Car chaque pensée et réflexion méritent d'être partagées,
Car chaque paysage et lieu méritent qu'on s'y attarde
Car le jour comme la nuit possèdent des secrets,

Quoi de mieux que la poésie pour les appréhender.

Elle m’a claqué la porte au nez.

Je reste planté là quelques secondes sans savoir comment réagir. Je prends peu à peu conscience de son départ. Je suis seul. Elle n’est plus là. Elle ne veut plus de moi.
Toujours devant l’entrée où je l‘ai vue disparaître, mes pensées s’emmêlent en tous sens. D’habitude j’arrive toujours à retomber sur mes pattes quelle que soit la situation, mais là je suis dérouté ; la chute fait mal.
Mon regard erre à travers le salon à la recherche d’un indice, d’une explication, du moindre signe qui pourrait faire sortir la torpeur qui m’assaille.
Soudain une silhouette se dessine à travers une fenêtre de l’immeuble d’en face. Une silhouette fine et élégante, pleine de grâce. Je la connais bien. Sa gestuelle à l’allure féline m’a toujours irrésistiblement attiré. Est-ce à cause de cet écart qu’elle m’a quitté ? Pourtant elle sait qu’il n’y a qu’elle qui compte.
Je détourne vite le regard.
Son absence est si présente que je décide de changer de pièce. Je dois faire quelque chose, elle attend sûrement une initiative de ma part. Cela changerait de mon oisiveté habituelle dirait-elle…
Sans savoir comment, je me retrouve dans la cuisine. Mon regard est immédiatement attiré par les restes qui traînent sur la table. Dans sa précipitation, elle n’a même pas eu le temps de finir son repas. Trop pressée de me quitter me diriez-vous… Elle connaît pourtant mes habitudes et n’aurait jamais laissé ce désordre ; preuve que son départ n’est pas anodin.
Le temps passe si lentement, j’ai besoin d’elle, de ses caresses, de ses paroles, de son amour. Mais désormais je ne peux me nourrir que de souvenirs.
J’entre dans la chambre. Des vêtements traînent sur notre lit. Je décide de m’allonger de son côté même si cela lui déplaît. Son odeur m’envahit immédiatement. Ce bonheur fugace me donne une dernière lueur d’espoir : celui de la revoir au moins une dernière fois. En effet, je sais à quel point elle tient à cette robe qui pend négligemment sur une chaise. À chaque fois que j’ose m’en approcher elle me la retire rapidement comme si de rien n’était. Elle va donc repasser, ne serait-ce que pour récupérer ses dernières affaires et cette robe qui la rend si belle…
Soudain un bruit de pas se fait entendre. Je me redresse. Revient-elle ?
Je bondis rapidement hors du lit et accours devant l’entrée.
La porte s’entrouvre, c’est elle.
- Alors mon Loulou, ça va ? Regarde les nouvelles croquettes que t’a dégottées maman !
Fou de joie, je réponds :
- Miaou !

La première fois que je les ai vus ils étaient timides, fuyants. Ils semblaient être plus intéressés par les murs, les objets et le sol que par moi.
Mais devant l’échec de mes vaines tentatives d’approche, mes efforts redoublèrent. Je les cherchais toujours plus ardemment.
Et un jour, ils ont enfin quitté le sol et m’ont fixé intensément. D’un seul coup. D’un seul regard.
Et c’est moi qui suis devenu timide et qui ai soudain fixé le sol (c’est vrai qu’il peut être fascinant parfois).
J’avais été époustouflé devant cette attaque inattendue. J’avais reçu une claque, j’étais tombé par terre - et oui le sol était soudain devenu mon ami.
Les rôles avaient été inversés. Mais j’ai rapidement repris mes esprits et j’ai décidé de les affronter. Je me retrouvais un peu face à la mer, moi qui me trouvais ironiquement dans une bouche de métro, assis face à eux.
Et en effet je faisais face à une mer de possibilités, un océan de promesses, un soleil qui vous caresse, une étincelle de joie et de bonheur: un avant-goût des plus prometteurs. Et oui, d’avoir enfin pu les voir, une flamme poétique venait de s’allumer en moi bien que je n’aie jamais brillé en poésie, loin de là. Vraiment loin.
Ce regard était à la fois tout et rien. Il pouvait en un clin d’œil vous faire entrapercevoir votre avenir, comme il pouvait ne rien dégager à qui ne savait pas voir.
Et je peux vous le dire, j’étais résolument déterminé à les voir. Et grâce à cela, j’ai pu tout faire, tout accomplir, tout entreprendre avec eux.
Parfois il s’écoulait quelques larmes dans leurs recoins. Joie, bonheur, tristesse et même colère ; j’ai pu apprendre à les connaître dans leurs moindres détails. Chaque émotion pouvait se ressentir. La sincérité qu’ils dégageaient aurait fait battre le cœur de n’importe quel être humain sur cette Terre.

Et mon Dieu merci, ce fut le mien qui battit le premier.

Plus tard, ces yeux ont entendu mon premier « Je t’aime ». Ces mêmes yeux ont répondu « oui » à la question « veux-tu m’épouser ».
Mais aujourd’hui, alors que je me retrouve debout devant eux, je repense à tout ce que j’ai vécu depuis notre rencontre, et je sais que cette fois, le « oui » qu’ils vont répondre sera jusqu’à ce que la mort nous sépare et jusqu’à ce que nos regards se quittent.