en disiez ;) Je rappelle que c'est une chanson, et même si c'en n'était pas une, si c'était un poème, il faudrait le lire comme un poème de la fin du XXe, avec toutes libertés qu'un auteur comme Caussimon peut prendre pour le faire passer.
Je maintiens, ce sont bien des octosyllabes, façon libertaire de la fin du XXe, c'est-à-dire qui ne tiennent pas compte des rigidités attachées à la poésie classique, ou plutôt qui adaptent le rythme à la modernité.
La poésie, ça s'apprend à lire. Et c'est beaucoup moins évident qu'on pourrait le penser. Il faut avoir dans la tête les règles et dans le coeur un artiste ;)
Je suis aussi allé sur Google tout à l'heure. Ce n'est pas les règles apprises à l'école qui sont fausses, c'est ce poète qui a décidé d'élider tous les " e " qui ne le sont pas habituellement. En agissant ainsi sur l'ensemble de ses textes, cela devient une règle.
Je dirais, donc, que ce vers n'est pas communément une octosyllabe mais qu'il le devient dans l'esprit et le coeur de ce poète ainsi que de ses lecteurs, ce qui est le plus important. Peu importe, du moment que ça serve le fond.
Je m'adresse justement aux gens qui n'ont pas les règles dans la tête et pas forcément un coeur d'artiste.
Ceux qui lisent la poèsie comme de la prose en élidant les e devant une consonne. Ce qui était d'ailleurs mon cas il y a une dizaine d'année, lorsque j'ai commencé à m'intéresser au truc.
Hélas, cette lecture spontanée massacre les poèmes de Musset, Baudelaire, Verlaine et Cie,
D'où l'idée de faire coïncider le rythme de l'auteur et celui de ces lecteurs qui me sont chers
Et plus c'est condensé, meilleur c'est.
Sinon, autant écrire un roman !
Pour l'écriture d'une partition musicale, le procédé est généralement le même. On commence par étudier les règles de l'harmonie, le contrepoint, l'orchestration etc. Puis on s'en affranchit, en y apportant sa touche personnelle... Parfois il suffit de se laisser aller. Et c'est là que la magie opère.
C'est ce qui tue une partie de mes envies le manque de connaissances. La poésie à une rigueur de construction, tel Bach qui s'impose en musique une construction particulière.
Je trouve très juste les parallèles en poésie et musique que font beaucoup d'entre vous. La poésie rigoureuse impose des critères à son auteur, il doit exprimer son émotion selon une feuille de route et la poésie plus libre c'est comme les morceaux de jazz complexes prévus pour l'improvisation.
Et les deux me perdent.
La structure contre la liberté certes, mais je me sens ni l'âme d'un rigoriste ni d'un soliste qui improvise.
Je pense que l'on analyse trop la poésie et qu'on ne l'a ressent pas assez en cours (au collège ou en lycée). Vaste sujet que de savoir ce qui est beau dans une poésie. Mais pour moi, la poésie doit avoir du caractère sans forcément s'imposer la structure.
Je comprends l'effort que demande Pompidou aux poètes, mais si le sentiment et l'émotion passent par les mots, alors le tour de force est réussi.
N'en déplaisent aux gentilshommes de la structure.
La structure est une béquille pour mieux poétiser ;)
La structure est parfois un repaire pour le lecteur, quelque chose de rassurant. Mais je comprends ceux que ça ennuie et qui ne voit que des redites. On oublie simplement parfois de retourner aux poésies qu'on a détesté étant enfant. Car, il y a parfois des jolies structures et des sentiments si bien exprimer qu'ils ne vous sont plus étrangers, comme dit par vous même.
Celle-ci est juste imposée par l'auteur lui même, selon ses propres règles, Elle est tout de même bien présente. L'analogie avec le free-jazz est parlante car le pianiste de va pas improviser en DO alors que tout le reste du groupe est en FA. Même si d'apparence, à l'écoute, le rendu semble chaotique, rien n'est effectué au hasard.
Le plus difficile est " d'oublier " ce qu'on a appris. Il faut le garder en soi mais s'en émanciper pour laisser le stylo s'exprimer (tout comme un peintre, un sculpteur, un musicien lorsqu'il compose, etc...). En tout cas, c'est ainsi que je vois les choses.
C'est peut-être de cette frustration que naît une certaine mélancolie pour le classicisme.
Mais je vois qu'avec vous deux, la démarche est différente.
Voici mon point de vue, qui vaut ce qu'il vaut :
Quand on pose cette question, on a tendance à considérer uniquement celui qui écrit. Or le poète est aussi celui qui lit la poésie. l'écriture et la lecture poétique sont à mon sens une seule et même démarche.
Dans mon cas, je lis un éventail très large de poésie, du classique au libre en passant par la prose poétique. Je n'apprécie jamais un poème parce qu'il est à forme fixe ou libre, je l'apprécie si j'ai une équation fond forme qui va m'offrir un ressenti d'émotion important. Et aussi de réflexion.
Par contre, je n'écris que du libre. c'est un choix, cela me convient. Mais je n'irais jamais dire à quelqu'un qui a écrit un sonnet qu'il s'est jugulé dans une forme étriquée, car ce n'est pas vrai.
La poésie, c'est aller arracher leur sens aux mots et les faire côtoyer l'improbable. Peu importe la forme choisie, je suis même de plus en plus persuadée qu'on ne choisit pas sciemment, classique ou libre s'impose à nous, en fonction de ce que nous sommes.
C'est pour moi la forme d'écriture la plus "vraie". par contre, j'irais presque jusqu'à dire que moins il y a de mots, plus il y a de travail, même si le mot travail est très relatif, pour ma part, c'est entre un plaisir et une nécessicité.
C'est un moyen d'expression silencieux qui atteint quelquefois des cibles.
je pense que tu as raison de dire, GoM, que la poésie intimide. Parce qu'on est moqué, oui, on nous dit qu'on n'y comprend rien parce qu'il n'est pas évident de lire entre les vers. Mais je crois qu'il faut se lancer, ne surtout pas se demander si ce qu'on écrit plaît, même si on préférerait, naturellement :))
Pour moi, le pire, ce n'est pas qu'on me dise qu'un poème n'est pas bon, c'est plutôt quand je sens que le lecteur ne s'est pas mis dans un état d'esprit pour le comprendre. Car la poésie est très exigeante, des deux côtés, lecteur/auteur.
Je trouve, aussi, que la pudeur est amoindrie lorsqu'on écrit sous une forme poétique.
On n'est loin de la révolte, du "marre d'être confiné au classique". Et je pense que c'est aussi l'écart entre l'époque de Pompidou et la notre. Toutefois, si on est esthète en art ou en poésie on se demande toujours ce que tel auteur aurait pu nous dire à travers "du classique".
Mais je pense que c'est aussi pour cela qu'on voit s'épanouir le genre de Haiku. Son minimalisme et son historique en font un genre classique, mais les poètes y voient une ouverture ou un autre académisme à découvrir.
Aussi j'aimerais revenir sur ce que tu as dit de très juste hersen, sur le lecteur/auteur. On oublie le travail de diction et de lecture qu'offre la poésie. Avant les poètes lisaient en public, ils déclamaient, ce n'était pas une lecture intérieure. Cela rend les textes poétiques forts quand on les interprètent en les célébrant tels qu'ils ont été construits.
J'ai eu la chance de voir une troupe de comédiens dans un festival de rue déclamer du Verlaine, du Rimbaud, du Victor Hugo, ça a une tout autre gueule que simplement lu.
On s'aperçoit du génie de l'écriture qui sonne à la lecture. Ça vous chope aux tripes.
L'erreur c'est qu'on ne se rappelle que de nos poésies d'enfants, qu'on récitait par cœur, sans vraiment les comprendre et sans vraiment les faire sonner dans nos bouches.
il n'y a pas plus morne interprétation qu'un enfant qui vous parle de Prevert avec un ton obligé et le regard vide. C'est un peu triste pour le bonhomme quand on y pense. Être imposé, incompris et mal aimé par les enfants notés sur le fait de savoir sa poésie.
A mon sens, il faut cesser d'opposer poésie construite et vers libres. Même si leur forme diffère, il n'y a pas une meilleure que l'autre, leur objectif est exactement le même : exprimer une émotion.
En terme qualitatif, le ressenti lors de la lecture étant subjectif, certains apprécieront un poème ou d'autres n'aimeront pas, quelque soit le nombre de pieds employés ou l'agencement de ses rimes. Sa forme peut donc suivre des règles classiques ou bien libres, peu importe le flacon pourvu qu'on est l'ivresse.
La structure d'un poème, l'agencement de ses vers et le choix des mots, c'est comme comme la mélodie d'un morceau de musique. Jouant du piano et de la guitare, j'aime surtout improviser sur mon instrument. Cela dit, il me serait impossible de le faire sans avoir appris les gammes et le solfège durant de nombreuses années... Avant de détourner les règles, il faut déjà les connaitre (les maîtriser étant encore autre chose). Ceux qui pensent écrire uniquement de façon instinctive se trompent, les classiques ont aussi une très grande importance et conditionnent une partie de leurs écrits.
Bref, arrêtons de nous prendre le choux inutilement avec ce genre de question, à trop réfléchir, on ne fait plus rien. 99,99 % des personnes arrêteraient d'écrire dès à présent. Je ne dis pas qu'il faut faire n'importe quoi mais si l'intention est sincère et humble, inutile de sortir le fusil en guise de stylo rouge.
Petite réflexion complémentaire qui me trotte dans la tête :
On cite régulièrement comme référence des poètes ayant vécu à une période très éloignée de la notre. J'adore lire leurs œuvres et reconnaître leur importance. Cependant, ces mêmes " génies " écriraient-ils de la même façon s'ils étaient en train de créer ici, de nos jours ? Si je devais répondre à ma propre question, je dirai que ces poètes inventeraient autre chose, différent de que ce qu'ils ont fait, mais leurs écrits deviendraient une fois encore des références dans le domaine (Mais ce n'est que mon avis).
Des vers libres :
https://www.scribay.com/text/1829541261/quelques-poemes-oublies
Et des vers "classiques" :
https://www.scribay.com/text/1599553785/reponse-a--des-poetes-faisons-l-eloge-
Pour ma part, et j'ai été souvent critiqué pour cela, j'écris maintenant des haïkus.
Et j'ai le sentiment de suivre des règles strictes :
https://www.scribay.com/text/592862011/haikus-hors-saison
Les meilleurs poètes que je lis sont des amateurs que je connais via les réseaux sociaux. Ils sont les héritiers des Bukowski ou de la beat generation, de Jim Morrison et à travers lui de Rimbaud (car tous ces types se réclament de lui). Ils utilisent le ver libre car ils maîtrisent le rythme à la perfection.
Ceux qui se disent poètes et font tout un foin des règles littéraires sont issus d'un milieu bourgeois, éduqué et protégé non ? Tu cites l'anthologie de Georges Pompidou... Jamais, non jamais de ma vie je n'ouvrirai un tel bouquin. Je préfère largement écouter un album des Doors pour avoir ma dose quotidienne de poésie ;) (avant qu'on ne me tombe dessus, je précise que Morrison est aujourd'hui un poète reconnu dans les universités américaines, qu'on étudie son oeuvre et qu'avant d'être une star du rock, tout ce qui l’intéressait lui c'était la poésie)
Mon avis rejoint celui de Lutécia Cendrelle. Les alexandrins franchement... il faut évoluer les gars. Un jour ou l'autre vous devrez aussi vous débarrassez des petites roues.
Et il faut aussi sortir du "une poésie doit sortir du cœur". On peut parler d'autre chose que de petits oiseaux et du sentiment amoureux...
Le rap, le slam, ont cette parenté avec la poésie classique, la construction rythmique sonnent.
Je pense que l'ont apprécie tous cette forme poétique née de Rimbaud, mais si je me penche sur certaines poésies de Victor Hugo elles me font elles aussi vibrées.
Mais oui Pompidou était déjà à son époque un homme d'un autre âge. Tout comme les anciens esthètes qui ne voyaient que dans le Rock du "bruit". Il a peut être ses raisons d'être mélancolique, mais la liberté poétique à sauver la poésie. Tout comme l'impressionnisme à sauver la peinture, en la sortant de son académisme.
Lorsque surgit un pressant besoin d'écrire, sous le coup d'une émotion, ils réapparaitront et c'est en toute bonne foi que l'on accouchera d'un texte composé de bribes de poèmes déjà lus. Plus grande sera notre culture poétique, plus élaborés et plus variés seront nos vers "libres". Mais ils ne seront que la réminiscences inconsciente de bribes de poésies déjà publiées. Ceci en toute bonne foi.
Et d'où serait sorti le premier poète ? ^^
Comme ton poème cité en exemple.
Sauf à trouver des métaphores sortant carrément des sentiers battus. Mais on n'en trouve guère dans les poèmes "qui sortent du coeur"
Quant à la forme poétique, académique ou libre, après tout il y a aussi la poésie en prose. Tout est dans le "coup de pinceau"...
Mais je ne crois pas en une "poésie du coeur" qui serait accessible à chacun de par sa bonne volonté, tout comme je ne crois pas en un texte magnifique produit par quelqu'un n'ayant jamais appris à écrire. La règle ne fait pas le poète, mais l'absence de règle encore moins.
Et je dis ça en ayant été absolument transporté par le spleen de Paris par exemple. Mais pour un spleen de Paris, il y a des milliers et des milliers de textes qui se contentent du feeling et ne transmettent, à mes yeux, absolument rien. Alors que si on touche au versifié, il y a au moins la satisfaction de la forme réussie, forme qui s'est imposée parce qu'universellement douce à l'oreille
Pour faire très simple :
La poésie libre sera pour l'immense majorité oubliable, avec un génie de temps à autres
La poésie très codifiée sera pour l'immense majorité plaisante, avec un génie de temps à autres
Mais dans tous les cas, je pense que ceux qui s'éloignent de la règle avec le plus de brio sont ceux qui la connaissent sur le bout des doigts, et même pour écrire "au feeling", je pense que n'importe qui devrait faire un détour par quelques formes de poésie classique.
Ce qui se dit sur la structure, la métrique, etc... du poème, l'est du respect de règles en la définition pour chacun de ce que devrait être un poème.
Mais la poésie n'est pas une forme, elle est une sensation.
Ta question de départ était : « La poésie doit-elle être fondamentalement construite ? ».
Si la réponse devait être donnée uniquement par un oui ou un non, la mienne serait oui, sans la moindre hésitation.
Comme je l’écrivais dans un autre commentaire, je ne peux pas considérer comme étant un poème un texte qui ne se plie pas aux usages de la rime, (rimes plates, croisées ou embrassées).
J’ajoute que la construction en strophes fait également partie des règles de base.
C’est pour moi le minimum pour que l’on puisse estimer qu’une œuvre correspond à un poème, sinon nous sommes tout bonnement face à de la prose, aussi belle puisse-t-elle être.
Pour reprendre une partie de ton propos (au sujet du papier cadeau) j’ai l’habitude de dire que l’important n’est pas l’enveloppe mais ce qu’elle contient.
Mais, si sur cette enveloppe il est écrit « poème », même si le texte qu’elle contient est magnifique mais n’est pas un poème, alors je me sentirais trompée.
Néanmoins, tout comme Lily H. Kitling, je suis capable d’apprécier des textes poétiques qui ne respectent pas les règles strictes de la poésie.
Si j'écris souvent des poèmes à formes fixes, c'est parce que les règles que je m'impose me permettent de canaliser mes idées. J'éprouve plus de respect encore pour les poètes qui, sans s'atteler à autant de règles de formes, parviennent à instaurer une rythme dans leurs écrits.
Si l'on considère un poème en prose, alors ce qui définit le poème ne doit pas être le nombre de ses restrictions, mais la richesse de son contenu.
La poésie est, pour moi, une musique des mots, la combinaison de pas de danse habiles et fluides. Tout n’est qu’une question de ressenti, de plaisir.
C'est une vision du monde, et cette vision ne peut être que libre et certainement pas coincée entre des règles rigides.
Le nombre de vers m'importe peu, même si une certaine harmonie entre eux me semble nécessaire.
Autre chose, les rimes, selon moi, sont très importantes, on ne peut pas les négliger, sinon il n'est plus question de poème.
Sans elles, le texte peut être poétique dans sa sonorité, mais ne peut pas être considéré comme un poème.
Moi-même, je respecte de moins en moins les règles, d’ailleurs j’en écris de moins en moins aussi, des poèmes.
Ma définition de la poésie n'a pas changé, elle est notée dans ce même commentaire, c’est une vision du monde, cette vision doit être libre et non figée par des règles strictes.
Seule l'émotion compte. Là-dessus, je ne changerai jamais.
Puis il existe les poèmes en prose, en vers libres, ceux-là n'obéissent à aucune règle, tout comme celui que tu as écrit dans ton commentaire.
Il ne contient pas de contraintes, ce qui ne l'empêche pas d'être poétique.
Prendre un petit garçon
Ou une petite fille
Cela ne tient qu’à un fil
Lui donner son cœur
Le poser dans sa main
Le laisser palpiter
Comme un poisson apeuré
Et quand le petit garçon
Ou la petite fille
Debout sur son fil
Demande ce qu’est la vie
…
Alors d’un coup de crayon
D’un seul
Sec et bien pointu
Enfoncer la blessure
Jusqu’au sang chaud
Jusqu’à la mémoire froide
Des regrets endormis
Puis retirer le crayon
D’un coup d’un seul
Comme un souvenir
Qu’on arrache au temps
Et dire au petit garçon
Ou à la petite fille
Qui pleure sur son fil
« Tu vois le trou en-dedans
C’est le crayon le vilain
Qui l’a percé »
Et le petit garçon
Ou la petite fille
Qui hésite sur le fil
Se dit alors
« Il manque à mon cœur
Ce que le crayon a pris »
Et le petit garçon
Ou la petite fille
Pour se venger du fil
Qui n’a rien fait, le fil
Sinon tenir la vie
Ou éloigner la mort
Prend entre ses doigts le crayon
Et le condamne
Oui, le condamne
À vie, à mort
À chercher les mots qui manquent
Qui manquent sur le fil
Sur le fil de la vie
De la vie qui s’enfuit
Par le trou sanglant
Pour emplir le cœur
Des garçons et des filles
Qui n’ont pas vu le crayon
Mais dont la vie s’enfuit
Par le trou sanglant
Des blessures du temps
Petite coquille dans le titre de ce sujet. ;-)
Pour moi, la poésie est celle du mot et de l'émotion.
Ce qu'on appelle communément "poésie", avec ses vers, ses rimes, ses tant d'autres règles changeantes, ce n'est qu'une forme de littérature comme une autre.
La poésie, on la retrouve partout, et surtout ailleurs que dans un poème.
Les règles apportent une contrainte qui peut révéler la beauté d'un mot ou d'une émotion. Elle n'aurait pas tant de noblesse aujourd'hui si ce n'était pas le cas. Travailler avec les contraintes, c'est aller chercher la beauté plus loin que dans les mots immédiats qui nous viennent - communs, banals, creux. C'est aller chercher plus loin que les images convenues que l'on appelle "poétiques" et si usées qu'elles en deviennent ternes, mornes, fatiguées, elles n'évoquent plus rien de concret. C'est aller chercher le mot juste, la formulation contrainte qui fera sortir du concept pour faire émerger l'émotion.
C'est compliqué. Très compliqué. Mais on ne peut s'évader d'un cercle parfait qu'une fois qu'on a réussi à le tracer.
Certes on est d'accord qu'il faut un minimum de règles pour pouvoir... "sublimer" la beauté d'un texte. (Et de toutes choses, Beethoven s'est après-tout illustré en explosant les codes de la musique de son époque.) C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les poèmes sont écrits quasi-exclusivement en rimes mais ce qui m'interroge ici c'est la pertinence de la sur-accumulation de règles.
Je reprends l'exemple des alexandrins et des rimes masculines et féminines car je le trouve assez parlant. J'ai simplement l'impression que ce sont plus des règles de mises en formes, d'exigences qui ne vont, en soi, rien véritablement apporter au texte lui-même.
Ecrire en alexandrins apporte-t-il réellement un plus si ce n'est la satisfaction de l'auteur d'avoir répondu à une règle qu'il s'est imposée ? Au delà, apporte-t-elle réellement quelque chose au lecteur ? Personnellement (et j'insiste sur le fait que c'est vraiment mon avis et qu'il n'engage que moi) je ne compte jamais les syllabes lorsque je lis ou écris un poème et je ne pense pas être le seul dans ce cas. (Peut-être que je me trompe ! A vous de me dire !) Je me contente de prendre le texte tel quel et, à moins qu'il soit construit de façon totalement anarchique, je ne fais pas véritablement attention à sa forme.
Tu penses réellement que des textes dans ce genre vont réellement sublimer un texte ? J'avoue que c'est assez difficile à envisager pour moi.
Pour reprendre l'exemple des alexandrins : tout d'abord, ils donnent un rythme certain. Si on ne sait pas faire d'alexandrins, comment réussir à en jouer ? Comment les faire chanter, les rythmer, les assujettir à ton Sens pour mieux servir ta propre poésie ? Il faut d'abord les comprendre, les apprivoiser puis les dompter, avant de pouvoir les faire jouer.
De la même façon que pour écrire, on doit d'abord comprendre le sens des mots, les conventions de leur orthographe, de la grammaire et la conjugaison, des subtilités des accords... Pour pouvoir jouer ensuite avec ces règles et se libérer de leur poids. Une fois qu'on les maîtrise, on les oublie, elles sont intégrées et on en joue.
Écrire en alexandrins, c'est s'obliger à trouver les formulations qui rentreront dans ce moule, dans ce nombre de syllabes. Au début, c'est très laid, c'est douloureux, c'est un effort intense et peu payant. C'est à force d'entraînement qu'on prend l'oreille, qu'on trouve la fluidité. Exactement comme on écrit en prose pour la première fois. Au début c'est laid, c'est mal agencé, c'est cliché et superficiel. Mais on s'entraîne. On trouve nos marques, on se pose, on prend confiance, et on pond un vrai texte, un dont on est fier. Qu'on a longuement réfléchi, planifié, dosé, agencé. Corrigé, aussi. Écrire un poème, c'est pareil.
Mais le poème tient davantage de la chanson que du texte. Le rythme et la mélodie sont primordiaux dans un poème, bien plus que dans un texte (bien qu'on puisse aussi jouer là-dessus en prose). Ce n'est pas parce qu'il y a des règles que les poèmes sont beaux (je pense à Baudelaire parce que je le connais bien, mais Hugo tient la palme), c'est parce qu'il y a un propos, une émotion derrière, et que les règles ne font que la mettre en forme.
Une mise en forme très stricte (bien qu'elle ne l'ait pas toujours été), très codifiée, mais une simple mise en forme, à l'instar d'une nouvelle qui répond à d'autres codes, d'un conte, d'un roman de SF ou que sais-je.
Si tu penses que ces règles n'apportent rien à ton texte, pourquoi t'embêter ? Écris donc en prose, ton propos n'en sera pas dénaturé ni desservi.
L'important, ça reste le sens et l'émotion.
Pour moi, ce n'est pas la poésie qui doit être construite, c'est le poème. La poésie répond à d'autres règles que les simples vers et rimes.
Mais est-ce que cela signifie néanmoins que les poèmes ne rentrant pas dans les cases de l'Alexandrin sont forcément à jeter ?
Mais pas du tout. ;) Déjà, parce qu'il y a des taaaaas de sortes de poèmes. Une foultitude. Les contraintes varient beaucoup, certaines sont d'ailleurs plus abordables que d'autres quand on débute. Il existe beaucoup de formes de poèmes, ce qui laisse déjà beaucoup de possibilités et de liberté. Tu n'aimes pas les alexandrins ? Écris des heptasyllabes ! (C'est pour la blague, en vrai c'est encore plus dur que l'alexandrin xD ) Tu n'aimes pas les sonnets ? Écris des tankas ! Va piocher dans les autres cultures littéraires si les règles françaises te rebutent. Tu aimes la brièveté d'une pensée ? Écris des tweets, des micro-poèmes. Bref, il y a une sacrée marge de manœuvre.
Tu as écrit quelque chose qui rime un peu bancalement, plus ou moins rythmé, mais qui transporte une telle émotion, de telles images que les lecteurs en sont profondément touchés ? Alors, si ça ne s'appelle pas "poème" au sens strict du terme, c'est du moins certainement de la "poésie". ;)
Pourtant il fait partie de tous les manuels de poésie à l’école.
La poésie, ce sont des mots couchés par l’âme. Mais la plupart du temps, ça rend bien mieux quand ça suit des règles strictes que quand c’est en totale libre création.
De nombreux textes sont poétiques, mais ceux que l’on retient sont probablement ceux qui sortent du canevas des textes simplement issus de l’émotion.
My two cents.