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Shalena

Je suis un pain aux bananes.
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œuvres
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Œuvres

Shalena
Cette nouvelle est censée n’être que l’introduction d’une série de plusieurs autres, mais est pour l’instant la seule terminée.

Par ailleurs, comme Scribay ne gère pas les notes de fin, j’ai dû improviser et faire comme je pouvais, j’espère que ça ne gênera pas trop.
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Shalena
Une nouvelle écrite dans le cadre d’un défi sur le thème « Revisitez un conte, une légende ou un mythe de votre choix ».
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Shalena

1.


Bip. Bip. Bip. Bip.


Sourire mécanique accroché au visage. Bonjour madame. Merci madame. Au revoir madame. Bonjour monsieur. Les articles défilent devant elle, apportés par le tapis roulant. Elle se laisse abrutir par le son psalmodique du scanner devant lequel elle fait passer, indifférente, boîtes de céréales, paquets de salades, tampons, stylos, boîtes de conserves en tout genre. Affichant le masque commercial validé par la direction du magasin, elle laisse son cerveau passer en mode veille, dans l'espoir futile que le temps lui paraisse moins long. À l'occasion, dans les instants de creux entre deux clients, elle jette un regard rapide à sa montre pour estimer le temps qui la sépare encore de sa libération. 4 h 45 avant la fin de la journée. 23 h 15 de travail avant le week-end.


Elle se crispe de manière à peine perceptible quand arrive celui que les autres ont pris l'habitude d'appeler « son » client. Chaque semaine il est là, le même jour, à la même heure, aussi régulier que s'il avait avalé une horloge. Elle a bien essayé de changer d'équipe, de permuter ses horaires pour ne pas être là en même temps que lui, mais à chaque fois il a adapté ses habitudes pour réussir à venir la voir, elle. Chaque semaine, il vient acheter une boîte de capotes, prêt à faire la queue dix minutes supplémentaires pour passer à sa caisse à elle. Chaque semaine, il lui lance un sourire qu'il voudrait sans doute enjôleur mais qui n'arrive qu'à être obscène, accompagné immanquablement d'une « plaisanterie » teintée de sous-entendus à peine masqués. Chaque semaine, elle prend sur elle, lui répond d'un ton monocorde les répliques apprises par cœur dans le manuel de la parfaite petite caissière.


Elle se dit qu'un jour, elle finira par décider que le salaire misérable qu'elle gagne ne suffit plus à justifier ses journées infernales. Elle se dit que ce jour là, elle l'attendra, lui, et que puisqu'elle n'en aura plus rien à foutre de se faire virer, elle lui dira ses quatre vérités, et que même elle aimerait bien lui sauter carrément dessus et lui arracher les couilles pour les lui faire bouffer. Mais bien sûr, elle n'aura jamais le courage de faire ce genre de choses, pas même de se faire virer. De toute façon, elle sait pertinemment qu'un autre boulot ne la rendrait pas plus heureuse, que c'est juste un moyen de gagner de quoi manger, parce qu'il faut bien. Deux heures avant la fin du boulot.






2.


Ils sont au parc tous les deux. Elle sourit, sans avoir à se forcer, de ces sourires simples et sincères des gens qui sont tellement heureux qu'ils s'en rendent à peine compte. Ils marchent côte à côte, elle tient sa main, lui jette un regard de temps en temps. Ils discutent de tout et de rien, elle parle plus que lui mais ça n'a pas l'air de le déranger, au contraire il se montre intéressé par tout ce qu'elle trouve à raconter. Ça lui fait du bien. Il n'y a qu'avec lui qu'elle peut parler comme ça, aussi librement. Il n'y a qu'avec lui qu'elle a envie de parler, d'ailleurs.


Ils se promènent, sans but particulier, errant simplement au gré de leurs caprices, tournant à droite et à gauche aléatoirement, parce que tel chemin leur semble agréable, parce qu'ils ont vu un arbre, une fleur ou un oiseau qui les a attirés de ce côté, ou tout simplement parce qu'ils en avaient envie. L'air est doux, sans être trop frais, le soleil brille sans pour autant éblouir, ils ne croisent personne, comme s'ils étaient seuls au monde, et elle se sent bien.


Le temps passe à la dérobée, heures ou minutes elle serait bien incapable de le dire. Et peu lui importe d'ailleurs. Elle se contente de profiter du moment, du décor, de son bien-être, de sa présence, à lui, près d'elle. Elle sait confusément qu'ils ne feront pas l'amour aujourd'hui, et ça ne compte pas non plus. Rien ne compte, d'ailleurs, dans son état d'esprit, dans le petit monde où elle se tient, dans ces bras qui l'entourent et la protègent.


Rien, sauf les quelques mots qu'il finit par prononcer. Il va être l'heure. Tu vas devoir y aller. Elle n'est pas triste, pas vraiment. Elle n'est jamais triste quand elle est avec lui. Simplement déçue que ça doive se finir déjà, qu'il faille se séparer encore, jusqu'à la prochaine fois. Mais elle savait bien que ce moment arriverait, elle y est préparée. De toutes façons, ils se retrouveront bientôt, alors tout va bien.






3.


Tous les matins, à son réveil, elle a besoin de quelques minutes avant d'arriver à se lever. Elle s'en est rendue compte il y a quelque temps, et plus ça va, plus ça lui est difficile. Pendant ces quelques minutes, elle reste étendue sur son lit, les yeux ouverts, à fixer le plafond. Et elle remue ses pensées. Elle cherche en elle le courage de se lever. Le courage d'affronter le monde, d'affronter son travail, d'affronter une nouvelle journée, fatigante et vide de sens.


Elle se demande pourquoi. Pourquoi se lever ? Pour quoi faire ? Pour pouvoir aller à un travail qui ne lui plaît pas, qui lui permettra de gagner de l'argent dont elle profitera à peine, pour s'acheter de la nourriture qu'elle ne savourera pas, des objets qu'elle n'appréciera pas. Est-ce que ça en vaut vraiment la peine ?


Il n'y a rien qui l'intéresse. Ou si peu. Elle se traîne dans la vie comme une ombre, contrainte et forcée, parce qu'il faut bien, parce qu'il n'y a que ça à faire. Elle pourrait se suicider, elle y a déjà pensé, pourtant elle ne le fait jamais. Pas par manque de courage, mais simplement parce que même ça, ça ne lui fait pas envie. Elle se demande parfois où elle trouve la force de continuer. Elle se dit qu'un jour, elle ne se lèvera pas, tout simplement. Elle restera simplement allongée là, attendant que la vie veuille bien la laisser tranquille.


Elle finit par la trouver pourtant, cette force. Chaque matin, elle réussit à se lever. Inlassablement, avec une obstination plus portée par l'habitude que par une réelle volonté, elle se met en branle déjà fatiguée à l'idée de traverser une nouvelle journée grise, terne, semblable à toutes les autres. Sans surprise, sans envie, sans intérêt, mais aussi sans regret, elle vit sa vie, va travailler, mange, supporte les clients, les collègues, les autres, attendant simplement le moment où, enfin, elle pourra retourner se coucher.






4.


Il lui suffit de voir son sourire, ou de le regarder dans les yeux, pour se rappeler où elle trouve sa force. Avec lui, elle n'est plus fatiguée, le monde retrouve ses couleurs, la nourriture retrouve sa saveur, tout paraît plus réel. Elle retrouve ses envies, ses désirs, ses ambitions parfois même. Elle vit.


L'amour, le bonheur, sont de bien jolis mots, qui pourraient, dans une certaine mesure, décrire ce qu'elle ressent près de lui. Mais plus important, elle se sent en vie. Le travail, les soirées avec ses amis – ses collègues – auxquelles elle ne va que rarement, et parce qu'ils insistent, sa famille même, tout ça n'est que du remplissage, des obligations, du temps perdu, volé à sa compagnie. La vie, la vraie, c'est près de lui.


Ça n'a rien de très différent, pourtant. Ils ne font rien de bien extraordinaire ensemble. Ils se promènent, ils discutent, il l'emmène au restaurant, parfois ils dansent ou font l'amour. C'est simplement ce sentiment qui l'étreint dès qu'elle est avec lui, quoi qu'ils fassent, et même quand ils ne font rien. Comme si sa simple présence avait le pouvoir de changer le monde entier.



Peut-être est-ce le cas. Ou peut-être que c'est simplement elle qui change quand elle est avec lui. Elle s'en fiche en vérité. Ça ne compte pas. Quand ils sont ensemble, elle ne se demande pas pourquoi ni comment. Elle se contente de savourer cette impression d'être, enfin, vivante. Tant que ça dure. Parce que, même si elle arrive à ne pas y penser, elle sait que ça ne dure jamais toujours. Seulement jusqu'à ce qu'ils doivent se séparer. Jusqu'à ce que le réveil sonne. Et qu'elle doive, encore, affronter une nouvelle journée. En attendant la prochaine nuit, et le prochain rêve.  
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