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Alyciane Cendredeau

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Alyciane Cendredeau
Ma première participation du Textober (un thème par jour, un texte par jour !)

Je garde l'univers de Fabulous comme univers à étoffer :)
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Alyciane Cendredeau
La vie de Danaë, simple lycéene, vient de changer. Un tremblement, un plafond qui lui tombe dessus et la voilà réveillée dans un nouveau monde. Ou plutôt, SON monde qui a connu un cataclysme sans précédent. Mais où sont les autres personnes ? Et qui sont ces étranges créatures, mi animales, mi humaines, qui sont désormais aux commandes de cette nouvelle société chaotique ?
Roman Young Adult en cours pour le concours FOLIO :)
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Alyciane Cendredeau
HAREM est fruit d'un concours organisé par les éditions Harlequin il y a 6/7ans. Il avait été lauréat mais n'a pas été édité...
Je le ressorts dans l'espoir de l'améliorer, étoffer réellement la relation entre les personnages en prenant mon temps, et en rajoutant quelques scènes olé olé ;)
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Alyciane Cendredeau
Vous connaissez tous l'histoire du Corbeau et du Renard, mais vous ne connaissez pas la suite... Et croyez-moi, ce n'est finalement pas le fromage que Renard a finalement dévoré !

Mais leur amour arrivera-t-il a survivre malgré leurs différences ?
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Alyciane Cendredeau
Loup était un guerrier, un soldat, un mercenaire... un loup parmi les chiens.

Découvrez la jeunesse de Loup, tirée de la BD Fabulous : Le Loup et l'Agnelle.

Cette nouvelle a été inspirée par la fable "le loup et le chien" de La Fontaine :

Un Loup n'avait que les os et la peau,
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.
L'attaquer, le mettre en quartiers,
Sire Loup l'eût fait volontiers ;
Mais il fallait livrer bataille,
Et le Mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le Loup donc l'aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu'il admire.
"Il ne tiendra qu'à vous beau sire,
D'être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, hères, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? rien d'assuré : point de franche lippée :
Tout à la pointe de l'épée.
Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. "
Le Loup reprit : "Que me faudra-t-il faire ?
- Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens
Portants bâtons, et mendiants ;
Flatter ceux du logis, à son Maître complaire :
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons :
Os de poulets, os de pigeons,
Sans parler de mainte caresse. "
Le Loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.
"Qu'est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ? rien ? - Peu de chose.
- Mais encor ? - Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
- Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? - Pas toujours ; mais qu'importe ?
- Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. "
Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encor.
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Alyciane Cendredeau
Maître Renard est un être malicieux et séducteur... Mais connaissez-vous vraiment son histoire, et surtout son passé dans les mystérieuses Terres de l'Est, au cœur même de la citée Impériale ?
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Alyciane Cendredeau


Dame Corbeau, sur un arbre perchée
Tenait en ses mains un fromage
Maître Renard, par l'odeur alléché
Lui tint sans procès ce langage
"Bien le bonjour, sombre oiselle!
Que vous êtes jolie ! Que vous me semblez belle!
Sans mentir, on dirait un ange
Tombé ici pour mes louanges
Vous êtes pour sûr le Phénix de ces bois
Qui domine le renard aux abois!"
A ces mots, Dame Corbeau fit un rire
Fatiguée qu'on essaie de la séduire
"Je sais pourquoi tu es ici
Car plus d'une fois on m'a trahie!
C'est pour ce fromage que vous me dites
Toutes ces tendres phrases interdites"
"Ma Belle Dame" lui dit le filou
S'il y avait une proie, ce serait vous!
Venez en bas que je vous dise
L'étendue de ma gourmandise!
Libérez-vous et sautez, si vous n'avez peur
De changer votre triste humeur"
Une seconde à réfléchir
Rester à jamais seule ou bien mourir ?
Un long silence, la Dame choisit
Et d'un Renard s'est enrichit
Car apprenez que tout flatteur
Mérite parfois qu'on l'écoute
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.
Et qu'on se le dise, la malheureuse
Fera de ses lèvres d'innombrables envieuses!
La BD du Corbeau et du Renard disponible ici!  http://fabulous-collection.blogspot.fr/
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Alyciane Cendredeau


Elle avait les yeux sombres, noirs comme la nuit. Il n'avait pourtant pas l'habitude de s'extasier sur ce genre de fille ; il les préférait claires, fragiles et faciles à amadouer. Fourmi était toute l'inverse : d'un caractère sec et fort, il n'avait jamais pu l'ensorceler.
Cigale lui remplit un verre. C'était du vin, exceptionnellement. Il faut dire que Fourmi n'est pas prêteuse, et encore moins dépensière ; l'eau reste donc sa principale boisson. Mais pas ce soir.
Fourmi se pencha vers la cheminée, déposa une bûche de plus entre les braises. Elle soupira, las, inquiète par la journée passée.
« Vous êtes allé à la cour du roi ?
-En quoi cela te concerne ? »
Elle lui avait répondu sans gentillesse, mais sans agressivité non plus, d'une voix franche et musquée. Cigale frissonna. Voilà plusieurs semaines qu'il avait rejoint le service de Fourmi (ou plutôt elle l'avait contraint de payer tous les soucis qu'il avait pu causer -et elle en profitait grassement), et plus leur relation avançait, plus il aimait être remis à sa place. Uniquement par elle, bien sûr.
« C'est une nuit spéciale... »
Fourmi, la main posée sur son front comme prise d'un mal de crâne, se redressa légèrement. Elle fit la moue. Elle s'était assise à côté du feu, dans un petit fauteuil de tissu bordeaux, sobre mais étonnement élégant.
« En quoi est-ce une nuit spéciale ?
-C'est la fête de l'amour... »
Fourmi soupira.
« Garde tes cajoleries pour tes maîtresses, et arrête de dire des idioties. »
Cigale déglutit, mais jeta un œil derrière la fenêtre.
«Vous êtes dure... Je n'ai plus de maîtresses depuis des semaines. Elles m'ont toutes oubliées... Et puis, c'est ce qu'on dit sur le calendrier.
-Cela ne m'intéresse pas. »
Son ton ne semblait accepter aucune contestation. Un silence pesant s'installa, ne laissant que le crépitement du bois raisonner dans le petit salon. Cigale soupira pour reprendre courage, attacha ses longs cheveux verdoyant d'un cordon de soie. Il l'avait trouvé quelques heures avant dans les affaires de Fourmi, pendant qu'il fouillait près de son lit en faisant mine de ranger. Mais Cigale est aussi bon homme de ménage que fouineur, surtout pour fouiller les affaires des dames.
« Comment pouvez-vous dire cela ? Vous ne voulez-donc pas être heureuse ? » gémit-il, sincèrement désolé.
Fourmi pouffa de rire, désintéressée.
« Tu me prends vraiment pour une jeune première ?
-Ma Dame, personne ne voudrait rester seul pour toujours... »
Il avait répondu aussi sec, s'était agenouillé face à elle. Il posa sa main sur la sienne, qu'elle retira aussitôt de l'accoudoir. Elle releva un sourcil, interloquée.
« Pourquoi faire ? Et puis je ne suis pas seule. Tu es là. »
Cigale se fendit d'un sourire. Ainsi, le comptait-elle comme quelqu'un de proche ?
« Ma Dame, je suis ravi de pouvoir compter comme...
-Calme-toi un instant. J'ai juste dit que tu étais là. »
Fourmi leva la tête, comme pour prendre ses distances avec le jeune homme. Les flammes du foyer brillaient dans son regard, le rendait encore plus noir qu'à l'accoutumée.
« Ma Dame... »
Cigale se releva doucement, lui offrit le verre de vin encore posé sur la table à côté. Elle accepta sans broncher, gardant son regard froid et hautain. Elle semblait vraiment le détester. Ce n'est pas qu'il aimait ça, mais c'était la première fois qu'une femme lui résistait. Pire, lui vouait tant de méfiance. Mais ce n'était pas ça qui le fascinait : peut-être était-ce sa chevelure d'ébène, ou bien son caractère piquant... Ou bien même ses lèvres rouges comme le sang.
« Qu'est-ce que tu regardes ? »
Il ne s'en était pas vraiment rendu compte, mais il fixait à ce moment même ses lèvres veloutées et exquises, légèrement humidifiées par le vin. Il s'était rapproché, sentit son parfum enivrant de fleur.
« Ma Dame... »
Il ne su quoi dire d'autre, lui pourtant si habitué à bavarder.
« Tu es un peu trop proche... » continua Fourmi.
Elle semblait énervée. Ou peut-être troublée ? N'était-ce pas un peu de rouge sur ses joues ? Cigale ne prit pas le temps de s'en assurer quand il cala vaillamment sa main sur le fauteuil, posant un genou à côté du sien. Aussitôt Fourmi le foudroya du regard, essaya de lui attraper le poignet.
« Qu'es-tu donc en train de... »
D'un coup, le fauteuil bascula en arrière. Le bois craqua ; Fourmi poussa un cri surpris. Lui aussi. Il n'avait pas du tout prévu ça. Le vin se renversa un peu partout sur elle, se répandit sur sa robe, sur sa peau blanche.
Ils se retrouvèrent ainsi, face à face, à moitié allongés par terre. Cigale le sentait, il allait passer un mauvais quart d'heure. Mais il refusa de bouger. Il sentit sa poitrine palpiter sous la sienne, son cœur battant à toute vitesse. Fourmi le fixa d'un air courroucé, le souffle long, mais ne bougea pas non plus. Ses lèvres étaient à quelques centimètres des siennes. Les longues mèches encadrant le beau visage de son valet lui chatouillaient le visage, la caressait presque. Elle sentit son souffle chaud s'accélérer.
« Je suis désolé... » murmura-t-il, presque haletant.
Fourmi le toisa du regard, interdite.
« Mais je ne veux pas vous laisser si seule... » continua Cigale, s'approchant un peu plus encore.
Ils s'effleuraient presque, luttant pour ne plus bouger. Le temps s'était arrêté, l'air réchauffé.
Fourmi ferma les yeux, comme dans un instant de faiblesse. Il les ferma lui-aussi quand il l'embrassa, glissa avec désir sa langue entre ses dents. Ses lèvres étaient chaudes, brûlantes, au goût langoureux de groseille. Il les mordilla, glissa ses doigts dans sa chevelure.
« Ma Dame... Je vous... »
Une douleur lancinante le fit arrêter. Elle lui avait attrapé les cheveux, elle aussi, mais pour les tirer violemment en arrière.
« HAAAAAAAAAAAaaaaaAAAAAAAAAAAAAAAAAA » cria Cigale, pris au dépourvu.
Fourmi ne dit cependant pas un mot et semblait juste retrouver ses esprits. Ses yeux ne brillaient pas de colère, mais juste peut-être d'excitation. Enfin, elle se lécha la bouche comme pour l'essuyer, et le fixa. Cigale fit la grimace, essayant de se défaire de son étreinte.
« Je peux savoir ce que tu viens de faire ? » répondit-elle enfin.
Elle tira encore d'un coup sec, et Cigale roula sur le côté. Elle se releva lentement, lui posa un pied sur la poitrine.
« Est-ce que tu as vu tout le désordre que tu viens de faire ?!
-Ou...oui ! gémit Cigale, essayant de repousser le talon s'enfonçant dans sa chair.
-Tu vas me faire le plaisir de me nettoyer ça ! Et ce vin, bon sang ! Tu sais combien il coûte au moins ?!
-Je suis désolé !!! » répondit Cigale, apeuré.
La jeune femme lui jeta un regard énervé, puis s'écarta.
« Je vais arranger ça ! » continua Cigale en se relevant douloureusement, ramassant les bouts de verre éparpillés par terre.
« Tu as intérêt » répondit la jeune femme.
Elle sortit enfin de la pièce comme une tornade, laissant Cigale penaud. Ce dernier se frotta le torse, regarda les reflets cristallins briller dans sa main. Puis il sourit. Son cœur battait encore la chamade, son sang bouillonnait encore au souvenir de cet acide baiser.
« Et va faire la cuisine !!! cria Fourmi à travers la porte.
-Tout de suite, Ma Dame ! »
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Alyciane Cendredeau


Tout en poussière, plus rien à l’horizon. Le vent balayait les ruines de l’humanité, faisait envoler les derniers restes, les derniers grains vers le ciel rougeoyant. Seul le hurlement grinçant de l’air contre le sable donnait encore un semblant de vie, un dernier son gémissant sur le tombeau de la terre. Non, il n’y avait plus rien : tout avait été usé, raboté, effacé. Seul le Temps, unique Maître de ce monde au crépuscule, trônait au sommet des cendres. C’était aussi le dernier homme, misérable, meurtrit. Complètement seul. Tout était mort désormais, et c’était de sa faute. Une faute nécessaire, obligatoire. Implacable. Un nuage se leva, l’entoura presque, étincelant de milliers de résidus du passé. L’homme leva la main, attrapa dans un souffle ces grains qui se dispersèrent aussitôt, s’écoulant entre ses doigts comme dans un sablier. Plus rien n’avait de sens ; le pouvoir était désormais inutile. À cette pensée, ses doigts s’asséchèrent. Une douleur vive le piqua, d’abord au bout de son index, puis remontant dans tout son avant-bras. Sa main se décomposait, se transformait en vieux lambeaux parcheminés, tombant elle aussi en poussière. Les membres d’abord puis sa poitrine, son corps tout entier se rabougrissaient lentement, tombant comme le sable dans une souffrance fulgurante. L’homme poussa un dernier cri avant de disparaître totalement, ses dernières miettes s’envolant dans un claquement sourd. Ses os tombèrent au sol avec le reste.
Dans un grand souffle, il rouvrit d’un coup les yeux, son oreiller imbibé de sueur


— Papy, papy, regarde ce que j’ai trouvé ! Il y en a tout un tas !
Le petit garçon courra à grand pas dans les escaliers, manquant de se prendre les pieds dans le tapis usé, cloué à la va-vite sur les marches glissantes. La moquette grumeleuse était encore tâchée des derniers imprudents qui avait déjà dégringolés l’endroit, mais l’enfant n’avait toujours pas appris de ses erreurs. Pourtant, cette fois-ci, il ne tomba pas.
— Encore un de tes trésors du fond de jardin ? répondit l’intéressé d’un air débonnaire.
Son grand-père l’attendait dans une pièce à l’étage, le visage émacié et les cheveux rares et blancs encadrant son sourire fatigué. Malgré tout le poids des ans sur ses épaules, le vieil homme avait encore cet air malicieux dans le lac bleu de ses yeux, cette petite étincelle qui le rendait plus vivant que jamais. Le même regard joueur et amusé de son petit-fils qui s’accrocha d’un coup à ses genoux, éclatant de rire et brandissant avec fierté ce dont il parlait.
— Des lockets, papy ! Y’en a vraiment plein !
— Hahaha, si seulement mon petit… !
Le rire clair et franc du vieillard grinça à son tour comme une vieille chaise, mais cela ne semblait pas plaire à l’enfant.
— Mais si, je te jure ! Regarde comme ils brillent !
Délicatement, le vieil homme fit glisser les quelques pierres luisantes de la paume du garçonnet, les contempla pensivement en faisant danser leurs reflets. Sa mâchoire se serra, faisant claquer les quelques dents qui lui restaient, puis finalement il referma sa main.
— Allons caneton, ce n’sont pas des lockets… Juste de jolies pierres…
— Mais si papy, je suis sûre d’en avoir déjà vu sur des lockets… !
— Calme-toi, calme-toi… !
L’enfant se mit à gémir, des larmes perlant déjà au coin de ses yeux de frustration.
— Mon dieu, ce que tu chougnes vite… continua le vieil homme, presque amusé.
— Je ne chougne pas ! gronda l’enfant, tappant du pied. C’est toi qui m’as montré comment était ton locket… et elles sont pareilles !
La main du grand-père se posa sur l’épaule du garçon, serrant tendrement son petit corps agacé. Sa voix se fit plus tendre, plus patiente aussi. Lentement, il refit tomber les pierres entre les doigts de l’enfant, puis lui ébouriffa sa tignasse noire en souriant.
— Ce sont des bijoux à en devenir, pas de doute… pour sûr, un vrai trésor !
— Tu vois ! Tu vois ! Enfin… tu crois ?
Le garçon hésita, soupçonneux par ce revirement intempestif. Il jeta un dernier coup d’œil aux pierres, puis se rapprocha un peu plus de son grand-père. Ce dernier s’était rassis dans un vaste fauteuil en rotin qui siégeait juste à côté. Enfin, soupirant, l’enfant posa son menton sur la cuisse sèche du vieillard. Il faisait encore la moue, pensif.
— Qu’est-ce qu’il y a encore ? souffla enfin le grand-père, mâchonnant une vieille pipe éteinte.
— Pourquoi papy ?
— Pourquoi quoi ? fit innocemment le vieil homme, feignant de ne pas comprendre.
— Pourquoi tu ne l’utilises plus ?
Le grand-père retira d’un geste le tube de bois coincé entre ses lèvres et posa un regard lourd sur la petite tête brune qui le fixait. Il avait les pommettes hautes, les lèvres roses et fines, les cheveux fins tombant en longues mèches folles sur son grand front. Il lui rappelait quelqu’un, et son cœur se serra à cette pensée.
— Ecoute caneton, j’vais te raconter une histoire.
— L’histoire de ton locket ? coupa l’enfant, enthousiaste.
— Dis-donc, tu n’as que ce mot à la bouche… Non. De comment j’ai rencontré ta grand-mère…
— Pffffffffffffffffff…
L’enfant s’était littéralement décomposé, visiblement dégoûté.
— C’est… genre… une histoire d’amour ? grimaça-t-il.
— On peut dire ça comme ça, oui.
— Pouaaah…
Le vieil homme remit sa pipe à la bouche, mordillant le bois lisse avec agacement. Les gosses, c’était vraiment quelque chose… Soudain, une idée le traversa.
— C’est aussi une histoire… de pouvoirs !
Le garçon se redressa un peu, mordant à l’hameçon.
— De pouvoirs ? De super-pouvoirs tu veux dire ?
— Bien évidemment !
C’est bon, il était cuit. Le grand père contempla l’enfant battre des mains avec satisfaction. Il soupira enfin, jeta un œil vers le ciel perçant le rideau blanc de la fenêtre. Au rez-de-chaussée, une odeur de gâteau dans le four remontait lentement jusqu’à eux.
— Cette histoire commence alors que j’étais jeune…
— Tu veux dire il y a très longtemps ?! interrogea le garçon, subjugué.
— Ne sois pas insolant, veux-tu ?! grogna le vieil homme en se râclant la gorge.
Accompagnant le geste à la parole, il tapa sa pipe d’un coup sec contre le bois d’une petite table, laissant tomber les derniers brins de tabac.
— Tout commença, comme toute histoire, à son commencement… Cela peut te sembler étrange comme précision, mais ça à son importance. À l’époque, nous venions de découvrir les pouvoirs des lockets, et le monde avait été chamboulé par cette incroyable vague de pouvoirs. Tu es encore trop jeune pour comprendre, mais s’en est suivi une véritable bataille pour avoir le dessus sur les autres. Les règles n’étaient pas encore réellement créées, et c’était le chaos.
— Le chaos… ?
— Mmmh… Disons que c’était la guerre. Et puis j’ai reçu mon pouvoir.
— C’est toi qui l’as choisi, papy ?
— Bien sûr, comme nous tous. Le pouvoir le plus puissant que j’ai pu trouver… J’en avais entendu parler dans un livre, et j’avais adoré.
— Entendu parler ?
— « Fugit irreparabile tempus ».
L’enfant retint son souffle comme s’il venait d’entendre une formule magique, mais rien ne se passa. En bas, on ouvrait la porte du four et l’odeur sucrée du goûter se fit un peu plus fort.
— Et bien, tu ne me demande pas ce que ça veut dire ? râla le grand-père en faisant la moue.
— Bah… j’ai rien compris papy !
— Arrête donc de me couper, ça t’aidera. Je disais donc que j’avais choisis le pouvoir le plus puissant que j’avais trouvé, et je m’étais alors renommé Aeter. J’avais pris mon destin en main et je voulais tirer mon épingle du jeu. Le monde était devenu fou, et je comptais bien ne pas devenir comme lui… Bien sûr, je n’étais pas le seul à avoir la même idée.
— Mais tu étais le plus fort, papy. Non ?
Le vieillard n’avait plus l’air si vieux dans ce boudoir poussiéreux. Il s’était redressé, par fierté peut-être ou juste pour mieux s’installer dans son fauteuil. La lumière au fond de ses yeux luisait plus que jamais.
— J’étais puissant, à ne pas en douter. Aveugle aussi…
Aeter était un jeune homme qu’on pouvait qualifier de charmant. Avec sa chevelure noisette en bataille, sa silhouette fine et son sourire arrogant, tout en lui respirait l’assurance et le vif esprit. C’était en tout cas ce que pensait la majorité de ses amis. Attention, il n’était pas l’intello coincé devant son bureau, ni même le rêveur perdu dans un autre monde. Il était le calculateur, l’avenir d’une nation ou tout du moins son cerveau. Et Aeter portait parfaitement ce nouveau nom choisit avec soin : il visait le grand, le parfait. L’éternité.
Mais Aeter, aussi brillant qu’il fût, pouvait aussi se rater. Passant nonchalamment sur le trottoir, ce dernier réfléchissait justement sans vraiment faire attention au monde alentour, enserrant entre ses longues mains fines et blanches l’étrange bijou qu’il venait de recevoir. Cela faisait déjà quelques jours qu’il l’avait, bien sûr, mais il ne s’était pas encore habitué à sa présence ; ce pouvoir lui brûlait presque la poitrine, l’appelait à ses plus grandes ambitions. Alors il frémissait à ces nouvelles pensées, jetant un regard inquiet aux reflets opalins de la pierre polie mêlée d’engrenages mystérieux. Contrairement à ses amis qui s’étaient empressés de jouer avec leurs limites, Aeter prenait son temps. Après-tout, il n’était pas pressé : tout venait à qui savait attendre.
Et plongé dans ses éternelles pensées, il rata donc la marche qui le séparait de la chaussée, sautant dans un vide relatif _15 centimètres de trottoir peuvent parfois ressembler à un ravin_ tout droit vers l’amoncellement de voitures trop pressées. Il vit le visage de la mort, ou ce qui lui semblait être la plus jolie mort qui existe, et se figea de frayeur. « Figer » n’était pas une expression pour Aeter, puisque tout autour de lui se stoppa à sa volonté, se glaça dans une seconde d’éternité. Face à lui, deux yeux noirs à en couper le souffle, une longue chevelure lisse et sombre qui se déployait comme des rameaux poussés par le vent. C’était une jeune femme qui lui tendait la main d’un air apeuré, prête à le rattraper pour le sauver dans un élan stoppé net. Un geste complètement désintéressé, irréfléchi. Une aide instinctive d’une charmante inconnue. Aeter fixa un moment ce visage parfait tordu par la surprise, et à cet instant inconnu du Temps, il en tomba immédiatement amoureux.
Il poussa un cri, et la vie reprit son cours. La femme lui attrapa le poignet, le tira de toutes ses forces en agrippant son torse. Un camion passa soudainement à quelques centimètres de son visage, emportant avec lui quelques brins de cheveux. Ça n’avait aucune importance, et d’ailleurs il ne l’avait même pas vu. Son cœur s’en moquait. Seul le mouvement frénétique des fils noirs, l’éclat du regard paniqué devant lui comptaient. Et puis, cette bouche pincée comme un bouton de rose s’ouvrit enfin. Le temps s’écoulait tout à fait
— Hey ça va ?!
Il lui fit un sourire halluciné, presque bêta.
— Merveilleusement bien.
— Sérieusement ?
La jeune femme ne semblait pas apprécier l’approche. Encore choquée, elle balayait son regard de haut en bas pour l’analyser. Elle souffla enfin, lui lâchant le coin de veste qu’elle avait encore entre les doigts. Aeter eut à peine le temps d’apercevoir l’éclat d’un étrange locket briller dans l’ouverture de sa veste marron qu’elle s’écartait déjà.
— Franchement, tu devrais faire attention… Tu as failli y passer de façon si stupide…
— Stupide ?
Le garçon avala sa salive. Après tout, c’était bien la première fois qu’on le traitait de stupide.
— Je… je n’avais pas vu la marche… bégaya-t-il lamentablement.
L’inconnue s’arrêta en éclatant de rire, puis se retourna vers lui.
— Tu… tu veux aller boire un verre ? proposa enfin Aeter, hésitant.
Elle lui répondit d’un sourire charmant, passant une mèche derrière l’oreille.
— Non pas vraiment. Au prochain accident peut-être ?
Elle s’immobilisa un instant, puis reprit son chemin d’un pas rapide sans même se retourner. Ses pas claquèrent sur le goudron sec jusqu’à s’effacer complètement dans le brouhaha de la ville. Quelques secondes, une minute à peine, mais Aeter en était profondément marqué. Il se tenait là, les bras ballants, charmé et quand même un peu vexé.
Elle n’est même pas si jolie que ça… lui soufflait son ego froissé.
Oui, mais elle t’a sauvé la vie… continuait son cerveau sortit de sa tétanie.
Il fixa encore un instant la foule au bout du trottoir, serrant une nouvelle fois son propre locket tout contre lui.
— Après tout, je peux quand même mourir… se murmura-t-il.
Minuit avait sonné depuis déjà plusieurs heures, mais Aeter n’arrivait toujours pas à fermer les yeux. Il se demandait d’ailleurs si le sommeil avait une véritable emprise sur lui _ après tout, il lui suffisait de jouer de son pouvoir, de faire croire à son corps que le temps n’était pas passé. Il se remémorait encore une fois sa rencontre avec la jeune fille, se rembobinait sans cesse la scène. Parfois avec colère, d’autres fois avec fascination. Il la tournait et retournait dans sa mémoire, la transformait, se demandait ce qui n’avait pas fonctionné. Il roula enfin sur le dos, fixant le plafond bleu nuit zébré par la lumière des lampadaires. Il soupira et ferma les yeux.
Rembobinage.
Il ne faut pas croire : même un jeune homme à qui tout réussit peut avoir peur. Alors quand le temps fit le chemin inverse, quand il se vit rentrer dans l’appartement impeccablement rangé, retourner en arrière et ressortir dans la ville, reparcourir cette rue, ce trottoir, cette marche… il avait le cœur serré. Il stoppa enfin juste avant son faux pas, fixa la jeune femme qui arrivait d’un pas pressé juste en face de lui. C’était elle. Sans attendre, il lui attrapa le poignet comme elle l’avait fait _ ou ne le fera jamais plus.
— Mademoiselle ?
La jeune fille se figea de surprise, tétanisée. Elle lui jeta un regard paniqué, s’arrêtant un instant sur son poignet agrippé. Aeter sourit de son air le plus charmant.
Le bruit retentissant de la main sur sa joue brûlante sonna d’un coup. Prise au piège, la demoiselle l’avait magistralement giflé. Et en toute franchise, il ne s’y attendait absolument pas. Il avait misé sur son apparence, sur son sourire séduisant ; et elle n’avait visiblement pas le même point de vue que lui. Il la lâcha aussitôt, posant sa propre main sur son visage rouge.
— Ne me touchez pas ! cria-t-elle avec peur.
Elle avait elle-aussi agrippé, presque par reflexe, son locket qui pendait toujours à l’échancrure de sa veste de cuir.
— Non, non, ça ne va pas du tout… murmura Aeter, encore plus choqué.
Rembobinage.
Aeter ne croyait pas au destin, sinon son pouvoir n’avait aucun sens. Pourtant ses nombreux échecs lui firent se poser des questions. En une dizaine de tentatives d’approche, il reçut au mieux de l’indifférence, au pire des menaces de plainte qui lui transpercèrent immédiatement le cœur. À la bousculade par inadvertance, elle s’était excusée d’un air effarouché. À sa rose tendue, elle avait refusé de l’acheter. Ce n’était pas le bon moment. Et même si la belle inconnue l’avait immédiatement sauvé sans se poser de question, elle ne semblait pas prête à se faire importuner. Elle sentait la peur, l’inquiétude… comme si quelque chose la poursuivait, et qu’elle ne pouvait pas, en cet instant, changer sa destinée.
— Tu utilises vraiment ton pouvoir pour draguer… ? lui demanda son meilleur ami, un jeune homme au teint hâlé lisant consciencieusement un livre de droit.
— Ce n’est pas ça, je… si je ne peux même pas faire ça, alors ça ne sert à rien de contrôler le temps !
— Je te l’avais dit… soupira à nouveau son ami.
Depuis qu’il avait récupéré le pouvoir de mémoire eidétique, Imoria avait tendance à le prendre de haut. Peut-être qu’il avait désormais de plus grandes connaissances, mais lui ne pouvait pas le transformer en bébé en un claquement de doigts ! Aeter grommela.
— Tu verras, je l’aurais… gronda-t-il avec orgueil.
— Tu frôles la paranoïa, Aeter… En plus ça te rend malaisant…
— Je… je ne sais pas… Ce n’est pas ce que je voulais dire…
Un frisson désagréable lui parcourut le dos, et il posa sa main sur son front moite. C’est vrai qu’il ne se reconnaissait plus : il avait perdu l’appétit, et son assurance aussi. Il tremblait presque à chaque essai, et chacun de ses calculs finissaient en conclusions peu reluisantes. Tout cela ne lui ressemblait pas. Contrôler l’éternité n’était-il donc pas la puissance la plus ultime ?
Autres retours en arrière, qui le faisait devenir de plus en plus inquiétant. Trop troublé pour pouvoir l’approcher, il suivait désormais l’inconnue comme on flaire une proie, essayant d’en apprendre plus sur elle. Quelle faible ambition, lui qui pouvait remonter le temps jusqu’à la création de la Terre. Mais il ne pouvait plus s’en empêcher. Plusieurs fois il fut repéré, plusieurs fois rebouté et chassé comme un pervers. Mais ce n’était pas entièrement de sa faute. Très vite il comprenait ce qui clochait : dès que la jeune fille allait quelque part, elle était irrémédiablement traquée, harcelée par de nombreuses personnes croisées au fil de ses pas. La majorité étaient des hommes qui la regardaient d’un air narquois. Et à chaque fois, il la voyait fuir comme une bête piégée parmi les loups.
Ils la veulent tous… murmurait son fort intérieur.
Le temps était venu. Au fil de sa poursuite, alors qu’il avait laissé le cours des heures passer sans le retoucher, l’un des passants osa bloquer le chemin pour la narguer. Le sang d’Aeter ne fit qu’un tour. D’un claquement de doigt, le temps se figea à nouveau. Peut-être n’était-ce qu’un ami, qu’une connaissance qui voulait lui parler. Peut-être juste une personne qui voulait lui demander son chemin. Mais son air était beaucoup trop moqueur, beaucoup trop sale. Ce regard, elle ne le méritait pas. Aeter en avait presque des haut-le-cœur. Une colère sourde, une envie de meurtre. Il s’approcha de l’homme, le poussa dans la boulangerie la plus proche et referma la porte. C’était soit ça, soit lui coller son poing dans la figure ; il préférait éviter de frapper quelqu’un qui n’avait encore rien fait. Enfin, il revint à côté d’elle, ne put se retenir de sentir le parfum de fleur qui émanait d’elle. Le temps reprit à nouveau son cours.
Soudain, elle se retourna.
— Ça fait des heures que tu me suis. Qu’est-ce que tu veux ?!
Des heures, vraiment ? Au fil des nombreuses répétitions, il avait un peu perdu la notion du temps. Peut-être devait-il compter en jours ? Las, il savait encore comment cela allait se terminer. Il commençait à croire qu’il deviendrait son ombre, l’éternel soupirant à jamais rejeté. Sans donc trop y croire, il expira.
— Pardon, je ne voulais pas te déranger. J’ai vu ce type et…
— Ce type ? Quel type ?
Elle lui jeta un regard suspicieux, examinant autour d’elle comme un animal traqué.
— Là-bas mais il est parti.
Le ton de sa voix fermait à toute discussion. En fait, il ne voulait pas lui laisser d’ouverture pour se faire repousser. Cela semblait la rassurer.
— Je vois… finit-elle par conclure.
Elle parut troublée, mais ne continua pas. Elle allait s’écarter quand Aeter osa enfin une question qu’il n’avait encore jamais posée.
— Hey ! Tu as un locket ?
La jeune femme s’immobilisa, attrapa le bijou comme pour le protéger. Un peu plus loin, la porte de la boulangerie sonna, s’ouvrant sur le visage halluciné de l’homme écarté. Ils n’y firent pas attention.
— Oui… hésita-t-elle à répondre.
— Moi aussi ! répondit Aeter avec ravissement.
Il ne savait pas pourquoi, mais cela le rassurait. Il continua sans trop réfléchir.
— Et c’est quoi ton pouvoir ?
Elle secoua la tête en rougissant. Visiblement, répondre l’embarrassait.
— Sale garce, c’est toi qui m’a fait ça ?!
L’homme plus loin était revenu à l’attaque. Il bouillonnait de rage, prêt à en découdre, courant presque sur la jeune femme. Elle se tourna aussitôt vers lui avec hargne.
— Je ne vous connais pas, vous voulez quoi ?! cria-t-elle presque sans se démonter.
Aeter écarta les bras d’un air amusé
— Vous voyez, c’est le type dont je vous parlais…
— Putain de sorciers, on va tous vous cramer ! continua l’agresseur, fou de rage.
Avant même de pouvoir le faire, l’assaillant stoppa net. Surpris, Aeter regardait son locket ; ce dernier ne semblait pas actionné. L’homme n’était d’ailleurs pas figé par le temps, il s’était tout simplement arrêté, comme s’il avait décidé d’un coup de ne plus frapper. La jeune femme le regardait fixement sans trembler d’un air mauvais.
— Maintenant tu vas faire demi-tour et rentrer chez toi, souffla-t-elle avec rage.
L’agresseur se mit à gémir et, Aeter en fut subjugué, commença à pleurer.
— Oui madame, je suis vraiment désolé… réussit-il à dire entre deux sanglots, ses joues imbibées de larmes.
— Va-t-en, je ne veux plus te voir !
— Pardon ! Je ferais tout pour vous, madame ! Ne me jetez pas !
Il s’agrippa à son avant-bras mais elle le repoussa fermement.
— Va-t-en, j’ai dis !!! cria-t-elle plus fort.
Trempé de larmes, empêtré dans une honte sans nom, l’homme s’écroula part terre avec douleur. Il s’écarta enfin en rampant presque. Ce n’était même plus un homme, c’était une loque complètement décomposée de tristesse, comme si un drame l’avait assommé. Il ne partit d’ailleurs pas tout à fait, reniflant bruyamment plus loin derrière un mur.
Aeter tourna lentement la tête vers la jeune femme, se redressant un peu comme pour lui montrer qu’il méritait une explication.
— Je n’ai jamais vu ça… souffla-t-il, intrigué.
— Les lockets sont encore rares… continua-t-elle, gênée.
Le jeune homme fronça les sourcils.
— Contrôle mental ?
Elle secoua la tête, un frisson semblant la figer.
— Occupe-toi de tes affaires !
Enervée, elle s’apprêtait encore à s’enfuir. Cette fois, il lui attrapa à nouveau le bras pour la retenir. Peut-être risquait-il encore une gifle, mais il s’en moquait. Il ferma les yeux en prévision de coup qui ne vint pas.
— Et toi… ?
Aeter rouvrit prudemment un œil. Elle restait immobile, le poignet emprisonné par sa prise. Il sentit une agréable vibration lui parcourir le bras.
— Le Temps. Mais… mais pourquoi toutes ces personnes te cherchent ?
La jeune femme parut surprise, comme si la réponse était évidente.
— Je…
Elle se concentra un instant, et son visage parut changer d’un coup. Il était identique, mais barré d’une large cicatrice, lui rayant le nez jusqu’à fermer l’un de ses charmants jolis yeux. Ce n’était pas une cicatrice propre mais plutôt quelque chose entre le coup tranchant et la brûlure. Aeter recula d’un pas, la lâchant brusquement. La femme continua.
— Ils se moquent juste de moi… Tu ne voyais pas ?
Aeter avala sa salive, perdu.
— Tu m’as… ensorcelé ?
La jeune femme regardait le sol mais poussa un petit rire narquois.
— D’accord, je vois. Toi aussi tu as utilisé ton locket sur moi.
— Je ne… c’était juste pour… commença-t-il, gêné à son tour.
Elle secoua la tête.
— Je m’appelle Blandiri. Et toi ?
— Heu… Aeter. Enchanté.
— Alors ?
Le jeune homme resta un instant interdit puis pris son courage à deux mains. Il fixa l’œil balafré de la jeune femme, son cœur se serra.
— Tu veux boire un verre ?
Elle pencha la tête, déstabilisée.
— Mais… je te libère… Tu peux retourner chez toi !
Aeter fit un petit rire amusé. Il avait compris.
— Le pouvoir de charme ! s’exclama-t-il.
Blandiri écarquilla les yeux.
— Alors finalement, je suis ton genre ? continua le jeune homme, flatté. Ce n’est pas très gentil de jouer avec le cœur des gens…
— Tu… Je suis encore novice, je n’ai pas dû maîtriser mon flux, gronda-t-elle avec défiance.
Il s’approcha d’un pas, gardant une distance respectable pour éviter son courroux.
— Tu n’as pas besoin de ton locket pour être jolie, tu sais ?
Son œil unique s’agrandissait encore, et elle recula d’un pas.
— Je n’en dormais plus, soupira-t-il en franchissant l’espace qui les séparait. Plus rien n’avait d’importance… Tu es impitoyable !
Elle secoua la tête, paniquée
— Non, non, le sort part au bout de quelques minutes ! Ça ne me sert qu’à changer mon apparence si… si je veux…
— Peut-être que ce n’est pas ton locket qui m’a charmé, finalement…
A ces mots, il lui entoura la taille, la plaqua contre lui et plongea son regard dans le sien.
— Ok, tu as gagné. Le Temps est à toi, Blandiri. Tu veux qu’on aille quand, tous les deux… ?
Il passa sa main dans sa longue chevelure noire, tendit son cou vers elle, attiré inexorablement par ses lèvres roses. Il sentit sa respiration chaude et paniquée sur son visage, sa colonne vertébrale vibrant sous ses doigts. Il approcha un peu plus…
— Beuuuuurk papi ! Me dit pas que vous vous êtes embrassé ! grimaça l’enfant, toujours accroché aux jambes du grand-père.
— Haha ! Absolument pas… Elle m’a jeté par terre puis ma filé direct un coup de pied !
— Whaaa, c’est méchant !
Le garçon le regardait, subjugué, essayant d’imaginer ses gentils vieux grands-parents plus jeunes et plus agressifs que jamais, dans un passé flou et mystérieux.
— Ta grand-mère n’a jamais été du genre à se laisser faire…
— Mais alors, c’est elle qui était plus forte ?
Le vieillard mâchonna un peu plus fort la tige de bois bloquée entre le trou de ses dents. Il se tendit vers l’enfant et lui tapota la main avec tendresse.
— Peut importe ton pouvoir, caneton. L’important, c’est ce que tu en fait.
— Et mamie ?
Un silence plana dans la pièce claire-obscure. En bas, la porte claqua brusquement.
— Elle avait tant souffert qu’il m’a fallu une éternité pour pouvoir l’approcher. Mais il me fallait plus pour me décourager…
— En remontant le temps ?
— Hooo non. Si j’avais fait ça, elle m’aurait tué.
— Le gâteau est prêt !
Une voix retentit au rez-de-chaussée. Il n’en fallut pas plus pour que l’enfant se relève d’un coup.
— J’arriiiiiiiiive !
Il jeta un regard malicieux au grand père. Ce dernier soupira, un peu vexé.
— Et ? Tu ne veux pas savoir la suite ?
— Je la connais papy ! Maman est née !
— Et notre voyage dans le Jurassique ? Notre épopée sur le mont Olympe ? Notre rencontre avec Jeanne d’Arc ? Mon saut dans l’avenir jusqu’à la fin des mondes ?
— Tu me racontes après le goûter ?
Le gamin fila d’un coup dans les escaliers, laissant le vieil homme tout seul. Bientôt son rire cristallin résonnait dans toute la cuisine, remontait jusqu’à lui ponctué de son habituel et joyeux babillage.
Les gosses ne s’étonnent plus de rien, de nos jours…
— Et puis, vaut mieux qu’il n’en sache pas trop…
Une longue silhouette apparut dans l’encadrure de porte juste à côté. C’était une vieille femme aux longs cheveux blancs mais à l’œil toujours d’un noir profond, le deuxième immanquablement barré d’une vilaine cicatrice.
— J’ai fait comme tu dis, Blandiri.
— Essayons de les faire grandir de la façon la plus normale possible. Nous aurons toute l’occasion de repartir plus tard.
— Les siècles s’écoulent et tes choix m’étonneront toujours…
La femme s’assit à côté, posant sa tête sur l’épaule de son compagnon.
— Profitons avant…
— Avant quoi ? Avant la fin des temps ? Tu sais que je l’ai vu, et ce n’était pas bien motivant…
— Alors nous recommencerons notre vie éternellement.
— A vos ordres, m’dame ! continua le vieillard d’un ton taquin.
Ses longs doigts parcheminés lui tapotèrent la cuisse avec agacement.
— Arrête de me faire passer pour une tyran ! Tu crois que je ne t’ai pas entendu… ?
Le grand père éclata de rire et soupira d’aise. Dehors, le soleil jouait à travers les branches, laissant le chant des oiseaux rythmer leur échange. Ils jetèrent tout deux un coup d’œil à travers la fenêtre, admirèrent le petit ruisseau coulant à quelques mètres de chez eux. Et puis, un peu plus loin, une sorte de dôme, une bulle de temps qui les protégeaient.
Et plus loin encore, d’immenses buildings technologiques de verres et de lumières, des engins lancés à mille à l’heure comme des abeilles trop pressées tournant en boucle tout autour ; et la course effrénée du temps qui ne les attendaient plus.
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