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CharlesB

CharlesB


Rendez-vous à 17h35.
Je n'ai pas eu cours de l'après-midi, je suis restée chez moi à manger des céréales en robe et collant et à regarder un film avec Jesse Eisenberg. Je me dis que j'ai le temps, j'habite à côté du musée, je n'ai qu'à mettre mes chaussures, à enfiler mon manteau, ziou en quinze minutes c'est fait, j'y suis. Alors je mets de la musique, je danse, je chante, je m'amuse, je me regarde, me maquille, fais une natte, bois de l'eau, change la musique, rebois, rouge à lèvres, flûte, encore soif, j'aime pas la musique, oh ça va, j'ai le temps. (Je vais pleurer, j'aurais dû acheter cette fichue glace qui me faisait de l'oeil) Mince, je suis en retard. Pas grave, le RER, hop en deux minutes c'est bon. Timing mal calculé. Je rentre dans un RER, le mauvais. Je rate le coche. À nouveau.
Finalement, je prends le bon. J'essaie d'envoyer un SMS désolé, pas de réseau. Je cours, je me dépêche. J'arrive avec deux ou trois minutes de retard. Il n'est plus là. J'attends. Lui envoie un message. Je me dis qu'il m'a peut-être posé un lapin pour me mettre en colère et que je ne lui adresse plus la parole. Je trouve que c'est pas stupide comme technique, que c'est vrai que ça me mettrait en colère si c'est le cas, que je ne voudrais plus lui parler. J'attends, quand même. Il ne reçoit pas mes messages. J'essaye de l'appeler, rien. Il fait froid, il commence à pleurer, pleuvoir, pardon. Soudain, des nouvelles. Il était parti. Il est au métro Rue du Bac. Je me dis que c'est pas cool d'être parti comme ça. Que la rue du Bac, c'est sympa. Alors je lui dis que je vais le rejoindre. J'y vais. Rue du Bac. Des policiers me barrent le chemin. Embrasse-moi idiot passe à la radio. J'arrive enfin, je le cherche, ne le trouve pas. Coup de fil, métro Rue du Bac, pas dans la rue du Bac. Je suis perdue, il pleut, j'ai mon parapluie, ma musique dans les oreilles. Métro Solférino. Ok, ça me va, je vois où est la rue Solférino, je m'y rends. Une fois dans la rue, je ne vois pas de métro. Je me sens très stupide et désolée de le faire attendre. Désolée d'être aussi nulle et de le faire courir par un temps pareil, de lui montrer que je suis vraiment bête. Je dis à l'autre con que je suis perdue et que je suis très bête, il répond que je dois regarder sur mon GPS, pfff, je l'ignore. Mentalement, je revois un arrêt de métro, pas loin. Je vais dans la direction que me donne mon cerveau, je le vois l'arrêt. À deux pas de la rue Solférino, je suis persuadée que c'est le bon. Bah non, c'était l'Assemblée Nationale. Là, je suis complètement désespérée, c'est la honte. Il va me prendre pour une abrutie, être fâché de ma bêtise, de lui avoir fait perdre du temps.
Il me dit de ne pas bouger, qu'il me rejoint. Il n'a pas l'air fâché, juste un peu fatigué de mon manque d'orientation. Il pleut. Ma sœur m'envoie un message, je dois lui répondre. MPL m'a envoyé trois messages, je les ignore, ne les lis même pas : j'ai rendez-vous avec Paul, MPL va attendre, pour une fois. Paul arrive, grand, sans parapluie. Il n'est pas du tout fâché, de bonne humeur, ça me rassure. Je sais pas ce que je lui raconte comme bêtise, je fais un truc impoli en me servant de mon téléphone devant lui. Sauf que si je ne réponds pas à ma sœur, elle va m'appeler et là ce sera encore plus impoli. J'expédie des messages simples, correct, et hop, je range mon téléphone. Entre temps, on a avancé, rue de Bourgogne, Palais-Bourbon. Il s'arrête sous la porte d'une galerie, je lui dis que voyons, il ne peut pas faire ça, que ça fait clochard. Il se rend compte que c'est allumé, qu'il y a des gens, il revient vers moi, me dit que s'il fait clochard alors que c'est clochard de luxe ! Ca me fait rire, je pense qu'il a raison, on continue. Je lui propose de se mettre sous mon parapluie, il prend ça comme une demande de se rapprocher de moi, s'éloigne. Je lui dis que ma sœur aime aussi la pluie, que mon ancien petit ami aimait la pluie et ne supportait pas non plus les parapluies. Il me raconte une idée pour draguer les filles, un peu folle comme astuce, je ris, je me sens bien, le monde autour n'existe plus que par sa beauté. Une bulle est créée. Il commence à être trempé, je ne veux pas qu'il soit malade, lui repropose mon parapluie. Il m'avoue qu'il n'aime pas être mouillé par la pluie, prend littéralement mon parapluie, c'est moi qui commence à être trempée. Pas pour longtemps, il m'abrite. Je récupère le parapluie, mais il est trop grand, je n'arrive pas à nous abriter tous les deux. Je me sens bête. Il continue à me parler, je ris, je ris, j'admire Paris, les rues, l'ambiance, la pluie, je l'écoute, je ris.
Il essaye de me faire parler, je n'y arrive pas. Je ne sais pas parler. Ça me met un peu mal à l'aise, il se remet à parler, à rire de ce que j'essaye de lui dire avec mes trois mots qui se baladent en duel. Je le fais rire, mais rire ! Alors je ris aussi. On arrive à l'esplanade des Invalides, il m'entraîne sous un arbre. On se regarde, on rit, on explose de rire, on se dit qu'on est vraiment con, il parle très fort, j'ai l'impression que tout le monde nous entend. Mais par ce temps, il n'y a personne, et puis même, il n'y a personne tout court quand je suis avec lui. Il ne fait plus très jour, je devine la Tour Eiffel, c'est beau. Il me demande de croiser les bras, une analyse à la Adrien, ça me fait un peu rire mais j'avoue en être un peu lasse. Il me demande de retirer mes lunettes, je dis non, que je suis amorphe sans, que je suis moche sans, que non, il m'a déjà vu avec des lunettes de soleil peu flatteuses, que c'est suffisant. Il insiste. Je ne peux pas résister, je les enlève. Il s'exclame que je devrais mettre des lentilles, que je suis beaucoup plus jolie sans. Je lui dis que non, c'est pas vrai. Je ne lui dis pas que j'aime mes lunettes, que je trouve que ça me donne un petit air d'écrivain, que quand je ne les ai pas, je ne peux pas m'empêcher de faire le geste de les remonter. Il garde mes lunettes quelques minutes, j'essaye de le regarder avec intensité, comme si j'y voyais quelque chose. Je pense à MPL qui dit qu'il voit des « boules de Noël » sans ses lunettes, j'aime cette métaphore, j'hésite à lui dire puis je me rétracte, c'est pas de moi et ça me fatigue de penser à MPL. Je ris, il rit, il me redonne mes lunettes. Dit que oui, ça se voit que je suis bigleuse sans. Comme son papa. C'est une des rares fois qu'il me parle de son papa alors j'écoute attentivement.
Il prend son sac, sort deux livres de la Pléiade. Il veut me faire la lecture, me demande ce que je choisis entre Saint Augustin et Cioran. Je dis aucun.
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CharlesB


J'étais invitée VIP d'un colloque. Mais pas VIP VIP (j'avais un bracelet vert, le carré encore plus vip un bracelet noir), j'y vais, après une folle course pour trouver l'entrée invités, je rentre. Le staff est très aimable, en majorité des jeunes plutôt canons. On m'escorte jusqu'au carré VIP, encore plus proche de l'estrade que la presse. On me dit que je peux me mettre dans le bloc central, dans la deuxième moitié. Je dis OK, une « famille » est en plein au milieu, je me mets derrière eux. Je suis très très en avance. Tant pis, je suis heureuse d'être dans l'enceinte, les non-VIP attendent encore dehors. Je regarde la mise en place, je regarde mon téléphone, je pense à mon concours blanc (je suis en plein dedans), je suis contente d'être là. Un groupe de jeunes du staff s'installe, à quelques rangs de moi. Ils sont beaux, jeunes, sveltes, je les regarde, mais pas plus que ça. Ils n'ont rien de vraiment particulier, ils sont beaux, bien habillés, souriants, mais non, ils ne me plaisent pas plus que ça. Une belle brochette à manger mais qui ne vaut pas le coup d'une photo pour Instagram.
La famille devant moi est insupportable. Enfin bon, j'essaie quand même de capter un bonjour des garçons, sans succès. Et puis la salle est vide. Retour à mes pensées. Petit selfie dans mon manteau des grandes occasions, avec mon sac Céline. Je suis plutôt mignonne. Mais pas assez pour les mecs devant. Tant pis, je viens pour le colloque ! Je commence quand même à regretter d'être arrivée aussi tôt. Et le groupe bouge un peu. Et un nouveau arrive. Je reste sans voix.
Qui est-il ? D'où vient-il ? Oh, comme il est beau ! Comme il est beau ! Beau ! Comme il est agile, gracieux, doux, élégant ! Il semble un peu pédant. Mais qu'il est beau ! Coup de foudre. Réellement. Coup de foudre. Je ne sais pas qui c'est, peu importe. Il est merveilleux. Une merveille. Une révélation. Il est grand, brun, une allure de fou. De fou. Je reste bouche-bée, les yeux écarquillés à le regarder. Il le remarque je crois, puisqu'il me lance un discret « Bonjour », rien de plus. Pas grave. Il faut que je le regarde. Mes yeux ne le quittent pas. Je suis fascinée. Fascinée. Comme il est beau ! Comme il est beau ! Il s'en va en coulisse. Revient en grimpant sur les chaises blanches dans son ensemble bleu marine qui lui sied à ravir. Il a la souplesse, la majesté d'un lion. Il est beau purée ! Il joue sur les chaises comme sur les battements de mon cœur. Il repart, revient, continue de monter sur les chaises. Quelle impertinence si gracieuse ! Quelle beauté ! Quelle majesté ! Une grâce féline, une allure divine. Je me demande comment faire pour lui parler, savoir qui il est, me présenter, je sais pas moi, mais quelle frustration de ne pouvoir que le voir ! Et quelle joie de pouvoir le contempler sans me ridiculiser ! Deux jeunes garçons du staff ont rejoint la famille, l'un deux crie à trois reprises « Louis ! Louis ! Louis ! ». Je comprends que celui qui fait battre mon cœur en est le Roi. Louis ne répond pas, n'entend pas. Il n'est pas là. Il grimpe sur les chaises, s'en va, s'en vient.
La salle se remplit, des bracelets verts sont devant moi. J'hésite à gravir les rangs. J'ai peur que le banc de garçons ne pensent que je ne me rapproche que pour mieux les draguer. Je reste. Je change de rang ! Louis est avec les garçons. Pas devant moi, dans un premier temps. Puis, je ne sais pour quelle raison, il se retrouve devant moi. Il est grand. Si grand que lorsque les intervenants parlent juste à côté du pupitre, je ne les vois plus. Je suis un peu contrariée, mais comme il s'agit du dos de Louis, qu'importe. Je ne sais pas qui il est, je ne vois en lui que son élégance, sa fougue, sa beauté pure. Il n'est pas très beau en soi, il a un visage un peu particulier, mais il est beau d'une autre manière. Il est vraiment beau. Le colloque passe, grâce à mon voisin j'ai une bouteille d'eau (oui oui, des bouteilles d'eau fraîche Nestlé Pure étaient distribuées!!), et à force de boire vite, d'être obligée de rester dans la même position, j'ai très très envie d'aller aux toilettes. Je ne peux bientôt plus me lever. Un peu la honte pour plaire à un mec. Je prépare ma carte de visite, numéro au dos. Prête à lui donner. Et, vers la fin, je me dis qu'il faut que je lui donne assez rapidement, sinon il va partir et plus jamais je ne le reverrais. La fin arrive, je fais l'effort de me lever, Louis tourne sa tête.
J'attrape son regard, lui tend ma carte en disant « Bonsoir, tenez, voici ma carte », il la regarde, me regarde, dit « Ah oh euh, merci » et la range délicatement dans sa poche. Je suis surprise par sa délicatesse. Je pensais qu'il allait la prendre et me répondre plus froidement, pas étonné pour un sou et la ranger brutalement dans son manteau. Je suis encore plus sous le charme. Je l'aime déjà. Et il s'en va déjà.
Je veux encore sentir cette folle envie de défi, je veux encore connaître la passion de la conquête. A m'en brûler l'être. Je veux me brûler l'être de vaines passions, d'amours tragiques sans aujourd'hui ni lendemain, consumer mon âme en paradoxes, mouvoir mon corps comme une flamme, rougir de rage, rugir de désir. Que mon cœur soit l'âtre de tous mes embrasements. Qu'il attise mon âme jusqu'à en faire l'étincelle du bûcher de l'enfer.
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CharlesB


En arrivant dans cette pièce, cigare à la main, il embauma l’endroit d’un capiteux parfum de fumée. La cheminée de marbre roux, elle, n’était pas en reste avec ces deux fraîches bûches, sorties du panier d’osier emplis de branchages.

S’installant dans un large fauteuil à oreilles lui permettant de s’accouder et de poser son verre de whisky, il s’attarda un instant sur son amie, camouflée par la multitude de gens confinée au sein de cette partie de la demeure, qui, au bras d’un beau jeune homme de son âge, éclata d’un rire tout autant bruyant que charmant.

Cette amie, il en avait fait la connaissance quelques semaines plus tôt, au cours d’un dîner mondain. Il avait succombé au ton désinvolte de cette jeune femme de haut rang. Elle ne lui avait pas fait peur avec son titre, à l’inverse, sa tête en était retournée d’émois adolescents.

Le tableau se cachant derrière cette chevelure rousse était en adéquation avec la situation, il représentait un combat de coqs, sur fond de sang. L’hôte de la soirée ne voulait pas laisser partir son doux coup de foudre pour un homme de simple représentation, sans réel charisme, jouant avec ses cheveux ou avec ses yeux en lançant des regards de flamme.

Au moment d’un nouvel éclat, elle retourna sa gorge soulignée d’un collier de rubis vers son récent ami, croisant ainsi son regard en un éclair plein de sens. Ses yeux bleus charbonneux d’une chaleur autoritaire l’invitèrent à se joindre à elle.

En voyant ce regard de feu, son désir ne fit que croître, il se fraya un chemin à travers ses invités, venus en nombre. Après quelques bousculades impromptues et gênantes, il se retrouva enfin aux côtés de celle qui le faisait brûler, rouge, d’un rouge mêlant sa course effrénée et son bonheur d’avoir été mandé à rester auprès du collier de rubis. Le monde autour continuait sa vie, tandis qu’il ne pouvait décrocher ses yeux de la beauté hispanique de sa jeune voisine.

Le fond musical se dégageait péniblement des conversations agitées des invités et se mêlait aux bavardages dans un murmure discret. Par chance, la source qui faisait jaillir cette éruption de fête était proche du tableau. Si proche que la toile en vibrait en rythme. L’autre tableau, plus loin, lui, restait tendu, insensible aux vibrations musicales à cause de sa grosse toile, représentant une scène de parade.

Il l’invita à danser. D’une voix chaude et suave, elle répondit oui. Il la fit tourner un peu, l’alcool aidant à rendre l’effet plus important, effet accentué par sa robe amarante voluptueuse. Puis, comme la musique s’y prêtait, il l’emporta dans un tango endiablé, cette fois-­ci, sans se gêner à bousculer quelques personnes, dont le beau jeune homme auquel il livrait une guerre silencieuse et pourtant explosive, ce frôlement violent, en apparence fait sans mauvaise intention en était une preuve flagrante.

Après ce tango argentin, le feu léger des petites bûches fraîches redoubla.

Il l’emmena dans la pièce jouxtant la salle des convives, pièce vide, servant de bureau. La fraîcheur inattendue de cet espace contrasta avec la chaleur harassante du précédent. Les fenêtres donnaient sur un soleil couchant, illuminant les murs gris de la pièce dans une teinte braisée. Ils s’attardèrent vers cet instant où la nuit emportait le jour, en observant virevolter les feuilles d’automne tomber des arbres. Un frisson les surprit, ce qui entraîna le propriétaire de la demeure à frictionner sa jeune invitée, tentant de la réchauffer. Bientôt cela devint de tendres caresses, et, elle éclata à nouveau de son rire, qu’il fit taire d’un baiser.

Le beau jeune homme quant à lui se demandait où sa cavalière d’un court instant volée par son hôte, avait bien pu s’échapper. Le foyer près duquel il se trouvait ne cessait de chauffer de plus en plus, ce qui rendit l’atmosphère autour de lui suffocante. Il respirait de façon saccadée, étouffé par le brasier lui faisant désormais face. A la vue de ces flammes énormes s’élevant toujours plus haut, toujours avec plus d’ardeur, il paniqua, essaya de se frayer un chemin, au moins de façon à ne plus ni voir ni sentir ce feu. La foule, au fur et à mesure de la soirée était devenue plus compacte, et la boisson l’avait rendue désagréable, ce qui ne facilitait pas l’avancée du jeune homme. Son visage ne pouvait pas s’empêcher, malgré sa volonté lui refusant cet acte, de se retourner et de regarder cette fournaise, qui en profitait pour éclairer sa face suppliante, en le narguant. De toute façon, même sans se retourner, le feu était toujours là, faisant crépiter ses bûches à leur paroxysme.
D’un dernier effort, son torse en sueur regarda la porte de sortie, ce trou de liberté, qui le ferait reprendre une respiration plus normale, et s’y engouffra.
Au même instant, la jeune rousse et son chevalier rentrèrent de nouveau dans la bruyante pièce, embaumant la fumée de cigare.

Les deux bûches s’étaient consumées.
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CharlesB


Elle descendait les marches de l'escalier en béton armé, étroites, qui menaient au sous-sol, froid, sinistre, sombre. Elle tenait la rampe fermement de sa main gauche, faisant crisser ses ongles contre le métal rouillé. Son vernis rouge était écaillé, sa bouche carmin défigurée. De la chaleur de la soirée, du rouge des flammes du feu, du teint feutré des rideaux de velours, il ne restait que les nuances de gris, le noir au bout de cet escalier. Le bourdonnement des insectes, le bruit des gouttes tapant le béton avait remplacé les violons et les applaudissements. Ariane descendait chaque marche en posant son léger pied de biais, délicatement. Ce qui l'attendait en bas n'était pourtant pas terrifiant, loin de là. C'était Gaspard qui lui avait donné rendez-vous, après le spectacle. Il voulait la voir, dans un endroit discret, calme. Et c'était son vernis abîmé et ses lèvres mal dessinées qui la rendait plus nerveuse que l'atmosphère glaciale de l'escalier. Sa robe longue cachait ses pas, habillée de noir, elle et son ombre ne faisaient plus qu'une en ondulant sur les murs grisâtres. Sur ce qu'il y avait en bas, elle n'en savait rien, si ce n'est que la chaleur de Gaspard l'y attendait. Ils devaient se retrouver dans une pièce plus accueillante, meublée. La lueur pâlotte du néon parcourant le plafond était suffisante pour qu'elle puisse mesurer son avancée. Gaspard devait probablement être arrivé, il devait même y être depuis un bon moment. Il attendait ce jour avec impatience, avait demandé plusieurs fois à Ariane l'assurance de sa venue. Elle avait répété qu'elle descendrait après le spectacle, par la trappe des coulisses. Qu'elle avait fait des repérages lors de la répétition générale, qu'il n'y aurait pas de souci. Elle l'avait prévenu d'un possible retard, si le public demandait plusieurs rappel. Gaspard avait répondu qu'il attendrait, qu'il l'attendrait. Ils ne s'étaient pas vu depuis quelques mois, lui était parti à l'étranger, elle était en tournée. L'escalier en colimaçon paraissait sans fin. Il était pourtant petit, quelques dizaines de marches. Néanmoins, elle avait un pas lent, entre attention à ne pas tomber et appréhension d'arriver. Elle se repassait le fil de leur rencontre, le fil de leur relation.

C'était à l'occasion d'une soirée, il discutait avec des amis dans un coin du grand salon de réception. De son côté, elle dansait, elle dansait aux bras de cavaliers différents. Elle avait valsé toute la nuit, dans une robe de couleur or, tournoyant au gré des notes. Il ne l'avait pas invité à danser, il avait passé la soirée à discuter, dans un costume trois pièces. Il n'était pas grand, pas blond ni brun, un châtain délicat. Il avait toujours une coupe de champagne dans la main, à moitié vide, à moitié pleine. Accoudé à la manière d'un dandy sur le rebord d'une fenêtre aux rideaux de soie verte, il parlait. Un vrai maître de maison.

Elle l'avait remarqué, depuis l'embrasure d'une porte, pendant qu'un cavalier la faisait danser. Le regard un peu hautain, il avait une grâce féline, une allure divine. Elle était tombé sous son charme et avait cherché à faire sa connaissance tout au long de la soirée, sans succès. Il était parti tôt, ne laissant aucune adresse, aucun nom, rien qu'un visage, un regard. Alors elle avait demandé à ses amis s'ils le connaissaient, personne ne voyait de qui il s'agissait. Elle avait continué son enquête, sans en voir le bout. Finalement, elle s'était habituée à l'idée de ne plus jamais le revoir.

Après tout, elle ne lui avait même pas parlé. A cette époque, elle travaillait à la bibliothèque, grande salle tapissée de livres. Elle ne venait pas pour emprunter des livres, elle venait par plaisir, pour le cadre. Jamais à la même heure, toujours quand il y avait peu de personnes. Ariane appréciait lever ses yeux sur tous ces livres, distinguer les reliures anciennes, le doré des lettres du titre, le cuir vieilli. Elle avait sa place, une à chaque extrémité, pour avoir une vue d'ensemble superbe. Ensuite, une fois ce qu'elle avait à faire fait, elle s'en allait et se baladait. Le même périmètre, pris d'une rue à l'autre au hasard des jours. Elle était passé dix fois devant cet immeuble aux fenêtres bleues, dix fois devant cette fontaine de bronze, dix fois par ce passage couvert. Mais elle ne voyait jamais dix fois cet arbre de la même façon, elle ne voyait jamais dix fois le petit carreau cassé de l'immeuble aux fenêtres de la même façon. Elle pouvait donc garder le même périmètre sans s'en lasser.

Et un jour, c'est l'escabeau de l'allée droite, d'ordinaire jamais déplacé, ou très peu, qu'elle ne vit pas de la même façon. A la dernière marche se hissait de dos un homme aux cheveux d'un châtain délicat. Celui du bal, cet inconnu longtemps cherché, s'offrait à ses yeux. Ariane gardait les yeux levés, surprise, étonnée, ravie. Elle ne savait pas quoi faire, comment l'aborder, ne pas paraître trop empressée. Elle n'avait pourtant qu'une envie, apprendre qui il était, elle en trépignait d'impatience. Il descendit les marches de l'escabeau et vint s'asseoir en face d'Ariane. Elle se demandait s'il l'avait reconnue. Son visage ne laissa pas un pareil espoir s'éterniser, il avait le regard hagard, ailleurs. Le livre qu'il venait de prendre datait du XIXème siècle et Ariane ne put lire le titre sur la tranche, à plat contre le bois verni de la table vieillie. Il lisait sans lire, un crayon et une feuille dans la main droite. Elle essaya de détourner ses yeux du visage de son inconnu fantôme en chair et en os devant elle. Le jeune homme quitta sa chaise, laissant ses affaires. Il partait sans doute faire une pause à l'extérieur. Ariane hésita à le rejoindre, mais en constatant ses mains tremblantes, elle préféra rester assise, de peur de dire des bêtises. Elle observa le crayon, la feuille, pensa à inscrire son nom, ses coordonnées, un petit mot dessus. Elle se rétracta, elle avait trop peur de froisser la feuille ou d'avoir une écriture trop tremblotante. La main d'Ariane se posa sur son sac et elle eut l'idée de glisser une de ses cartes de visites dans le livre.
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Défi
CharlesB

Charles,

Tu as 14 ans, en plein milieu de ta Seconde. Tu as décidé que maintenant, tu allais être heureux. Que le lycée, c'était la nouvelle vie, le champ de tous les possibles. Tu as traversé le collège, avec difficulté. Tu entends encore, au fond de toi, toujours, les mêmes remarques, tu es moche, stupide, étrange, seul, personne ne te veut. Tu vas voir, en cette année de Seconde, tu vas croiser la route de quelqu'un qui va t'aimer, avec qui tu vas vivre une histoire d'amour passionnée. Tu as décidé d'être heureux, tu seras heureux. Tu vas avoir de sacrés coups de blues, souvent, disons une fois par mois environ, et ce sera pire, l'année de la Terminale. Cette année-là, tu vas pleurer, toutes les semaines, parce que ça ira mal avec la personne que tu aimes, parce que tu ne sais pas ce que tu vas faire après le lycée. Bah oui, toi, qu'est-ce que tu vas bien pouvoir faire, l'an prochain ? Qu'est-ce que tu vas faire de ta vie ? T'es heureux, mais à quoi tu sers ? Toi, l'abruti amorphe ? Sans cesse, tu vas te répéter que tu es laid, que tu ne sers à rien, que la vie ne sert à rien, même si pour toi, elle est belle. Tu as de la chance, tu le sais. Et ça te ferait presque de la peine : tu es triste, tu pleures à déchirer tes cordes vocales, mais tu n'as strictement, objectivement, aucune raison de l'être. Ne t'en fais pas, mon petit. Tout va bien, et tout ira bien. Tu n'es pas bête, et ça, tu dois te le mettre dans la tête : tu n'es pas bête.
Je pense à toi, parce qu'hier, j'ai pris une résolution moi aussi : à partir de maintenant, je suis un beau mec. Oui, c'est décidé, ça a marché pour le bonheur alors ça marchera pour ça aussi. Ecoute-moi bien, regarde-moi droit dans les yeux : tu ne dois à personne, et je dis à bien personne (tu verras, quand tu seras arrivé à Paris à 17 ans, que tu auras eu tes deux années de Droit en deux mois, que tu auras fait la plus prestigieuse prépa littéraire de France, que tu deviendras ami avec celui qui te fascinera dans quelques mois, personne d'ailleurs que tu oseras parfois contredire (te rends-tu compte ?), que tu regarderas la Tour Eiffel de ton chez toi, crois-moi que si tu oses encore penser que je suis stupide, je vais te coller une baffe monumentale.) de justifications, tu fais ce qu TU veux. Ne sois pas le bon naïf, ne fais pas abstraction. Prends pas le melon non plus, mon vieux, sinon, je te ramène au collège, et on rira moins. Là, à 14 ans, petit bonhomme timide, vis ta vie de timide, fais le fou, embrasse en cachette, oui, surtout, embrasse en cachette, va sous un saule, sous un tunnel, ce que tu vas faire, dans les deux ans à venir est mal, mais fais-le, fais-le même si j'en souffre encore à l'heure où je t'écris. C'est TA vie. Tu m'entends ? TA vie. VIS. Pour toi. Ne crains rien, je suis là, bien en chair, à regarder la Tour Eiffel. Tu es heureux, tu deviens beau, tu es intelligent. Fais juste attention aux filles, sinon, prends une poupée.
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Défi
CharlesB

- J'ai un secret à ton confier, Léo.
- Je t'écoute, Charles, mais sois discret, si les murs ont des oreilles, Internet a des yeux.
- C'est difficile à expliquer, je n'y crois pas moi-même. Personne ne doit le savoir, jamais, à part toi. Tu me promets de ne rien dire ?
- Promis. C'est grave ?
- Oh non, ce n'est pas grave, ce n'est pas dangereux, pas puni par la loi non plus.
- Alors ça concerne un sentiment amoureux ? Tu aimes quelqu'un en secret ?
- Non, pas d'amour. Ca ne porte pas non plus préjudice à quelqu'un. Je ne crois pas, du moins. Disons que tant que personne ne le sait, personne ne peut en souffrir. Et il n'y a qu'une seule personne qui pourrait souffrir, si elle savait.
- Eh bien ce n'est rien de bien méchant alors ! Est-ce que tu t'en veux ?
- Oui, un peu.
- Est-ce que tu as fait ce qu'il faut pour arrêter de te trouver dans cette situation inconfortable ?
- Oui. Je me suis absenté. Je suis parti, j'ai coupé les ponts avec la personne, pendant de longs mois. Et maintenant, elle a disparu. Alors je suis triste.
- Tu as essayé de renouer des liens, de repartir sur des bases saines ?
- Oui. Mais ça fait trop longtemps. Je n'ai plus de nouvelle.
- Et ton secret, est-ce que ça changerait quelque chose, si tu me le disais ? Est-ce que je peux t'aider ?
- Non.
- Tu veux toujours me le dire ?
- Non, merci de m'avoir écouté, Léo. Maintenant, ça va mieux.
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CharlesB

Ma pote visita son jules jeudi, passa par l'allée bordée de fleurs, en évitant la flaque en plein milieu, tel un fakir sur son lit de fer. Il l'accueillit par un « Tu rayonnes ! », un vrai conte. À l'intérieur, des fleurs artificielles soldées, dont le parfum ne valait pas celui de la pivoine humée dehors. Devant son jeu de go, le jules pourtant zen buta. Un gosse malpoli, qui va souvent en Asie et qui sait manier le wu, remixa les jetons. Hard partie qui serait à coup sûr à l'origine d'un potin. À travers le klaxon des routiers, que l'on entendait depuis le salon, reconnaissable entre tous, même si l'on n'est pas docteur ès bruits de la route, le jules vexé déclama à son adversaire « Je te recalerai ! ».
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Défi
CharlesB

Enchantée, Léo. Poldine. Mais Léo, ça sonne masculin, et je te préviens tout de suite : dans le couple, c'est moi qui ai toujours le dernier mot. En revanche, tu as intérêt à te battre un peu, je ne supporte pas la victoire facile. Je ne supporte rien, et bientôt tu ne me supporteras plus : trop tard, tu m'aimeras. Je suis le personnage qui sort d'un roman : drôle, belle, à la moue boudeuse, joueuse, colère, jalouse, tendre et bienveillante. J'ai trois facettes, tu les découvriras au fur et à mesure : la première, tu la connais, c'est celle que tu vois en ce moment : jeune fille discrète, pas un mot plus haut que l'autre, très silencieuse, qui s'habille en pantalon, très BCBG. Après, vient la jeune fille délurée, un cigarillo à la main, qui parle sans s'arrêter. Ces deux-là, tu crois pouvoir en faire ce que tu veux. Tu crois qu'en un seul mot, elle te tombera dans les bras, dans les draps. J'embrasse facilement, je ne peux pas résister aux lèvres d'un homme. En revanche, la troisième facette, tu n'es pas prêt de la voir, c'est la plus belle, celle que je garde pour ceux que j'aime : la fille qui vient en tenue très sexy, qui pose comme une Lolita, et qui te regarde avec des yeux à mourir des frissons du désir.

Je vais tout faire pour te séduire, pour avoir ton corps près du mien, sentir ton torse trembler contre ma poitrine. Tes lèvres contre les miennes. Que tu me crois naïve et enfant. Ensuite, je te montrerai mes griffes, mes crocs. Ce sera trop tard. Et je te dirai au revoir, parce que ce qui me plaît, ce n'est rien d'autre que de te faire trembler, de sentir des flammes dans tes yeux, ta respiration se faire courte contre moi. Je ne veux pas plus, je ne veux pas de lit. Je veux simplement un tunnel, l'arche d'un pont. Si tu arrives à me rendre folle de toi, si tu arrives à faire en sorte que je ne pense plus qu'à toi, que j'ai envie de ton corps, que j'ai besoin de ton corps, alors là, je serai à toi, rien qu'à toi. Et je serai la plus douce, la plus tendre, la plus drôle, la plus sexy, des femmes. En attendant, pour toi que je n'aime pas, que je ne regarde que comme un autre, je suis une irrésistible insaisissable. Même si tu as l'impression de lire dans mes yeux qu'il n'y a que toi qui existes.

Comme dirait Britney, "I'm not that innocent".
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Défi
CharlesB
Sans verbe.
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CharlesB

Tout est calme, le robinet goutte toujours, on devine de la buée sur la vitre de la salle de bain, son parfum enivrant accompagnant les volutes de vapeurs. Une bonne douche après un long vol qui la ramenait enfin chez elle, dans son pays. Elle regagna la pièce principale, habillée d'une robe à volants, chaussée de baskets. Devant elle, il se tenait droit, proche de la fenêtre du salon, le regard perdu dans l’horizon lointain, mêlant détermination, admiration et défi. Ainsi dans le salon, sa tête tournée afin de faire face au jour, il faisait partie intégrante du décor de l’appartement. Elle sourit à cette vision pleine d’harmonie.

Elle alla dans la cuisine, se rendit compte du vide de ses placards. En effet, revenant tout juste de son voyage d’affaire en Russie, elle n’avait pas eu le temps de faire de petites courses. Il n’y avait rien pour calmer la faim la tenaillant depuis la sortie de l’avion. Elle regagna le salon, fit un signe de main en direction de son nouveau compagnon et s’absenta. En route, son esprit revint à lui, à sa position singulière. Elle s’interrogea sur la façon dont elle le retrouverait, s’il serait à la même place accompagné de son mystérieux regard.

Pour son retour en France, elle avait tenu à l’avoir auprès d’elle, en dépit de la compagnie aérienne qui avait failli les séparer. Elle se serait fait un sang d’encre s’il n’avait pas été ne serait-ce qu’à portée de vue. Sa force de persuasion lui avait permis de l’avoir à ses côtés. Son séjour russe ne l’avait pas enchantée au premier abord, plutôt casanière, elle aimait rester chez elle. Néanmoins, grâce à ce voyage, elle revenait avec un ami qui lui était cher. Cependant, elle avait la légère appréhension de finir par s’en lasser comme elle se lassait des gens et plus particulièrement des hommes, fâcheuse tendance qui la rendait nerveuse à chaque fois. Une fois ses emplettes achevées, le minimum pour la soirée, en prime un ballotin de croquettes, elle reprit la direction de son appartement Haussmannien, espérant y trouver son compagnon.

Elle monta les marches rapidement, avec fièvre, pour le surprendre en mouvement.
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CharlesB


Il faudrait que j'arrive à écrire avec l'intensité que l'on trouve dans un pub de parfum Dior. Cette fougue, cette folie, cet éclat, en 30 secondes, dans un monde de paillettes, de luxe, et de tissus amples qui ondulent au gré d'une brise légère, au rythme des cheveux qui se précipitent vers l'homme aimé, sur fond de Joplin. La même intensité, le même luxe. Mais j'écris comme un charretier. C'est con, j'ai essayé d'y remédier, sans succès.
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CharlesB


Quentin. J’ai peur de faire ton portrait, Quentin. Pourtant, c’est censé être ma spécialité, les portraits. J’en écris souvent, sur des gens que je croise, homme ou femme, que je trouve beau. Mais toi, je n’arrive pas à t’écrire comme je le voudrais, comme tu es beau, pleinement. Et j’ai peur, parce que tu écris en alexandrins, que tes chansons sont sublimes, alors que je n’ai que trois mots sans structure quand j’écris. Et en même temps, j’ai envie de t’écrire, de capturer l’intensité de tes yeux, le mouvement de ta main quand tu fumes, tes mains, fines, longues, délicates. Ta féminité. Ton œil blessé. C’est la première fois aussi que je fais un portrait au tu. Je n’ai pas non plus envie que cela finisse en je t’aime, ce serait trop niais et ridicule. Peur que ça fasse fuir la magie. J’ai envie de partir avec toi, que tu m’emportes. J’avais envie de t’embrasser follement aujourd’hui, tu l’as vu dans mes yeux. Avant de te voir, je m’étais dit « tu feras la femme fatale en disant « Embrasse-moi » », mais je n’en ai pas eu l’audace, je ne voulais pas faire un seul faux pas. Même si je ne fais que ça, non ? Oh mon Dieu, ce que j’ai peur de dire trop de bêtise, toujours… Je te quitte, et voilà que je mords désespérément mon chapeau, honteuse d’avoir tant parlé, affolée de t’avoir vexée sans le vouloir peut-être, apeurée d’avoir été ridicule et laide, et tu me manques déjà.

Vais-je seulement te revoir, après cette semaine ? Oh, je t’en prie, ne me dis pas non. Laisse-moi au moins l’espoir d’un jour encore me plonger dans tes yeux, entendre ta voix, admirer tes mains, baiser tes lèvres. Tu es le premier homme que j’embrasse en fermant les yeux. Tu es le seul qui me fait vibrer simplement du bout des lèvres. Et comme je m’épanouis, en t’écoutant, tu ne peux pas savoir à quel point t’entendre est stimulant, passionnant, magique. Avec toi, tout est magique, fou, et beau. De la beauté pure, dans tous tes mouvements. Comme j’aime te voir étirer tes longs bras, comme j’aime te regarder. Tu es le seul qui arrive à me faire tourner les yeux, tant les tiens sont puissants. Voilà, tu vas te dire que je t’aime, et que je suis terriblement niaise. Pas faux. Que je suis terriblement niaise. Tu me rends folle. Folle à avoir envie d’aimer, folle à ne penser plus qu’à toi, folle à ne plus être que moi avec toi, et à me dire que je suis complètement frappée. J’ai peur de te faire fuir, à être si cruche, si peu bavarde et si maladroite. Je ne fais que raconter des conneries, et je m’en veux terriblement. Et j’ai peur qu’aujourd’hui, c’était trop. Je ne sais pas, j’ai peur que quelque chose ne soit passé, à cause de moi. Qu’il y a eu quelque chose de différent, c’était tout aussi charmant, mais j’ai peur d’avoir cassé quelque chose. J’ai peur que tu ne penses de fausses choses, que je suis seule, et que c’est pour ça que je te parle. Je t’en prie, ne pense jamais une telle chose. C’est absolument faux. Il n’y a rien de plus faux. Je n’ai qu’à ouvrir Tinder pour trouver des mecs avec qui passer du temps, ou que sais-je encore comme bêtise. Je tiens à toi, plus profondément que tu ne peux l’imaginer. Tu es exceptionnel. Exceptionnel de liberté, de beauté, de talent. Crois-tu vraiment que je ne pourrais être à tes côtés que par lassitude de la solitude, que par tristesse d’être seule ? Jamais. Je préfère être seule que mal accompagnée. C’est vrai, j’ai été un peu non pas volage, mais disons enthousiasmée plusieurs fois. Cela serait te mentir, si je ne te disais pas que je suis tombée sous le charme d’une dizaine de garçons en deux ans. Mais je ne les ai presque jamais vu plus d’une fois, ou alors c’était par amusement que je les voyais, ils n’avaient rien de particulièrement beau, mais je les aimais bien, un peu. Toi, je t’aime, beaucoup.

Tu sais, si j’étais assoiffée de n’importe quelles lèvres, je n’aurais qu’à aller en boîte de nuit, qu’à aller au Bistrot. Les tiennes, je les aime, parce qu’elles sont sur ton visage, sous tes yeux, qu’elles sont ta bouche qui n’a rien de plus merveilleux que ce qui en sort. Ce sont tes lèvres dont je rêve. Pas celles d’un autre ou d’un visage blanc, sans chair. Les tiennes seules. Je devrais te dire tout ça, te dire comme tu me fais vibrer, toi, Quentin. Je n’y arrive pas. Parler, c’est difficile, mais m’exprimer relève de l’impossible. Et je n’ai pas envie de te faire fuir, en te disant cela.
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