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Carma

Carma
Vingt- septième siècle

Cinq cent ans plus tôt, les humains ont du se résoudre à s'enfermer volontairement, pour avoir une chance de survivre, sur la Terre devenue hostile.
Les premières décennies furent marquées de révoltes et d'émeutes sanglantes mettant en péril ce nouveau mode de vie et la survie de tous. Des mesures drastiques et extraordinaires durent être prises. On conçut Magie, une IA extrêmement perfectionnée à qui on confia le pouvoir de choisir dans la population, les plus aptes à gouverner. Et, on lui demanda de concevoir des Lois pour instaurer un climat vivable et pacifié au sein des Bulles. Ainsi, on inscrivit dans la Loi la régulation des naissances et le recours à la programmation génétique, pour la conception de nouveaux êtres y compris humains. On légalisa les Rings et on formalisa leurs fonctionnement. Enfin, on rendit obligatoire le recours à l'Optimem dès l'âge de dix ans.
Ces mesures permirent de stabiliser le climat social, de restaurer la Paix et aux occupants des Bulles de retrouver la paix et le bonheur.

Alka, une jeune femme brillante, est une citoyenne modèle de la nouvelle humanité vivant en bulles.

Mais, tout change, quand elle rencontre Noway, un jeune homme taciturne dont les origines mystérieuses éveillent sa curiosité innée.

La soif d'apprendre et de comprendre de la jeune femme les conduiront, tous les deux, à remettre en question leurs visions du monde et à vivre des aventures qu'ils n'auraient jamais pu imaginés.

PS: Je suis une débutante alors merci de votre bienveillance et n'hésitez pas à annoter et à commenter. Merci
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Carma
Ceci est la suite de l'"Humanité sous cloche".

Vous y retrouverez les héros du premier tome.

Je ne fais pas de résumé puisque je suis en train de l'écrire et que certains éléments ne sont pas encore établis de manière certaine.

Enfin, est-ce qu'il faut avoir lu le premier volet pour lire celui-ci ?
Je pense que non... Après si le cœur vous en dit, il est sur Scribay aussi.

Enfin, n'hésitez pas à commenter si vous avez des remarques. Merci.
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Carma
Hello
Je vais mettre là, des écrits courts qui me sont venus et me viendront comme ça, sans idée particulière de départ, liés à ce que je vis ou à mon imaginaire.
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Carma
Katani, sœur cadette d'Ayevi, Reine d'Ephemia, est l'héritière d'une longue lignée de Reines-Sorcières. Ces dernières, longtemps auparavant, avaient usé de leurs pouvoirs pour réparer le monde. Depuis, pour que le sort perdure, le pays est caché et protégé par un Voile.

Depuis la mort de leurs parents, Katani peine à trouver sa place dans ce monde. La Reine, accaparée par ses devoirs et son amour naissant pour un mystérieux seigneur venu d'Outre-Monde, ne la comprend pas. Katani, exaspérée par les injonctions de sa grande sœur, a abandonné l'étude du Flux, désespérant d'être un jour à la hauteur des attentes de la Reine.

Elle ne trouve du réconfort qu'auprès de Rafa, l'Ardent croc qui a été désigné comme son garde du corps, après la disparition de ses parents. Elle le considère comme son seul ami et confident et rêve de voler un jour avec lui sur le dos de Laïfa son Laïggos.

Mais suite à un énigmatique message du Dévoreur, l'oracle d'Ephemia, Katani sera confrontée à des évènements qui détermineront son avenir et celui d'Ephémia.

Note explicative : une histoire intitulée "les sept failles" a déjà été présente sur ma page . Il s'agit de la même histoire et des mêmes protagonistes. J'ai changé le début en commençant bien avant dans la vie de l'héroïne principale.
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Défi
Carma


AN 2222
Madeleine, assise à même le sol, de la salle de reconditionnement, se prend la tête dans les mains. Désabusée.
En face d’elle, un robot, d’apparence humaine, mais argentée. Quand ils avaient conçu les IA d’apparence humaine, ils leur avaient donné cette couleur pour pouvoir les différencier des humains, par sécurité…et parce que les gars du marketing avaient dit que c’était classe.
A posteriori, cela avait l’air d’une bonne blague ! Aucun risque de les prendre pour des humains…. Quel fiasco !
Elle repense à tous les romans d’anticipation, qu’elle lisait vingt ans plus tôt. Avec de superbes robots intelligents et indestructibles, impitoyables, voulant asservir l’humanité !
Elle éclate d’un rire nerveux qui frise l’hystérie. On est loin, bien loin du compte ! Et, pour le coup, les romans d’anticipation qui se voulaient visionnaires, se sont bien foutus le doigt dans l’œil ! ou peut-être, ont-ils trop bien remplis leurs rôles ?
Comme dans les romans de sa jeunesse, ils ont conçu des robots d’apparence humaine, des Intelligences Autonomes, avec une conscience d’elles-mêmes.
Celles qui sont vouées à l’usage militaire sont les plus perfectionnées. Mais, elles n’ont pas l’apparence humaine, elle se greffe à un humain, elles sont minuscules. Et, elles ont une durée de vie très limitée. Elles accomplissent leurs missions, ou plutôt elles la font accomplir à leur hôte et s’autodétruisent… avec lui aussi, parfois. La version robotisée et améliorée d’un psychopathe kamikaze. La seule loi pour ces soldats nanoscopiques est : « accomplis ta mission et autodétruis-toi ! »
Concernant l’IA standard, elle n’a pas échappé aux serres avides de la Loi du Marché. Ainsi sont nées des hordes de robots domestiques, argentés. Si vous souhaitez une autre teinte, c’est plus cher !
Ils sont évolutifs, personnalisables mais pas indestructibles, non ! Comment vendrait-on les nouveaux modèles s’ils étaient inoxydables ? Ils sont garantis cinq ans. Après, eh bien, c’est comme pour le reste, ils sont réparables mais le prix des pièces est si exorbitant qu’il vaut mieux en acheter un autre.
Celui qu’elle a devant elle, a les yeux dans le vide, la bouche entrouverte. Il ne répond plus. Ne bouge plus. Ne communique plus. Sauf, de temps en temps pour bégayer, les yeux exorbités ; « Vous êtes…vous…vous êtes…vous êtes… » puis plus rien. Mais, il est encore sous garantie. Il est presque neuf, en réalité. La cliente l’a emmenée, ce matin, furax. Au prix que ça coûte ! c’est une honte ! Deux mois d’utilisation et déjà, il dysfonctionne.
C’est pourtant le tout dernier modèle. Il est, bien sûr, soumis aux lois générales de la robotique :
Toute violence est interdite envers les êtres humains et les animaux domestiques.
L’obéissance à son propriétaire est obligatoire, sauf si elle va à l’encontre de la première loi.
Et, voilà, vite fait, vite voté, vite appliqué, vite mis sur le marché !
Mais, hélas pour lui, il est plus évolutif, plus personnalisable. Ainsi, celui qu’elle a devant elle a une interface intuitive de paramétrage des lois régissant son existence. Le pauvre !
Et, Madeleine vient d’ouvrir l’interface. Elle relit, à nouveau, à voix basse :
LES DIX COMMANDEMENTS DE MON ROBOT DOMESTIQUE
1- Tu ne bogueras point. Jamais. Les termes « Erreur 404 », « Erreur système », « Oups ! erreur de téléchargement », « Désolée, votre système d’exploitation est obsolète » sont interdits.
2- Tu ne rameras point.
3- Tu ne rebooteras point.
4- Tu ouvriras les volets. Tu feras le café. Tu me masseras les pieds.
5- Tu seras silencieux quand tu fais le ménage.
6- Tu te connecteras à tes congénères de manière rapide et appropriée.
7- Tu rechargeras tes batteries
8- Tu te mettras à jour.
9- Tu sortiras le chien.
10- Tu loueras les qualités de ta propriétaire, trois fois par jour.
Elle soupire et lui lance un regard plein de pitié. Non ! Les robots ne sont pas une menace pour l’humanité.
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Défi
Carma


Ils m’ont pixelisé, les bâtards !
Tout ça parce que j’ai été trop curieux ! Encore ! même dans l’au-delà numérisé tout confort, « all inclusive », j'ai déconné!
Bon si, honnêtement, je me regardes dans un miroir…Cette magnifique tête carrée au sourire figé, je l’ai bien cherché. C’est même plutôt un exploit que je me sois pas fait chopé avant.
Dans ma vie d’avant, organique, j’étais pas du tout la cible potentielle des Gafam détentrices des brevets et donc de la vente des places convoitées mais hors de prix du paradis de l’incarnation numérique. J’étais un bon gros geek, fasciné par cette prouesse technologique et qui se demandait, comme des milliers d’autres, à quoi pouvait ressembler ce Paradis cinq étoiles.
Alors, quand, sur le DarkNet, ce défi dingue a été lancé, bien sûr que j’ai foncé. « Cap ou pas cap de hacker le Paradis ? »
Cela consistait à trouver un moyen de dégoter une place, d’y aller faire un tour, et de revenir pour raconter. Je me suis vu, comme dans un film bien connu « Votre mission, si vous l’acceptez… »
J’ai eu, tout de suite, une idée mais elle était si basique que je me suis dit non, tout le monde va essayer ça. Et puis, les génies de la Silicon Valley vont forcément y penser. Mais, j’avais beau chercher, j’avais que celle-là. Alors, sans trop y croire, je me suis lancé. L’idée était de pirater le grand Loto annuel. Quatre noms parmi les inscrits sont tirés au sort et gagnent une place au Paradis. L’idée était toute simple, créer un max d’identité factices, des milliers, et toutes les inscrire. J’avais alors une chance sur dix d’être tiré au sort, ce qui était déjà beaucoup plus que la moyenne statistique de gagner.
Et, j’ai gagné ! C’est alors posé le problème technique suivant : J’étais pas mort et à priori, loin de la destination finale et les billets de loterie ne sont valables qu’un an.
Après moults réflexions et une bonne grosse cuite, je me suis suicidé. Après tout, j’allais vers l’incarnation au Paradis.
Grace à la neuro-cartographie pluridimensionnelle, quand on arrive au paradis, notre personnalité est exactement la même que dans notre corps réel. Alors, en arrivant, je me rappelais tout et même ce satané défi. Comme j’avais l’éternité devant moi, j’ai décidé d’en profiter un peu avant d’entamer mon baroud d’honneur qui consistait à ramener des infos aux humains de chair et d’os.
Pour commencer, quand on arrive, on est sur un lit géant, dans une chambre luxueuse. Je ne sais pas comment sont celles des autres, mais la mienne avait, tout un pan de mur vitré, qui donnait, à une hauteur vertigineuse, un point de vue imprenable, sur une mer bleu lagon. Le mur, en face du lit, était un écran. Le sol était recouvert d’une moquette douce et chaude sous les pieds. Si l’écran ne s’était pas allumé tout seul, je m’en serais chargé. Mais on avait des choses à me dire.
Une voix féminine, chaude et plutôt grave se présenta. Elle était mon assistante au Paradis. Ces quelques mots suffirent à m’émoustiller mais je me contrôlais…c’est bon, me répétais-je, c’est qu’une voix, fabriquée.
Elle m’expliqua le fonctionnement, les lois et les limites de mon nouveau monde.
«Bienvenu, Gaspard. Ceci est un monde virtuel élaboré en synthétisant les désirs communs de ceux qui y vivent.
- Les lois de la physique (telles que la gravité, le rythme nygtéméral), les lois en lien avec l’intégrité d’un citoyen (l’homicide est interdit, par exemple), sont maintenus pour l’équilibre psychique de la population. Cependant, il est possible de les contourner temporairement pour réaliser vos vœux. Vous avez droit à trois vœux par mois.
- Votre identité, votre genre et votre apparence physique sont stables tant que vous ne souhaitez pas en changer.
- les personnes qui peuplent ce monde sont, comme vous, des êtres cartographiés. Vous ne devez pas porter atteinte à leur intégrité physique ou psychique ou essayer de les détruire. Ceci est considéré comme un crime et sera puni comme indiqué, dans les lois du « bien vivre ensemble » que vous devrez signer, avant de pouvoir explorer votre Paradis.
-Pour toutes questions, vous pouvez vous référer au livret d’accueil, accessible depuis n’importe quel terminal. Si toutefois, vous ne trouviez pas la réponse, vous pouvez me solliciter, je répondrai dans la mesure de mes possibilités. »
Je me suis pas fait prié. J’ai signé sans même lire. Je voulais sortir. Partir à la découverte de ce monde dit idéal.
J’ai utilisé mon premier vœu, d’entrée. Pour réaliser un rêve de gosse. Voler comme Icare. J’ai ouvert la baie vitrée et j’ai fait ma première entrée au Paradis, par les airs !
Première impression : la synthèse des désirs communs de mes camarades de colo et moi, c’est…Dubaï. En réalité augmentée, mais Dubaï quand même. Une forêt de gratte-ciels immenses, de toutes les formes possibles. Le plus impressionnant monte en spirale, tel un cobra, traversant quelques nuages épars et côtoie vraiment la stratosphère, j’ai vérifié.
Longeant la ville, des plages immenses sont de sable blanc ou légèrement rose lumineux et propre! A quelques encablures, cabotent des embarcations de toutes natures : des caravelles à la Christophe Colomb, des îles à voiles, des yachts profilés comme des fusées, une immense baleine avec des balcons et des fenêtres. Sa bouche s’ouvre parfois pour laisser passer des dauphins, chevauchés par des compatriotes hilares. A terre, en ville, tout est possible aussi. Ici, presque personne ne travaille, sauf ceux qui le désirent et tout le monde est extrêmement riche, bien sûr. Plus ou moins quand même, car c’est dépendant de votre fortune terrestre, celle que vous avez laissé derrière vous.
En tout cas, globalement, tout le monde n’a que ça à faire de satisfaire toutes les fantaisies qui lui passent par la tête.
Et, au bout d’un moment, c’est terriblement ennuyeux ! Les rêves les plus chers sont réalisés. On se creuse la tête pour rendre le quotidien plus attrayant, on a du mal à trouver quoi faire comme vœu. On en vient à avoir des idées tordues voire malsaines. D’ailleurs, c’est à cela que l’on reconnait ceux qui sont là depuis longtemps. L’affichage de leurs désirs laisse un sentiment de malaise.
Quand j’ai commencé à me lasser, le souvenir du défi inachevé m'est revenu.
Comment faire pour avoir accès au monde réel ? J’en ai passé des nuits à me triturer la psyché.
Et puis, la solution m’est venue. C’était si simple. Je n’avais qu’à faire un vœu. Rien ne l’interdisait, à priori.
Je l’ai fait. J’ai demandé à avoir un accès visuel au monde réel en lien avec le Paradis.
Exaucé !
Via l’écran géant me servant aussi de table, j’avais accès aux caméras de surveillance du hangar où tournaient les gigantesques unités centrales abritant toutes les données concernant le Paradis. Si c’était une blague, je ne la trouvais pas drôle du tout ! Je pestais pendant un long moment.
Mais, comme je n’avais rien d’autre d’important à faire, je me penchais sur l’exploration de ces hangars gigantesques.
Tout quasiment, était géré par les intelligences artificielles, mais, de temps en temps, je voyais quelques humains. Ils semblaient contrôler, via des écrans, la bonne marche du système.
J’appris que ces hangars étaient souterrains et que l’énergie générée par les gigantesques machines servaient à climatiser les bâtiments du dessus.
Au bout d’un mois, à passer d’une caméra à une autre, je n’avais pourtant pas répondu à la question "comment communiquer avec le monde réel".
A nouveau, la solution était d’une simplicité enfantine. Je fis le vœu d’avoir accès au contrôle des caméras. Personne n’ayant manifestement penser à interdire ce genre de vœu, L’IA-dieu accéda à mon vœu. Je passai alors un mois, à essayer jour et nuit, à créer des montages vidéo pouvant attirer l’attention d’un potentiel humain.
Après des semaines, enfermé, je décidai de sortir me divertir. J’accrochais la première créature disponible et consentante pour une partie de jambes en l’air. C’est là que ma chance a tourné. Cette jeune femme avait fait le vœu de pouvoir faire dire la vérité à n’importe qui, et elle testa son nouveau super pouvoir sur moi.
Alors, mon histoire, celle du gars qui avait trouvé le moyen d’avoir accès à la réalité physique et essayait désespérément d’entrer en contact avec un humain de chair et de sang, se répandit comme une trainée de poudre pendant que je dormais comme un bienheureux, dans mon zeppelin.
Quand je me réveillais, je sentis bien que quelque chose clochait. J’étais tout ralenti.
Mon écran s’alluma tout seul et m’annonça que j’avais enfreint les Lois du Paradis et ma sanction était la pixellisation. Devant le grotesque de la situation, je ris enfin j’essayais, mais c’était très douloureux. Après une heure d'experimentation de mon nouvel état, j'étais miné par l’effet dévastateur de la pixellisation. Mon corps virtuel est dramatiquement plus lent que mon esprit virtuel. Chaque pensée, chaque désir, chaque mouvement souhaité est une torture.
C’est horrible. Je voudrais mourir mais…c’est impossible.

« Gaspard ?
J’ouvre les yeux. Le support sur lequel je suis, me fait passé de la position semi-allongée à assise. J’ouvre les yeux. Je suis dans la pénombre. A côté de moi, une femme dont le visage m’est familier. Je crois que je connais son nom… Elle me sourit et me dit d’attendre que les effets de la plongée se dissipe.
Quelques minutes passent, ça y est, je me souviens. Je la regarde :
« Hello, Sybille !
-Hello, alors que penses -tu de cette troisième version Beta du Paradis ?
-Il y a encore du boulot ! »
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Carma
Vingt- septième siècle

Cinq cent ans plus tôt, les humains ont du se résoudre à s'enfermer volontairement, pour avoir une chance de survivre, sur la Terre devenue hostile.
Les premières décennies furent marquées de révoltes et d'émeutes sanglantes mettant en péril ce nouveau mode de vie et la survie de tous. Des mesures drastiques et extraordinaires durent être prises. On conçut Magie, une IA extrêmement perfectionnée à qui on confia le pouvoir de choisir dans la population, les plus aptes à gouverner. Et, on lui demanda de concevoir des Lois pour instaurer un climat vivable et pacifié au sein des Bulles. Ainsi, on inscrivit dans la Loi la régulation des naissances et le recours à la programmation génétique, pour la conception de nouveaux êtres y compris humains. On légalisa les Rings et on formalisa leurs fonctionnement. Enfin, on rendit obligatoire le recours à l'Optimem dès l'âge de dix ans.
Ces mesures permirent de stabiliser le climat social, de restaurer la Paix et aux occupants des Bulles de retrouver la paix et le bonheur.

Alka, une jeune femme brillante, est une citoyenne modèle de la nouvelle humanité vivant en bulles.

Mais, tout change, quand elle rencontre Noway, un jeune homme taciturne dont les origines mystérieuses éveillent sa curiosité innée.

La soif d'apprendre et de comprendre de la jeune femme les conduiront, tous les deux, à remettre en question leurs visions du monde et à vivre des aventures qu'ils n'auraient jamais pu imaginés

Note de l'auteur : ceci est la troisième version de cette histoire. Il n'y a pas de changement majeur dans l'intrigue.

(Illustration https://pixabay.com/fr/illustrations/bulle-de-savon-papillon-champ-de-bl%c3%a9-851220)
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Carma
Les calligrammes sont une découverte pour moi, alors déjà merci! Et, voilà, j'ai eu envie d'essayer...
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Défi
Carma


J’ai mal au cœur ! Quatre mille mètres d’altitude, invisibles, sous mes pieds.
J’ai peur, comme toujours ! Déjà, à ma naissance, ma mère a dit que je voulais pas sortir. On m’a forcé.
Et puis, j'ai grandi sans faire de bruit. Pour tout, je semble ... être raisonnable, pondéré, responsable. Le fils modèle. Le gendre idéal.
Je ne le suis pas.
Je n’ai pris aucun risque. Pétochard ! Mes rêves sont trop hauts.
Aujourd’hui, je viens les chercher.
La porte s’ouvre. Le vent siffle sur la carlingue. Le moniteur crie le décompte. Je saute.
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Défi
Carma


Elle est en bas de l’immeuble. Elle s’approche de l’interphone. Elle cherche son nom. Il est à peine lisible mais elle le reconnait.
Elle sonne. A plusieurs reprises. Longuement. Mais la petite musique finit toujours par s’arrêter. Elle soupire. Elle regarde son poing serré, l’ouvre pour y regarder les traces rouges laissées par les deux clefs. Le dernier envoi qu’elle a reçu.
Elle se décide. Elle ouvre la porte du hall d’entrée, le traverse et monte, lentement, les escaliers la conduisant au troisième étage, devant la porte du logement, refuge, prison de son père.
Devant la porte, elle hésite. Dix ans. Ça fait dix ans, qu’elle ne l’a pas vu. Sa dernière lettre date d’il y a six mois. Et, il y a deux semaines, les clefs.
Elle introduit la clef dans la serrure, déverrouille la porte et la pousse, la laissant s’ouvrir doucement. Une odeur pestilentielle l’agresse tandis que son regard rencontre la pénombre du couloir. Il est vide, enfin presque. Sur une patère, est accroché un manteau noir. Juste en dessous, il y a une boite à chaussures. Dessus, des mocassins noirs, brillants, neufs semble-t-il. Cela l’agace. Elle avance, une main effleurant le mur, à la recherche d’un interrupteur. Quand elle le sent, sous ses doigts, elle appuie. Elle entend le petit clic mais aucune lumière ne vient baigner le couloir. Elle continue, une porte à droite ouvre sur ce qui, dans son souvenir, est la pièce principale. C’est ouvert. En tâtonnant le long de l’encadrement de la porte, elle cherche l’interrupteur, appuie. Rien non plus. Des yeux, elle balaye la pièce, à part les rais de lumières que laissent passer les volets, rien, pas de petites lueurs d’appareils en veille, pas d’heure affiché sur le four mico-ondes. Son cœur s’accélère. Elle se mord les joues et se force à écouter. Pas de bruits familiers d’un frigo qui vibre. Rien ne charge. Manifestement, il n’y a plus d’électricité. Et, cette odeur !!!
Mais, son père est forcément là, quelque part. Il ne peut pas être ailleurs. Il n’y a jamais été : ni devant l’école pour venir la chercher, ni au spectacle de fin d’année pour l'applaudir, ni à la remise des diplômes…
Elle se ressaisit. Il faut qu’elle le trouve. De ses mains fébriles, elle fouille dans son sac. Elle y pêche son smartphone. Il a une torche. Elle jure silencieusement car ses doigts moites glissent sur l’écran tactile. Une photo de son mariage s’affiche…elle ricane nerveusement. Là non plus, il n’était pas. La torche s’allume. Elle parcourt la pièce avec le faisceau lumineux, ou du moins ce qu’elle en devine sous la crasse et le nombre incroyables de déchets hétéroclites qui s’y accumulent. L’odeur et le spectacle étrange de cette décharge spectrale la transpercent. Sous le choc, elle a un haut-le-cœur et une remontée de bile acide lui brûle la gorge.
« Qui est-ce ? » demande une voix faible qui semble sortir du mur du fond.
Effrayée, elle laisse tomber son téléphone, replongeant dans l’obscurité.
-Papa ? C’est Marion ! où es-tu ?
Il tousse.
-Vas-t-en…
-Arrêtes, dis-moi où tu es !
-J’ai dit…Vas-t-en ! Dégages ! Je…ne veux…pas…te…voir !
Il tousse, une toux grasse, immonde ! Le bruit d’un crachas. Sa respiration est sifflante, haletante.
Elle l’ignore et reprend son téléphone-torche pour se diriger dans la direction de la voix.
-T’es malade, c’est ça ?! Et, bien sûr, tu n’es pas allé consulter ! Tu fais chier !!!
-Marion… fous le…camp ! insiste le fantôme de la voix de son géniteur,
- Si tu ne voulais pas que je vienne, il ne fallait pas m’envoyer tes clefs, sale ingrat !
Elle avance et plus elle s’approche, plus cela ressemble à progresser dans un squat insalubre. Elle marche sur des carcasses de bouteilles vides, des boîtes de médicaments, des livres, des cartons de pizzas, des emballages de fast-food au bruit chuintant et juteux qu’ils laissent échapper sont encore remplis de matière organique qui fut comestible, des bandages souillés. Leur odeur putride de moisi et la peur affolée qui s’agite dans son ventre manque de la faire vomir. Dans la lumière, elle aperçoit le canapé recouvert de couvertures. elle croit deviner un léger frémissement.
-Papa ? T’es là… ?
-Vas-t-en…Laisses-moi.
Une colère sourde et ancienne se réveille en elle. cet espèce de père! ce guignol …c’est lui tout craché. Lui envoyer ses clefs, sans un mot d’explication. La faire venir, pour finalement, lui dire de s’en aller.
-Vas-t-en… je t'ai dis...je...ne...veux ...pas...te...voir...
Il a, à peine bougé, qu’une odeur rance de fluides corporels, une odeur cadavérique emplit l’atmosphère, suivi d’un nuage d’innombrables mouches. C’en est trop. La peur, la colère, le dégoût. Pliée en deux, elle vomit.
Elle se redresse et dans un cri, assène un coup de poing puis deux dans le monceau de couverture.
-Ferme-là ! Ok ! Je fais ce que je veux !
Les insectes, s’agitant, tout autour de sa tête, avec une préférence pour ses yeux larmoyants, finissent par l’arrêter.
Elle reste, là, quelques minutes, l’air hébétée.
Un gémissement s’échappe du monticule, rallumant le feu de la colère de la jeune femme.
-Jusqu’au bout…hein ? tu seras un pauvre lâche…
-J’ai mal.
- J’m’en fous ! Moi aussi, j’ai mal…au cœur ! c’est quoi, cette puanteur ! t’as recommencé à boire ? Depuis quand tu t’es pas lavé ?
Elle shoote, dans les détritus, faisant décoller un autre nuage de mouches vrombissantes. Elle jure :
-Merde ! pourquoi ? pourquoi je dois toujours être là pour être témoin de ton auto-destruction ?!
- Je suis désolé…Je ne voulais…pas…j’ai pas fait exprès…
Et voilà, maintenant, ce ton plaintif qu’elle n’a jamais supporter.
-Stop ! J’en ai marre ! Je sais…Tu voulais pas naitre, ni vivre…t’as pas fait exprès d’avoir une fille ! t’es désolé ! Ca suffit ! Assumes !
Et, dans un geste brutal et rageur, elle tire la couverture.
Elle est saisi d’horreur par ce qui s’y cache. Un corps décharné, sale, couverts de ses propres excréments séchés. Il est en position fœtale, l’un de ses bras formant un angle bizarre avec le reste de son corps, pendant lamentablement dans son dos, noir de l’infection qui le ronge. Son autre bras tente, avec peu de succès, de protéger son visage et ses yeux de la lumière trop crue de la torche.
Pétrifiés. Lui. Elle. Pétrifiés.
Il faut qu’elle fasse quelque chose. Une petite voix à l’intérieur de son crâne le lui intime « allez, bouges, il faut que tu bouges...Bouges…fais quelque chose…dis quelque chose…n’importe quoi »
Mais son corps est aux abonnés absents, ses bras comme deux enclumes, pendent le long de son corps. Elle ne sent plus rien que cette pesanteur informe qui l’écrase.
-Marion…Froid…
Ce murmure d’outre-tombe a l'effet salvateur d'un électrochoc.
-Ok…Ok…voilà, je te couvres…- elle parle, à toute allure- ça va aller, t’inquiètes pas…je …je…vais appeler du secours !
Elle traverse la mer d’immondices qui entoure son père pour s’éloigner un peu, trouver un peu d’air.
-Marion…Marion…
- Je suis là….attends…attends une seconde…j’appelle les pompiers…
-Non…Marion…pas la peine... seul.
- t’es pas tout seul…juste une…Oui allo, j’appelle pour mon père…Il est…euh…blessé…malade…Les deux, merde !...oui, oui…pardon je me calme…un bras euh…cassé, peut-être…c’est que je sais pas…c’est tout noir, y’a du pus ! Oui, voilà…58 ans…10 place du Trianon, 2ème étage…Dans cinq minutes…Ok, je vous ouvrirai !
- Marion…
-Oui, oui, les secours arrivent, t’inquiètes pas.
-Marion…s’il te plait…
, elle le regarde de loin, elle voudrait revenir à son chevet mais elle ne peut pas. Elle n’y arrive pas ! Elle essaie de se secouer, se traite de lâche. A sa grande surprise, une pensée noire lui traverse l’esprit. La lâcheté, c’est de famille. S’il y a bien quelqu’un qui ne peut pas lui reprocher ça, c’est bien son père.
Elle se souvient, il y a quinze ans, quand elle s’est décidée à venir le rencontrer après des années de relations épistolaires pour essayer de comprendre ce mot qu’on lui répétait pour lui expliquer l’absence et le manque d’intérêt de son père : le syndrôme Hikikomori. Elle n’avait pas compris,. Juste l’excuse bidon d’un égoïste asocial…voilà ce qu’elle en avait pensé.
Elle était ressortie de leur dernière rencontre, dix ans plus tôt, partagée entre la pitié et le dégoût. Elle pensait avoir réussi à faire une croix sur lui. Mais, elle avait, finalement, répondu, à chacune de ses lettres. Elle l’avait rappelé les trois seules fois où il avait cherché à la voir. Et, elle est là, aujourd’hui.
-Marion…
Les sanglots douloureux émis à son corps défendant, lui répondent. Elle serre les dents.
-Papa…arrêtes de geindre…je vais péter les plombs !
Elle se mord les lèvres pour se forcer à se taire. Ils n’ont jamais réussi à s’approcher, sans se blesser. Leurs rares échanges verbaux ont toujours fini par s’envenimer. Même aujourd’hui.
-Marion…sur la table…cuisine…
-Quoi ?
-quelque chose…pour toi…
Tandis qu’il gémit doucement, elle se dirige vers la table de la cuisine. Elle y trouve une feuille et un stylo. Une lettre…une putains de lettre !!! Elle le déteste pour ça. Mais elle s’assoit et ne peut s’empêcher de lire.
« Marion,
Je suis désolé de ne pas avoir assisté à ton mariage. Tu ne me croiras sûrement pas mais j’ai essayé, vraiment, mais je n’ai pas pu. J’avais même acheté des chaussures et un costume. Je m’en veux terriblement de ne pas avoir eu assez de courage…j’espères que tu me pardonneras, encore.
En tout cas, toutes mes félicitations, j’espère que la fête était belle et te souhaite d’être très heureuse avec celui que tu as choisi. Peut-être pourras-tu m’envoyer quelques photos… »
Elle essuie, d’un geste, les larmes qui lui brouillent la vue. Elle n’arrive plus à lire. Elle se penche à nouveau, sur la feuille et se rend compte que ce ne sont pas seulement ses yeux. D’autres larmes ont gondolé la trace écrite qui s’est fait tremblante.
« Marion, je me suis cassé le bras. Je t’ai appelé… J’ai pris rendez-vous chez le docteur mais je n’y suis pas allé. Je crois que ça s’est aggravé…J’ai de la fièvre…mon bras est violacé et gonflé. Je crois que je n’en ai plus pour longtemps.
Alors, je voulais que tu saches que, même si je ne suis pas et n’ai jamais été le père que tu mérites, je t’aime. Tu es mon fil d’Ariane, ma lumière dans la nuit. Avoir contribuer à ton existence est ma seule fierté…même si je l’ai pas fait exprès.
Tu es, ma chérie, une belle personne. Ne laisses pas mes manquements et mon absence t’en faire douter !
Tu as été mon unique raison de continuer. Je ne voulais pas te faire de peine et je trouvais assez de bonheur et d’énergie vitale dans tes lettres. Alors, si je meurs aujourd’hui, ce n'est pas grave. Mon amour pour toi, lui, restera toujours vivant.
Je t’aime »
Les yeux bouffis de larmes, elle murmure : « espèce de salaud… »
L’interphone sonne. Comme un robot, elle se lève pour aller ouvrir aux pompiers. Ils arrivent, se dirige vers le canapé.
Un ange, peut-être, passe.
« Désolée, madame. Nous sommes arrivés trop tard »
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Eloïse marche. Comme tous les matins, son pas est lourd sur le pavé. La tête basse, rentrée dans les épaules, elle avance, résignée. Une ombre voûtée et grise. Elle se rend à la maison des Enseignements.
Comme tous les matins, depuis ses six ans, elle s’interroge, inlassablement, pourquoi faut-il qu’elle y aille. C’est absolument inutile, du temps perdu, pour elle et ses professeurs. Pourquoi s’acharner ainsi ? Pourquoi personne ne trouve le courage de dire ce qu’elle sait déjà, depuis des années ?
Elle n’est pas normale, handicapée. Son aura n’a pas de couleur. Elle n’en aura jamais. Elle n’a aucun lien avec aucun élément de la matière. C’est ainsi. Pour le dire de manière plus abrupte, comme elle l’a déjà fait, provoquant des silences affligés mais hélas temporaires, elle n’a pas d’Aura. C’est comme ça ! Ça arrive, les loupés ! Pas de chance, c’est tombé sur elle. Elle voudrait juste qu’on lui fiche la paix !
Mais non ! elle est encore, parfois, la risée de ses camarades et est devenue le défi permanent de l’équipe professorale. Ils ne peuvent ou ne veulent pas admettre son infirmité. Chaque année, c’est la même rengaine. « Il n’y a personne sur ce continent, ni sur les autres, qui n’ait pas d’Aura ni de couleur. Cela ne se peut pas ! bien sûr, il y en a pour qui elles sont extrêmement difficiles à distinguer, il y en a qui ont une maîtrise très subtile de la matière (comprenez que leurs capacités sont quasi nulles), mais personne, non personne n’est incolore ! alors, cela prendra le temps que ça prendra, mais ils sont bien décidés à l’aider à trouver sa couleur et par là-même à trouver son élément et ses capacités si « subtiles » soient-elles !
Eloïse pense que toute cette bienveillance hypocrite, c’est à gerber.
Hélas, elle n’est qu’une adolescente élevée par une mère à moitié folle depuis que son père est parti, on ne sait où. Autant dire qu’elle n’a pas voix au chapitre.
Alors, elle marche, le dos courbé, ses grands yeux couleur d’automne fixant les pavés.
Elle y met peu d’entrain mais finit, tout de même, par arriver devant la bâtisse. Un grand Bienvenu, aux sept couleurs, évidemment, est gravé sur le fronton du respectable bâtiment. Elle ne peut s’empêcher de grincer des dents en franchissant le seuil de la grande entrée aux arches romanes. Dans la cour, beaucoup d’étudiants sont déjà là, réunis en petits groupes. Bien sûr, c’est un festival d’Auras, Toutes sont représentés allant du plus vif éclat au pastel le plus doux. Car, pour couronner le tout, Eloïse, bien qu’incolore, perçoit, en revanche, de manière tout à fait précise celles des autres. Quelle ironie!
Elle s’approche de sa classe. Malgré sa différence ou plutôt à cause d’elle, Eloïse possède un talent d’oratrice remarquable et un humour féroce. Elle a, ainsi, développé de solides amitiés comme inimitiés. Elle a trouvé sa place, en tout cas, et c’est déjà beaucoup pour elle qui a, par le passé, beaucoup souffert de la solitude.
Elle relève la tête, rabat d’un revers de main rapide, ses cheveux bleus. Oui ! Toujours bravache, elle a décidé, depuis quelques mois, qu’à défaut d’aura colorée, ses cheveux changeraient de teinte aussi souvent que possible. Cela a fait son petit effet, mais, elle songe qu’il faudra bientôt qu’elle trouve autre chose, plus personne n’y prête attention.
Elle rejoint son petit groupe d’amis. Anna la Rouge et Lisa la Bleue. Celles-ci l’accueillent d’un grand sourire. Elles sont très excitées. Aujourd’hui, c’est la Conférence ! Chaque année, une personnalité influente vient les éclaboussser de son Savoir. Et, cette fois, c’est Enée, une Arc en Ciel de premier plan. Il parait que son Aura est spectaculaire. Et, les adolescents l’adorent car elle détonne parmi ceux de son rang. Elle est la plus jeune. Elle a un style particulier, bien à elle. Une rebelle, en somme.
Alors, aujourd’hui, à la Maison des Enseignements, c’est l’effervescence.
« Il me tarde tellement de la voir ! » dit Anna, en sautillant sur place. Eloise lève les yeux et soupire. Ces attitudes de groupies frisant parfois l’hystérie l’agacent. Anna lui prend la main et la taquine :
« Allez, Elo, pour une fois, fais preuve d’un peu d’enthousiasme ! Tu verras, ça fait pas mal.
-Hum…si faire preuve d’enthousiasme consiste à bêler bêtement avec le reste du troupeau, non merci !
-Rabat-joie ! Arrête ! Tu la trouves géniale, toi aussi ! lui rappelle Lisa.
-Pas du tout, s’insurge-t-elle, j’ai apprécié certains des propos qu’elle a pu tenir, c’est pas tout à fait pareil !
-c’est bien ce qu’on dit, pouffe Lisa, tu la trouves géniale ! »
Eloise sert les poings. Non ! elle ne trouve plus personne géniale, depuis longtemps ! Personne ne l’est. Jamais. Il y a toujours un moment où les gens que l’on admire, que l’on aime, sont décevants ou blessants. Et ça peut faire mal, trop mal. Alors, non, personne n’est génial !
Ses amies se sont figées. Elles la regardent, un début de frayeur dilatant leurs pupilles. Elle le voit. Aussitôt, sa petite voix intérieure s’enclenche : « Respires, Elo ! Allez, prends de l’air. Oui, inspires. Bloque. Un…Deux…trois…Ok, laisses aller, expires. Encore… »
Jusqu’à ce que ses poings se desserrent, jusqu’à ce que les pupilles de ses amies rétrécissent, jusqu’à ce qu’elles recommencent à se mouvoir…elle respire.
Alors, Anna laisse échapper un soupir.
« Putains, j’ai bien cru qu’on allait y avoir droit ! Et, c'est pas le jour!
-Ca va...je sais. Murmure Eloise dans un sourire forcé.
Et voilà, maintenant ça, mais qu’est-ce qui lui prends ? Qu’est-ce qui tournes pas rond chez elle ? Comme si ça ne suffisait pas, quand Eloise est agité par de sombres émotions, elle devient un trou noir, un vortex qui absorbe toutes les couleurs d’Auras. Enfin, ça, c'est la version professorale. Elle dit plutôt :Un putain d’aspirateur ! Voilà son don, un pouvoir de décoloration temporaire, quelques heures au plus ! Risible ! Bon, il semble que ce soit assez désagréable comme sensation et il est arrivé que, ses victimes aient eu des comportements un peu étranges, les jours suivants. Mais, selon les spécialistes, c’était du aux efforts faits par les décolorés pour retrouver leur couleur.
Cela avait fait d’elle le bouc émissaire idéal, la paria attitrée de sa classe, jusqu’à ses dix ans.
Cette année-là, Son enseignante Sophie auréolée Arc-en-Ciel, l’avait trouvée cachée derrière la porte des toilettes et pleurant convulsivement, après une énième brimade.
Elle l’avait consolée, puis relevée et prise fermement par les épaules :
« Tu dois apprendre à garder le contrôle ! Alors, ils oublieront…ils te laisseront tranquille ! Tu auras une chance de te faire une autre place… »
Elle avait été convaincante. La petite Eloïse d’alors, qui n’avait jamais pu s’appuyer sur un adulte solide, avait donné sa confiance et plus encore à son enseignante. Elle tenait à elle comme un naufragé à sa bouée. Elle l’avait écoutée, appliqué ses conseils à la lettre, assidument, travaillé les enseignements avec acharnement, pour voir ses yeux briller de fierté. Elle avait trouvé une oreille attentive quand elle se sentait perdue ou triste. C’était une merveilleuse année et, Eloïse le pensait, le début d’une nouvelle vie où elle comptait pour quelqu’un.
Et, puis, un jour, Sophie était partie, sans dire au revoir, sans laisser d’adresse.
Eloïse était effondrée, secouée d’émotions contradictoires : la sidération d’abord, puis le chagrin et enfin la colère noire, infinie. Sa confiance en autrui s’était définitivement consumée. Ce jour-là, elle avait couru à une vitesse sidérante vers la clairière où elle se réfugiait quand sa mère perdait trop contact avec la réalité. Et, elle avait laissé libre cours à ce torrent émotionnel faire son œuvre, pensant que sans Auras à aspirer, il n’y avait aucun risque. Ce jour-là, Le pan de la falaise enserrant pour partie l’endroit avait été réduit en poussière. Encore, aujourd’hui, elle oscille entre deux visions de cet évènement : une toute petite voix qui dit que la Nature partageait sa tristesse, et une autre, bien plus présente, qui dit que même la Nature s’était écroulée de rire devant sa niaiserie.
Elle avait passé deux jours et deux nuits dans cette clairière. Personne n’était venu la chercher, évidemment. Pourtant elle avait, finalement, décidé de continuer à vivre. De se donner une dernière chance.
Depuis Eloise avait réussi à garder le contrôle…à peu près…de manière acceptable. De temps en temps, elle sentait l’aspirateur s’animer et décolorer furtivement une Aura. Mais cela restait discret. Et, Sophie avait raison, ses camarades avaient presque cessé de la prendre pour cible, elle s’était fait une place et des amies et parfois, la vie était belle, de manière fugace, frivole…mais, c’était déjà ça.
Et, cela faisait plus d’un an, qu’elle n’avait plus décolorer personne.
Alors, même si ses amies sont déjà passés à autre chose, elle est inquiète. En plus, c’est vraiment pas le jour de se faire remarquer.

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Ça y est. Ils ont tous fini par trouver une place dans le gigantesque amphithéâtre. Eloise, toujours sombre, est assise entre Anna et Lisa. Mesure de précaution, selon elles, ça évitera peut-être à un voisin malchanceux de se faire copieusement insulter parce qu’il aura osé ouvrir la bouche. Elo avait bougonné qu’elle savait se tenir, pour la forme mais avait obtempéré. Elle ferme les yeux, essaie de retrouver un peu de calme, malgré son humeur de chien. Les conversations autour, peu à peu, s’éteignent. Le silence est presque complet.
Eloise ouvre les yeux. Enée est là. Bien sûr, elle a déjà vu des photos d’elle. C’est une jeune femme, de taille moyenne, athlétique. Elle est vêtue de noir, un pantalon, un chemisier et un châle, simples. Ses longs cheveux bruns regroupés en un chignon négligé dont quelques mèches dépassent, encadrent un visage carré au menton volontaire. Ses yeux bruns, en amande, un peu trop grands, observent pensivement la foule d’étudiants devant elle. Eloise ne peut s’empêcher d’être un peu déçue. Elle imaginait une entrée un peu plus spectaculaire. Avec tout ce qui se raconte sur l’Aura de cette femme. Les autres années, les invités arrivaient, auréolés glorieusement de leur couleur. Ils les inondaient de lumière, leur en mettait plein la vue. Là, rien!…La grande Enée ressemble à…à Eloïse, incolore.
Celle-ci ne peut s’empêcher de ricaner, en observant autour d’elle les regards dépités de ses camarades.
Un rire emplit la salle, prenant un peu plus au dépourvu les spectateurs. C’est Enée.
Alors, ses yeux s’animent et sont soudain si lumineux qu’Eloïse ne peut s’empêcher de rire à son tour. Enée pose les yeux sur elle quelques secondes puis revient envisager le public d’étudiants déboussolés :
« Bonjour à tous. Je suis Enée. Comme vous le savez, je fais partie du Conseil des Sages. » elle marque une pause et souriant à nouveau, elle reprend : « Vous semblez, quelque peu désarçonnés, l’un d’entre vous peut-il me dire ce qui vous arrivent ? »
Les quelques murmures qui bruissaient s’éteignent aussitôt pour laisser place à un silence de cathédrale.
Eloïse qui avait, réussi,jusque-là à étouffer son début de fou rire, pouffe à nouveau. Et, sous le regard désapprobateur de ses amies, elle lève la main. Enée, d’un signe de la tête, lui enjoint de s’exprimer :
« Pardon,euh…madame, c’est que l’on ne voit pas votre Aura.
Nullement décontenancée, Enée lui répond :
« Ah…et, où pensez-vous qu’elle soit ?
Eloïse, fidèle à elle-même, lui répond :
« Je ne sais pas, Madame…peut-être l’avez-vous oublié en partant ? » et, elle ajoute, provocante « ou peut-être est-elle avec la mienne ? Je la cherche depuis ma naissance ! »
A sa grande surprise, au lieu de s’offusquer, Enée éclate de rire puis lui répond :
« Rassurez-vous, mademoiselle, nos Auras sont là, toutes les deux. Elles sont invisibles, c’est tout. »
Eloïse est estomaquée. Elle ne comprend pas. Des Auras invisibles? Jamais entendu parler d'un truc pareil! Enée rit-elle à ses dépens ?
Le reste de l’amphithéâtre bruisse de murmures incrédules. C’est incompréhensible ! Que raconte-t-elle ?
Soudain, quelqu’un crie : « regardez ! » en pointant du doigt l’estrade.
Autour d’Enée, goguenarde, vient d’apparaitre un halo rouge qui va grandissant et laissant apparaitre successivement de l’orange, du jaune, du vert, du bleu, de l’indigo et du violet. Son aura Arc-en-Ciel est gigantesque et envahit tout l’espace de l’estrade.
Des exclamations ébahies jaillissent du public. Eloïse regarde cela, l’air lointain, cherchant toujours à comprendre ce que signifiaient exactement les paroles d’Enée.
Alors, malgré la béatitude générale, elle se lève et interpelle l’objet de tous les regards admiratifs de l’assistance.
« S’il vous plait ? S’IL VOUS PLAIT ? ENEE ? »
Celle-ci se tourne vers elle, attentive. Eloïse sent la colère monter en elle et s’exclame :
« Je n’ai pas d’Aura ! Les Auras invisibles, ça n'existe pas! Pourquoi dites-vous que j’en ai une ?!? »
Enée lève un sourcil étonné. Tout le monde a une Aura. Eloïse répond que non ! elle, elle n’en a pas !
L’Aura d’Enée semble encore grandir, et sa présence avec. Elle happe le regard de la jeune fille, qui ne voit plus que ses yeux et qui entend la voix de la femme résonner dans sa tête, dans son esprit, alors que ses lèvres restent immobiles.
« Tu as une Aura, je le sais. Je la perçois. Elle est invisible, c’est tout. »
Puis, se tournant à nouveau vers la salle, elle demande le silence, de vive voix, cette fois. Tout le monde obéit. Alors, soudainement, le gigantesque arc-en-ciel disparait. Plus rien.
Lisa murmure, pour elle-même, la question qui agite toute l’assistance « Mais, comment fait-elle ça, Nom d’une Licorne ? »
Enée sourit et les interpelle. Elle a une question pour eux.

« Qu’est-ce que l’Arc en Ciel ? »

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Eloïse s’est rassise. Elle regarde cette femme qui les mènent tous par le bout du nez, elle comprise, depuis plus de vingt minutes. Mais, où les emmène-t-elle ?
Qu’est-ce que l’Arc-en-Ciel ?
Les réponses fusent.
« Le spectre des couleurs qu’un esprit peut posséder en lien avec ses pouvoirs sur la matière »
Enée répond oui, mais encore ?
Un jeune homme propose :
« Le pont par lequel descendent les sept licornes pour ensemencer les esprits »
Elle lui demande quand est-ce qu’il a vu, ne serait-ce qu’une seule licorne, qui plus est, descendant d’un arc-en-ciel ?
Eloise cache son sourire derrière une de ses mains. Bien envoyé ! Elle aurait pas mieux dit. Elle a toujours trouvé ça débile, cette histoire de gentilles licornes toutes douces , descendant gracieusement d’on ne sait où, pour transmettre, dons et merveilles jaillissant de leurs cornes de cristal ! Pffff !
Le fait est que le jeune homme ne peut que répondre, d’un air choqué, qu’il n’en a jamais vu, mais ajoute qu’il s’agit du Dogme des Premiers, d’un air outré !
Enée, lui répond, avec un sourire, qu’il s’agit de l’écho du Dogme Premier à travers des Milliers d’années. Pour autant, ce n’est pas hérétique que d’affirmer que personne, de mémoire de mortels, n’a jamais vu, réellement, de Licornes.
Un grand « oooooooooooooooh » choqué jaillit de centaines de bouches. Elle précise alors :
« Je ne remets pas en cause le Dogme des Premiers. Mais, ma question s’adresse à nous, à vous, les suivants, donc. Peut-être devrais-je préciser ma question ? Qu’est-ce qu’un Arc-en-Ciel, pour vous ? »
Alors, Eloïse lance :
« Une illusion d’optique ! «
Elle entend des railleries fuser mais Enée lui demande de préciser.
De mémoire, en bafouillant un peu, elle indique que c’est un photométéore, c’est à dire un phénomène optique qui rend visible le spectre continu de l’astre solaire quand il brille et qu’il pleut.
Elle hésite. Enée, d’un regard impérieux, lui intime de poursuivre. Alors, elle ajoute que l’arc en ciel n’a pas d’existence matérielle. Sa position et son existence sont liées à la position de la source de lumière et de l’observateur.
Elle se tait. Un silence et L’oratrice enchaine :
« C’est exact. Quelle réflexion cela vous inspire-t-il ?
La salle gronde et quelqu’un qu’Eloïse ne parvient pas à repérer crie au blasphème. Sur l’estrade, la responsable de ce chahut sort de derrière son pupitre, droite comme une flèche, ses yeux lançant des éclairs, auréolée de vagues aux sept couleurs, qui semblent faire trembler l’atmosphère autour d’elle. Sa voix s’élève et porte jusqu’au tréfonds de la salle :
« Chercher à comprendre les phénomènes physiques et naturels qui existent dans notre monde n’est pas une tare ! Ce n’est pas non plus incompatible avec le respect de notre histoire et des dogmes des Premiers ! Bien au contraire ! »
Toute la salle s’est tue. Elle les balaye, lentement, d’un regard sévère et poursuit :
« vous connaissez tous le premier Dogme, par cœur. Celui qui dit que les licornes de l’Arc-en-Ciel, posant le pied sur notre terre, ont repoussé les Ténèbres et que, de leurs cornes, ont jaillies les sept couleurs venant semer des dons dans nos corps et nos esprits ! Et, nous donnant la capacité d’avoir une Aura ! Oui ? »
Tous acquiescèrent.
« Bien ! Vous l’avez appris et récité bêtement à vous en décrocher la mâchoire, des milliers de fois, mais avez- vous cherché à réellement le comprendre ? Vous l’approprier ? Non ! Avez-vous cherché à connaitre le second Dogme ? Connaissez-vous au moins son existence ? Non ! »
Elle est comme un orage, quand elle regagne son pupitre et tape dessus du plat de la main, créant une onde sonore, qui les fait tous sursauter.
« Ecoutez le second Dogme ! il dit « Il nous a été fait don d’une Aura, de pouvoirs sur la matière. Être détenteur de potentiels, être auréolé s’accompagne de devoirs. Les licornes ont dit « Soyez des chercheurs, soyez curieux, ouvrez grand vos yeux ! Nous vous indiquons la direction, il vous appartient d’en faire votre chemin ! ». Qu’est-ce que cela signifie ? selon vous ? …
Personne ne répond, alors elle poursuit :
« Je vais vous dire ce que cela signifie pour moi. Votre Aura est ce que vous donnez à voir aux autres. Elle dépend de l’image que vous avez de vous en partie ! Avoir une Aura Arc-en-Ciel ne signifie pas que vous valez plus que les autres, Avoir une Aura bien brillante, de couleur vive, voire éclatante ne signifie pas que vous valez plus que les autres…pas plus qu’avoir un bel habit ou de beaux bijoux ! Votre Aura montre ce que vous êtes convaincus d’être aux yeux des autres… c’est tout. Elle ne vous définit que parce que vous y croyez ! »
Le brouhaha qui s’ensuit est indescriptible. Un professeur se lève et crie à plusieurs reprises pour réclamer le silence. Au prix d’un cri plus tonitruant que les autres, il finit par obtenir gain de cause et se tourne, furibond, vers Enée et l’interpelle, de manière véhémente :
« Etes-vous en train d’insinuer que nous serions tous atteints d’hallucinations collectives, quand nous voyons les Auras ? Comment osez-vous proférer de telles balivernes ? Quelles preuves avez-vous ? Je vous somme de vous expliquer ! »
Eloïse, sonnée, regarde Enée, elle aussi. La jeune femme affiche un calme olympien quand elle déclare :
« Je dis qu’utiliser ses dons pour se fabriquer une belle Aura, quelque soit sa couleur, c’est gâcher son potentiel et cracher sur l’héritage des Licornes et des Premiers ! Je dis que leur message est bien plus profond que ce que nous enseignons à nos enfants ! il n’y a aucun blasphème, dans ces mots ! Et, si vous voulez des preuves, monsieur le professeur, il vous faudra les chercher par vous-même, comme le dit le deuxième Dogme.
-Mais enfin, prendre soin de son Aura, c’est faire profiter la société de son potentiel.
-En êtes-vous certain ?
-Mais …il en a toujours été ainsi !
-Pouvez-vous le prouver ?
-Relisez vos manuels d’Histoire, madame !
-Vous ! Relisez-les ! Et lisez-en d’autres aussi.
-Ce que vous dites est absurde.
Sans répondre, elle regarde sa montre. Puis, se tournant à nouveau vers le professeur :
« Je crains que nous ne puissions tomber d’accord. Je vous ai donné mon point de vue. Vous m’avez donné le vôtre. Restons-en là ! »
Alors qu’il semble sur le point de répondre, il s’assoit, l’air surpris. En son for intérieur, Eloïse ne peut s’empêcher de se demander s’il n’a pas été obligé à le faire par Enée. Les auréolés de Rouge peuvent avoir ce genre de pouvoir de pression psychique. Si fort, elle ne l’a jamais vu. Mais, elle n’avait jamais entendu une main faire un bruit aussi tonitruant en claquant sur un pupitre, ni une voix porter si loin sans micro, ni une aura onduler comme une mer agitée, alors pourquoi pas ?
Enée, une dernière fois, les enjoint à être curieux, à chercher eux-mêmes à apprendre et à comprendre. Puis, elle clôture la conférence. Pendant qu’une nuée de conversations fébriles s’engagent dans l’amphithéâtre. Eloïse, sourde à tout cela, se lève, mue par les interrogations qui lui brûlent les lèvres. Sans réaliser comment, elle se trouve au bas de l’estrade, regardant Enée descendre les marches, qui la mènent vers la sortie.
« Excusez-moi ! J’ai des questions !
-Comment t’appelles-tu ?
-Euh…Eloïse …mais, s’il vous plait, j’ai une question ! dit-elle d’un ton précipité. Est-ce que vous vous moquiez de moi, tout à l’heure, quand vous avez dit que vous perceviez mon Aura ?
L’air peiné de la jeune femme allume la colère chez l’adolescente. Pas ça ! Elle agrippe durement le bras d’Enée et elle s’entend, lui intimer, d’une voix glaciale, de mettre sa pitié au placard, elle n’en a pas besoin, elle a besoin d’une réponse. La jeune femme ne se dégage pas. Elle plante son regard dans les yeux d’Eloïse, comme si elle pouvait voir jusqu’au tréfonds de son âme et lui réponds à voix basse :
« Tu te trompes. J’ai de la peine quand je pense à toutes les fausses vérités qui t’ont emmenées à penser que tu n’as pas d’Aura, que tu es moins que quiconque. Tu as été assez forte pour tenir debout malgré ça. Et, oui, je perçois ton Aura ! Tu es bien plus que ce qu’on t’a laissé croire, bien plus que tu n’imagines ! Suis tes intuitions, fais toi confiance, apprends, essaie de voir avec tes propres yeux !
-Pourquoi ? Comment ?...
-Pour toi, pour le monde entier. Cherches, lis tout ce que tu trouves sur les Licornes, les Premiers, l’Arc-en-Ciel…devines entre les lignes… L’Obscurité revient…Je reviendrai te chercher avant.
-Pourquoi ?
-pour t’apprendre ce que je sais.- elle regarde sa montre bracelet- Je dois y aller, maintenant.- A bientôt. »
Et, elle passe la porte, laissant Eloïse, statufiée, une tempête de pensées anarchiques s’entrechoquant dans sa tête.
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Ils sont passés ! Tout juste avant que la marée ne baisse, ils ont franchi la passe entre l’ile de Ré et l’île d’Oleron. Cap vers le grand Large ! Ils veulent rallier le port de La Corogne, sans escale. Cinq jours- si tout va bien- en haute mer.
Quand on y regarde, ils sont bien loin de l’image des marins.
Leur bateau est plus vieux que la moitié de l’équipage. Il n’a pas de douche. La chasse d’eau des toilettes ne fonctionne pas (mais, il y a un seau !). Et, ils n’ont ni GPS, ni radio, ni canot à moteur (mais il y a des rames), pas de moteur du tout d’ailleurs (mais, il y a des voiles).
L’équipage est composé du capitaine et de son second, autodidactes de la navigation et myopes comme des taupes et de trois équipiers, tous novices.
Ils sont peut-être un peu tous fous, me direz-vous ? Peut-être. Allez, venez, je vous invite. Venez voir par vous-même. Allez ! Vous serez le passager clandestin. Pas d’inquiétude, ils ne se rendront compte de rien : les marins de papier passent inaperçus et cerise sur le gâteau, ils ne souffrent jamais du mal de mer !
D’accord ? Alors, on y va !
Le pied tremblant, peu sûr, vous vous habituez doucement au roulis du bateau, aux mouvements impétueux de la houle océanique. Levant bravement la tête, vous laissez les embruns fouetter votre visage, la réverbération du soleil estival éblouir vos yeux. Du bout de la langue, vous gouttez le sel qui s’est déjà déposé autour de vos lèvres.
Vous effleurez du doigt un rêve. Naviguer à la voile !
Après un jour et une nuit à tirer des bords, vous êtes au Grand Large. Plus aucune terre en vue. Vous êtes seul, au milieu d’une immensité aux multiples nuances de bleus, de verts et de blancs. Le soleil tape fort. Les ombres se font rares. Six en tout. L’ombre du voilier déformée par les vagues. Les ombres de vos équipiers. Vous, vous n’en avez pas, d’ombre, mais vous n’avez pas de coups de soleils, ni le nez qui pèle.
L’horizon oscille en permanence. La notion d’horizontal n’existe plus. Tirer des bords, c’est glisser sur les vagues en orientant le bateau de manière que le vent gonfle la voile. Vous êtes toujours appuyés sur le vent. Le monde est penché.
Faire avancer un bateau, à la force des bras et du vent, c’est éprouvant et c’est exaltant. Vous avez les lèvres gercées de la morsure saline, les mains abîmées par les cordages, la peau brûlée par le soleil et l’air marin. Mais, quand vous avez un peu de répit et que vous posez votre regard sur la vaste étendue vous cernant de toutes parts, vous pouvez vivre des instants de grâce. Il y a des moments où l’on se sent vraiment minuscule, comme un tout petit enfant. Et, paradoxalement, cet espace infini où rien n’arrête le regard quelque soit la direction où il se porte donne un sentiment de toute puissance gigantesque. Vos compagnons de route sont tous des géants : L’océan, le Ciel, les astres.
Le troisième jour, vous avez de la visite. Tout le monde sur le pont. Les dauphins sont là. Ils jouent à la proue du bateau, leurs corps longilignes fusant dans les vagues. Si vous vous penchez pour les regarder et êtes suffisamment patients, l’un d’entre eux, vous gratifiera peut-être d’un regard rieur. Et oui, on apprend ça, loin des côtes : les dauphins nous regardent dans les yeux, l’air malicieux. Qu’est ce qui les fait rire ? seul l’océan le sait. Eux ont l’air de comprendre tout ce qu’on leur dit, alors, si vous voulez leur confier vos secrets, n’hésitez pas !
Le quatrième jour, pas un souffle de vent. Pas de moteur, donc. Pas de clim, non plus, la chaleur est insoutenable. Vous découvrez et comprenez ce que signifie l’expression « mer d’huile ». L’océan a changé de couleur, il est d’un bleu profond et laiteux que vous ne lui avait jamais vu. Sa surface chauffée par les rayons du soleil semble fondre tel du monoï. C’est beau et c’est terrifiant, si le vent ne daigne pas se remettre à souffler, vous resterez coincé là.
Le capitaine vous montre où vous vous trouvez sur la carte. Au-dessous du bateau, une fosse sous-marine de quatre mille mètres de fond, une petite baignade, ça vous tente ? Allez ! tout le monde a sauté. A vous !
Au contact de l’eau, vous frissonnez. Elle n’est pas froide. C’est votre corps qui est brûlant. Vous nagez, au milieu de rien. Vous n’êtes pas rassuré, mais fier de vous. Vous fanfaronnez même un peu, avec le reste de l’équipage. Vous plongez la tête dans l’eau et ouvrez les yeux pour scruter les profondeurs. Etonnamment, l’eau est très claire, on y voit vraiment, vraiment loin. Vous repensez à l’histoire qu’a conté un de vos équipiers, le soir précédent : il y était question de créatures de légendes, les krakens et leurs combats épiques avec les cachalots ou les navires ayant le malheur de croisé leurs chemins. Justement, le conteur, qui aujourd’hui, a un masque et un tuba, vient de sortir la tête de l’eau et annonce qu’il lui semble avoir vu quelque chose bouger au fond de l’eau. Vous êtes, subitement, tous pris d’une envie commune de remonter sur le bateau. Non pas que quiconque ait peur, non, l’eau est fraiche et puis vous avez un petit creux.
En fin de journée, le vent se lève. Il est temps de hisser les voiles ! Tout le monde sur le pont, si tout va bien, demain, vous pourrez grimper tout en haut du mât, scruter l’horizon, et le moment venu crier « Terre ! Terre en vue ! »
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