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Wyn

Wyn

Paris,
10 octobre 1889 

Cher Victor,
Je n’en pouvais plus d’attendre pour te contacter ! Maintenant que les choses se sont tassées à Paris, j’en profite pour t’écrire. J'ai l'impression qu'il est passé des années depuis que nous n'avons pas échangé ! Je ne voudrais pour rien au monde perdre contact avec toi. Autant, je me fiche pas mal de ce que peuvent penser Père et Mère. Je n’ai jamais eu leur soutien, je n’aurai jamais leur amour.
Je signerai l’enveloppe avec un autre nom, histoire que Père et Mère ne sachent pas que je t’écris. Je ne voudrais pas que tu te retrouves accusé d’une quelconque complicité alors qu’il n’en est rien. De plus, imaginerais-tu l’état de Mère ? Trahie par ses deux enfants ? Par la chair de sa chair ! Comment pourrait-on lui faire cela, Victor ? Je m’en voudrais de lui causer tant de déshonneur social. Un enfant indigne est bien suffisant. Et je t’interdis de me reprocher mon ton sarcastique.
De toute façon, maintenant je suis enfin libre ! Si tu savais quel goût a la liberté… Je ne me lasserai jamais de croquer ce fruit. Si divin, si enivrant, si… fou !
Rassur-toi cher frère inquiet, je vis dans une petite chambre de bonne.
Je me sens plus en plus légère au fil des matins. Je me lève, je mange un petit-déjeuner que je me suis moi même préparé, je descends les escaliers et j’arrive dehors. Et là, devant moi se dresse fièrement et admirablement une ville pleine de surprises, de vices, d’excitation, d’envies. C’est ça, le paradis, cher frère. Dès que je pousse cette porte d'immeuble, j’ai l’impression d’avoir accès aux rouages de ma vie qui jusque là m’étaient interdits. Je suis mécanicienne, je suis l’artisan. J’ai le pouvoir de décider. C’est si incroyable… Même après l’avoir écrit, je n’ai pas l’impression que tout ceci soit réel. Au début, j’osais à peine le prononcer, de peur que le rêve prenne aussitôt fin. Comme on égorge une bulle de savon.
Tout est comme si je n’avais jamais vécu avant.
Je gagne ma vie, Victor. C’est une somme d’argent, que je gagne moi-même, et qui n’appartient qu’à moi. Je joue et chante tous les soirs dans un café. Je suis si comblée de pouvoir vivre de cette magie que je pratique depuis toujours. Je n’ai jamais passé autant de temps sur un piano, et veux-tu savoir ? Je m’en lasse encore moins. Je ne regrette rien. Rien de rien. Aucune des richesses que je possédais, aucun des traitements de faveur dont je bénéficiais. Je vis pour moi désormais. J’ai l’impression d’avoir une nouvelle vie. Je comprends enfin la maxime de Confusius : « Nous avons deux vies. La deuxième commence quand nous prenons conscience que nous n’en avons qu’une. » Elle est si vraie que c’en est effrayant.
Je continue de lire, encore et toujours. Et je n’ai jamais autant écrit que depuis que je suis partie. Je construis mes romans, bâtis mes poèmes avec plus de passion que jamais. J’espère que bientôt, tu pourras te les procurer.
Je ne peux te parler guère longtemps, mon cher, beaucoup de travail m’attend.
Je te promets, je te raconterai mes mésaventures à ta prochaine réponse.
Je pense sincèrement à toi mon frère,
A très vite, Ana.
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Ceci est un ESSAI d'une histoire qui a germé tout récemment dans mon esprit.
Première fois que je me risque à écrire une histoire sans trop planifier en avance.
Il s'agit plus d'un test qu'autre chose... x)
Je vous prie de pardonner mes petites et grosses erreurs !
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Le hasard nous mit sur la piste au même instant, Nos âmes s'effleurèrent, le monde s'est envolé. Une seconde eût suffit, et nous voilà valsant, Immédiate sérénité, simple intimité. Et nous dansâmes, d'une aisance familière Deux minuscules minutes à peine, pourtant L'infini était d'ores et déjà derrière nous. Nous connaissions tout à fait les moindres recoins De nos psychés, nos coeurs, bien sûr de nos chagrins. Une existence entière, de douceur et de calme, Jamais de plus chère, je vous décerne la palme, Monsieur, de la tendresse que fût cette rencontre d'âme. Nous, deux vieilles âmes amies du premier regard, Mon être sensible semble soudain moins seul. Aussi, je vous prie, Monsieur, de danser avec moi. Oui, ne lâchez ni mes mains ni mon coeur, Car je veux valser avec vous jusqu'à l'aube. Et n'ayez crainte, jamais je ne vous quitterai, Autrement qu'en cette étrange fatalité. Je sais la chose pour vous insupportable, Mais par pitié, dansez avec moi, soyez aimable, Aussi longtemps que mon souffle tiendra, Aussi intensément que ma pensée s'acharnera, Aussi follement que mon sensible sera.
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J’ai poussé la porte pour ne plus me faire tremper par la pluie. Les petites lampes LED au dessus du comptoir m’ont aveuglée, ça m’a énervée. Je déteste ne plus rien voir, ou être obligée de fermer les yeux, ne serait-ce qu’une seconde. Je déteste devoir cligner des yeux, j’ai peur de rater quelque chose.
On dit toujours qu’il faut profiter de la vie, c’est ce que je veux faire. Si je pouvais faire un vœu, ce serait de ne plus jamais cligner des yeux.

On dirait que je suis bourrée ? Je n’ai bu que… en fait je ne sais plus. Mais peu importe. Je me suis rendue compte que je ne savais pas grand-chose. Je n’ai pas une grande culture, je n’en ai même pas du tout. Je n’ai pas réussi à faire le tour de ce que je ne savais pas, alors j’ai décidé d’énumérer tout ce que je savais.
Et je sais, que je suis assise sur un tabouret haut. Je sais que j’ai les coudes sur le bois lisse du comptoir. Et je sais que dans une de mes mains j’ai un verre de whisky. Attendez, je crois que c’est du whisky.

Je confirme, c’est du whisky.


Je sais aussi que je suis un écrivain raté. Que je n’arrive pas à écrire. Je sais que je suis une musicienne ratée. Que je n’arrive pas à jouer, à supposer que je n’aie jamais su. Je sais que je suis une dessinatrice ratée. Que je n’ai jamais réussi à dessiner de toute façon.
Je sais que je ne suis pas où j’en suis.
Je ne sais pas grand-chose, en fin de compte.
Peut-être que c’est mieux comme ça, que je sois inculte. Peut-être qu’en étant inculte on ne sait pas faire de mal aux gens. Peut-être que quand on est inculte, on vit heureux.
Sauf que non, ça ce sont des conneries, parce que je ne suis pas heureuse en ce moment.
J’ai commencé à chantonner, inconsciemment. Je me suis souvenue que je suis dans un bar, et que je ne devrais peut être pas faire ça. J’ai relevé la tête, pour voir qui il y avait d’autre dans ce foutu bar.
Il y avait plusieurs personnes, mais très peu que je voyais nettement.

Je crois qu’au fond de la salle, il y avait une jeune femme, qui devait avoir mon âge. Elle portait une ravissante robe rouge qui mourait à ses genoux. Une ceinture noire lui serrait la taille, soulignant ses formes. Elle lui allait bien. Elle avait les cheveux noirs, relevés en chignon strict mais sophistiqué. Elle était belle. Elle avait ce regard déterminé qu’on a dans sa jeunesse, comme si elle savait ce qu’elle voulait. Elle devait être étudiante.
Là je me suis rendue compte que mes phrases étaient toutes construites en fonction d’observations, et la seule qui ne l’était pas, était une supposition. Je n’avais que des suppositions. Je ne connaissais rien. Je détestais ne rien savoir. Je ne sais pas pourquoi je m’exprime à présent aux temps du passé.
Je ne comprenais plus grand-chose. Et je déteste ne rien comprendre.
Cette jeune femme, je ne savais rien d’elle, dans ce cas, je pouvais m’imaginer tout ce que je voulais. J’aimais ça.
Elle avait l’air d’être étudiante alors. Elle avait le sourire aux lèvres, parce qu’elle regardait son téléphone portable. Elle recevait peut-être des messages de son copain, ou de sa copine. Il ou elle lui disait sans doute qu’il ou elle l’aimait. C’est beau. Elle semblait heureuse. Elle était étudiante en littérature anglaise. Elle aimait les films à l’eau de rose, et les comédies. Elle détestait la pluie et les chaussures à hauts talons. Elle se sentait belle, elle était humble et généreuse, malgré son impatience. Elle s’appelait Claire. Claire avait une enfance heureuse, dans la banlieue parisienne. Elle avait une petite sœur qu’elle aimait plus que tout. Claire lui racontait des histoires quand elles étaient petites, c’est ce qui lui a donné envie d’étudier la littérature. Mais elle cachait ses failles. Elle était heureuse avec son « il » ou son « elle », mais elle restait triste de sa relation passée, et elle avait du mal à s’en remettre. Derrière son sourire, elle cachait sa peur et sa tristesse. Elle les cachait plutôt bien, elle était douée, il fallait le reconnaître. Son rêve était de voir l’Argentine, pour la culture, et découvrir une nouvelle langue.

Et vous tous, qui lisez ou écoutez cela, je n’en sais rien, ne pensez pas qu’il s’agit d’une rétrospection, vous vous trompez. Alors arrêtez, ça encombre ma tête. Je n’aime pas ça.
Je crois que je suis saoule.
Je crois que je crois beaucoup de choses.
J’ai laissé Claire tranquille. Je me suis tournée vers un homme un peu plus loin. Antoine, je crois. Il avait la quarantaine, il était grand, et il avait le regard perdu dans le vide. Il était encore plus saoule que moi. Si j’arrivais à articuler une phrase complète et construite, je lui aurais proposé un verre de plus. Dommage Antoine, on remettra ça. Il avait l’air triste, lui contrairement à Claire, il ne le cachait pas. Antoine était naturel. Il s’exprimait au gré de ses pensées, il n’y allait jamais par quatre chemins et préférait dire les choses telles qu’elles étaient plutôt que de tourner autour. C’était une qualité que j’aimais bien. Il était également très calme, toujours ouvert à la critique, et prenait avec du recul tout ce qu’on lui disait. S’il était triste ce soir là, c’était parce qu’il venait de se disputer avec sa femme. Cette fois-ci, ça avait été plus violent que d’habitude. Il était parti pour éviter de la contrarier davantage, et il avait fini par échouer ici, telle une âme en peine. Ses yeux clairs trahissaient son désespoir qui y coulait, avec la même force qu’un torrent. Il y avait une pièce de théâtre dans ses yeux, une tragédie. Ça aurait plu à Claire ça. Il y avait du dramatique, de la mélancolie et même la mort. La mort de leur fils de trois ans, Charles. La mort, dans une tragédie classique, on appelle ça la fatalité. Les personnages peuvent faire ce qu’ils veulent, ce sera toujours en vain. La fatalité les rattrape toujours à la fin. Et l’issue finale est toujours une horreur. C’est toujours la mort, c’est toujours triste, c’est toujours dramatique. Il a noyé son regard dans la dernière goutte du fond. Celle que personne ne boit jamais. Il s’est perdu dedans. C’est triste de mourir dans le fond d’un verre.

Mais j’ai laissé sa petite étincelle s’éteindre en paix, et j’ai porté mon attention sur un vieil homme.
Il est avec un homme un peu plus jeune que lui, sûrement son fils. Ils ont le sourire aux lèvres. Christophe est en train d’annoncer à son père qu’il a reçu une augmentation, et que Julie, sa femme attend un enfant. Hervé ne peut réprimer sa joie. Antoine en serait jaloux.


Et puis d’un coup la seule chose que j’ai de nouveau eu les LED dans les yeux. Peu importe dans quel sens je tournais la tête, elles ne sortaient jamais de mon champ de vision. Soudain, les visages de Claire, Antoine, Hervé et Christopher sont apparus devant moi. J’ai entendu des mots, je n’ai pas réussi à les discerner. Ça m’a agacée. Je vous ai dit, je déteste ne pas comprendre. J’ai cru percevoir « hôpital ».

Et les LED se sont éteintes.
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17 h 26. Et merde ça caille quand même. Quelle idée de revenir en plein mois de décembre aussi... Alors je sais, je pourrais attendre à l’intérieur de la gare. Mais dès le premier pas fait dans cette direction, je retourne à ma position intiale. Ca m’énerve. J’ai l’impression d’être ridicule. Je pense très sincèrement que je vais clouer mes pieds à cet endroit-ci. Et puis qu’est ce qu’il fout ce fichu train ? Toujours en retard la SNCF… Et avec la grève, laisse tomber. Il aurait mieux fait de revenir à cheval, ça aurait été plus vite. D’accord, je me calme.
17 h 28. Le temps s’écoule étrangement lentement non ? Ou alors c’est peut-être l’horloge de la gare qui déconne. Il faudrait que je demande à quelqu’un d’autre. Non, je ne vais pas faire ça, je vais avoir l’air d’une idiote. Discrètement, je me penche pour observer la montre de l’homme qui se trouve non loin de moi. Elle affiche la même heure que celle de la SNCF. Mais pourquoi est-ce si long ? J’en ai marre. Le temps ne s’écoule pas de la même manière que dans ma tête, c’est très agaçant. Je suis perdue, je suis assassinée. Bon d’accord, j’y vais un peu fort à citer du Molière.
17 h 30. Dix minutes de retard, je n’y crois pas ! J’hésite à aller me plaindre à l’accueil. Enfin, cela ne servirait vraiment pas à grand-chose, tout compte fait.
17 h 32. La voix insupportable de la dame de la SNCF – d’ailleurs, est ce que c’est une vraie dame ? - retentit et annonce l’entrée en gare du train. Ca y est. Enfin. Je le vois, il s’approche. Sa course se ralentit de plus en plus. Il est à peine en mouvement, avançant toujours de quelques centimètres, quelques milimètres. Il s’immobilise avec une douceur insoupçonnée. La seconde qui précède l’ouverture des portes semble s’éterniser. Les passagers descendent, beaucoup de passagers. J’avais peur de ne pas l’apercevoir, mais tel l’étoile du Berger, il se détache de la masse noire de personnages. Nos regards se croisent, mon corps s’envole. Mes oreilles s’emplissent d’une explosion. Une explosion répétée, régulière, séquentielle. C’est mon coeur qui détonne de l’intérieur. Soudain mes pieds se souviennent qu’ils peuvent marcher, qu’ils peuvent même courir. Je suis jetée dans ses bras. Il me serre contre lui. Ses cheveux bouclés chatouillent mes joues. J’ai chaud. Je suis en sécurité, ses bras sont chaleureux. Je veux rester là. Ma bombe sanguine a explosé, maintenant tout est calme. Laissez moi manier la magie, j’ensorcellerai la seconde pour qu’elle dure un siècle. Impression d’être suspendue dans le vide, dans le temps, tout de dissout autour. Il se détache de moi. Ses yeux clairs m’envoûtent, pourquoi chercher à maîtriser la magie ? Lui sait le faire si naturellement. Quelle injustice. Je lis dans ses prunelles beaucoup d’émotions indissociables les unes des autres. Subtilement, ses doigts s’entremelent parmi les miens. Et bientôt il se penche vers moi, et je sens une pression sur mes lèvres. C’est joli, c’est doux. Tout cette distance, tous ces mois attendus, je n’en pouvais plus. S’il était arrivé quelques secondes plus tard je serais probablement morte étouffée. Qui aurait pu croire qu’un quai puisse être la scène d’un de mes plus beaux moments ? Mon coeur est une coupe trop remplie de joie, de soulagement, et peut-être même de larmes. Je ne peux pas lâcher sa main. Elle serre la mienne avec intensité. Je ne peux me détacher de son visage, ses yeux étincellent. On s’éloigne, et on se retrouve en ce lieu si ambivalent. Je crois que je pourrais même me mettre à aimer les gares.
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Assis au milieu de l’étendue d’herbe, je plongeai dans son regard. Elle envoyait des mots, toujours justes, toujours pertinents. Sa voix s’élevait dans l’atmosphère, aussi haut que la cime des arbres. Elle emplissait l’ambiance de ses comparaisons à n’en plus finir, de ses exemples inattendus. J’aurais pu l’écouter des heures durant. Ses paroles étaient telles une pièce de théâtre. A la fin de sa tirade, je lui souris. Je voyais les choses sous un autre angle à présent. Voyant que j’étais sensible à ce qu’elle disait, elle reprit de plus belle. Ses mots allaient certes plus vites que sa pensée, mais n’avaient jamais quelque chose d’absurde.
J’avais beau la connaître depuis maintenant des années, son éloquence m’impressionnait toujours. Je l’écoutai, encore et encore, je ne m’en lassais jamais.
Elle était belle quand elle parlait, et j’attendais avec impatience qu’elle finisse ses jolies phrases pour lui répondre, renchérir, et ainsi dévorer ses réactions. Les conversations ne se terminaient jamais. Son visage s’accordait avec les émotions que sa phrase contenaient. Elle rit, je répliquai. Elle feignit l’indignation avant de continuer.
A force de parler, elle eut soif. Elle porta sa bouteille à ses lèvres, c’était mon tour de m’exprimer. Elle aima parler, mais elle voulut m’écouter. C’est là que je lui annonçai. Son visage changea. Elle eut une triste expression. Belle, mais triste. Elle commença des phrases qu’elle ne termina pas. Je venais de couper le fil. Elle se tut. Je souris. Elle m’embrassa sur la joue. M’exprimant plus calmement, elle se ressaisit bien vite. A son tour, elle me ravit de son incontournable sourire. Dans son regard, je crus percevoir de la gratitude d'avoir tenu cette belle discussion.
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En relevant la tête après un éclat de rire, elle aperçut l’horloge du bar. Déjà ? Déjà trois heures qu’ils étaient assis là, trois heures que leur rire emplissait l’espace, que leur voix embaumait tout, y compris le reste du monde. Le scintillement dans leur regard ombrageait jusqu’à la lumière brute des néons. Rien de plus banal, de plus ordinaire qu’une sortie au bar, et pourtant...
Ils sortirent enfin se promener et profiter de la fraîcheur de la soirée d’été. Tous les deux légèrement embués par l'alcool, ils décidèrent de descendre pour s’installer sur les quais de Seine. A cette heure-ci, personne. Seulement quelques vagues qui en bousculaient gentiment d’autres, face à eux le musée d’Orsay.
- Quelle soirée…
- Ca tu l’as dit.
- Très heureux de l’avoir passée avec toi. Merci.
Elle ne put réprimer un sourire sincère. Il passa un bras autour de ses épaules.
- Tu sais, fit-elle en se tournant vers lui, c’est la première fois que je passe un moment comme ça depuis…
Depuis deux ans. Deux ans qui avaient pris fin il y a quelques semaines seulement. Et ce fut à ce moment-là précis qu’elle se rendit compte de ce qu’elle était en train de faire.
Il était si… irréel. Ses cheveux l’invitaient sans cesse à y passer la main, à en démêler les boucles. Ses yeux noisette si foncés, si profonds, si envoûtants… Il était d’une bienveillance rare, d’une gentillesse exceptionnelle. Toujours le mot qu’il fallait au bon moment, comme une sorte de don, relevant du surnaturel. Et puis, tout devenait clair avec lui. Rien n’était jamais compliqué.
Comme elle avait interrompu sa phrase, il prit doucement sa main, attendant la suite.
Non, elle ne pouvait pas faire ça. Pas maintenant. Deux ans qu’elle vivait dans le noir, et elle venait enfin de le comprendre. Elle ne pouvait pas tout envoyer balader d’un seul coup comme ça. Mais pouvait-elle réellement laisser passer une personne si belle ?
Deux ans d’insensé, de froid, de solitude, d’anesthésie… Et si c’était lui qui pouvait la sauver ? Si c’était lui, sa douceur et son coeur qui combleraient les doutes ? Ces dernières semaines avaient été les plus difficiles de toute sa vie. Se reconstruire, retrouver un quotidien, un début d’envies, de vie, d’idées, d’épanouissement. Peut-être accompagnée de son soutien, tout serait plus facile, plus simple, moins fatigant. Elle n’aurait plus à supporter les efforts du quotidien seule, quelqu’un serait là pour la féliciter de tous ses progrès. Oui…
Il se pencha vers elle.
Mais non. Plusieurs semaines maintenant qu’elle luttait contre la dépression qui l’avalait depuis deux ans. Et son psychologue avait été très clair, l’important était de se recentrer sur soi, de réapprendre à se connaître, à s’aimer soi. Avant d’aimer. Mais pour l’instant, les deux amours impossibles. Jamais ne lui avait été interdit d’entamer une relation sentimentale, mais lors de de cette phrase de reconstruction, elle savait qu’elle pourrait tout gâcher. Elle n’était tout simplement pas prête.
Avant que ses lèvres n’achèvent de dévorer la distance qui les séparait de celles de la jeune femme, cette dernière le repoussa. Il la considéra quelques instants, passant la main dans ses cheveux, gêné.
- Je suis désolé… s’empressa-t-il de dire, confus. Je ne voulais surtout pas te mettre mal à l’aise…
Des gouttes de sel roulèrent sur ses joues, tandis que les paroles du jeune homme résonnaient dans sa tête.
- C’est moi qui suis désolée. Je ne peux pas…
A ces mots, elle se leva.
- Comment ça ? Attends, tu n’as pas l’air bien, tu ne veux pas en parler ?
Ce qui lui fendit d’autant plus le coeur, c’est qu’il essayait de comprendre.
- C’est dégueulasse. C’est dégueulasse, tu veux savoir pourquoi ? Ca doit faire quoi, trois semaines qu’on se connaît, qu’on se voit tous les jours ? Et à chaque fois c’est… magique. Ca serait tellement plus simple si t’étais un connard.
Elle ne remarquait pas qu’il avait du mal à suivre tout ce qu’elle lâchait.
- Non, t’es quelqu’un de bien. Quelqu’un d’incroyable. Peut-être même la personne la plus incroyable que j’ai jamais rencontrée. Mais…
Elle inspira, libéra davantage de larmes.
- Je peux pas, j’ai tout à refaire. Ca prend tout le temps, toute l’énergie, toutes mes ressources. Mais c’est ce qu’il faut que je fasse, je le sais. Je le ferai, je me battrai pour aller mieux. Le fait est que pour guérir, il me faut des mois, des années. Et toi… Dans quelques mois, quelques années, tu seras plus là. Tu seras avec une fille ou un mec qui sera bien dans sa tête, qui n’aura pas tout le temps des ombres qui passent, qui bouffent tout. Si je pouvais, je te promets sur tout ce que j’ai et que j’aurai, que je ferais en sorte qu’on se rencontre dans deux ans. Si je pouvais inventer une machine qui change les heures et les dates, je le ferais. Mais…
- Si tu me laisses une chance, je pourrais te prouver que je serai à tes côtés, pour tout ce qui t’arrivera. Le bon comme le moins bon.
Il avait parlé d’une voix extrêmement calme, posée, rassurante. La seule envie qui traversa l’esprit de la jeune femme fut de se jeter dans ses bras, de laisser exploser toutes ses larmes et de le laisser la bercer, la consoler, la sauver.
- Ne me dis pas que tu peux aimer pour deux. On serait alors encore plus impossible.
Elle fit un pas en arrière, secouant la tête. Tout était une question de temps. Et partit en courant.
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 Mon tourne-disque est un peu spécial. Il fonctionne d’une étrange façon.  Habituellement, il suffit de placer le vinyle sur le support, déposer le bras dessus, et le son s’échappe doucement de l’appareil. C’est presque feutré, vous voyez ? Une petite bulle confortable.  Mais pas le mien. Le mien, quand il daigne fonctionner, le volume est plutôt fort. Le bouton pour le régler doit être cassé, car j’ai beau le tourner dans tous les sens, ça n’influe pas sur les décibels. Parfois, si le son se réduit, c’est de manière totalement aléatoire, et ça ne dure jamais bien longtemps. Aussi, le bras exerce trop de pression sur le vinyle. La pointe, très fine, finit par rayer, et enrayer les disques. Tout est abîmé. Le son est mauvais, presque strident. La musique perd toutes ses harmonies. La magie s’évapore petit à petit. Je ne parviens même plus à changer de disque.  La boîte en elle-même fait peine à voir. Elle boîte. La couleur est un peu passée, les coins sont bombardés de petits à-coups, et le couvercle n’a guère fière allure. Ҫa m'embête.  J’envie les autres tourne-disques. Tout le monde semble en avoir un en meilleur état, qui libère de la jolie musique. Ils peuvent changer d’air à l
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 L’air est bon, et le soleil réchauffe légèrement le cœur. C’est ce qu’ont dû ressentir toutes les âmes d’aujourd’hui. Au milieu du jardin, assise sur ma chaise, ils sont tous par deux. Les deux près de la fontaine se tiennent la main, ceux près de la statue s’embrassent. Deux viennent de passer devant moi, ils se mangent du regard. Et assis sur les marches des escaliers, elle pose sa tête sur son épaule.  C’est beau. Je ne peux pas m’accrocher à mon roman, ils y sont amoureux aussi. Ça me fait soupirer. Partout où mon regard se pose, ils sourient, ils bavardent, et ils semblent apaisés. Je lève la tête, pas de réconfort non plus dans les nuages. Les petites masses cotonneuses se déplacent tout doucement. Je n’arrive même pas à leur définir une forme. Ma nuque me fait mal, je baisse la tête et regarde devant moi. Sur l’eau de la fontaine danse les petites paillettes du soleil. On aperçoit même les pièces qui y ont plongée. Souvent, il y a les canards aussi. Ils finissent par montrer le bout de leurs becs. Ils sont deux, et ils se positionnent bien sagement pour flotter sur l’eau. Ils restent côte à côte. Leurs yeux sont fermés et j’imagine qu’ils font comme nous, ils prennent le so
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