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Jean-Paul Issemick

Jean-Paul Issemick
Chronique existentielle sur un fond autobiographique pendant les trente glorieuses.
Les faits relatés sont véridiques, autant que la mémoire puisse leur rester fidèle. Ils se sont déroulés en France, dans les années 1960 et 1970. Par respect pour les survivants et pour la mémoire des défunts, les noms des personnes et des lieux ont été modifiés.
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Jean-Paul Issemick
Des brèves de conteur pour panser des blessures d'amour (pas) propre.
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Jean-Paul Issemick
Nouvelle série des pensées interlopes.
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Jean-Paul Issemick

Le courant de pensée triphasique

Dans le cadre de ma pratique professionnelle et de ma vie privée, je suis constamment interpellé sur la complexité de l'intelligence humaine. Aussi, ai-je souhaité présenter ici une lecture individuelle et collective de notre système de pensée et de raisonnement, qui est en quelque sorte une première synthèse de ce questionnement.

Préalables
Cette réflexion est en étroite relation avec le postulat selon lequel le sujet humain est de fait un sujet pensant, « je pense donc je suis ». Pour ce qui est de penser il n'y a aucun doute, nous pensons. Nous exprimons nos pensées à travers nos discours et les savants en analysent avec brio les contenus en les inscrivant dans des registres philosophiques, idéologiques, psychanalytiques, sociologiques... Cependant le point obscur à mes yeux concerne la reconnaissance du cadre à l'intérieur duquel nous pensons, les bases originelles sur lesquelles s'appuient notre langage, notre idéation, et tout ce qui nous conduit à exprimer telle ou telle dimension affective. Nous pouvons grâce à nos capacités à penser améliorer bien des facteurs de notre existence personnelle. Nous pouvons aussi être « empêchés de penser » (cf Serge Boimare). Mais nous ignorons, quand nous exprimons oralement une pensée, dans quel registre catégoriel elle prend sa source. C'est ce que je vais tenter de formaliser dans les paragraphes suivants.

Les fondements de ma réflexion
Comme la plupart de mes congénères j'ai reçu une éducation fortement marquée par les leçons et influences du dogme catholique. Cependant très tôt mon esprit critique et mon ouverture vers les espaces de contestation, voire de transgression, m'ont conduit à me questionner quant aux rapports théorie-pratique, vérité-mensonge, tolérance-intransigeance, passion-raison… et à installer par devers moi et autrui ce fameux « doute cartésien ». Et en cela l’enseignement laïc et public m'a grandement aidé. Mais ce n’est qu’à l’Université, et plus particulièrement lors de mon parcours en psychiatrie, que j'ai pris conscience qu’il pouvait exister un autre mode de pensée que le mode binaire qui nous enferme dans cette spirale entre la vie et la mort. Amené à réfléchir en « triangularité » par Sigmund Freud, grâce à sa théorie du développement de la sexualité fondée sur trois organes cibles associés aux trois stades originels de ce développement (oral, anal et phallique), sa triangulation œdipienne, sa structuration de l’appareil psychique en ça, moi et surmoi, sa topique inconscient, pré-conscient, conscient. Grâce à Jacques Lacan avec sa triade réel, symbolique et imaginaire, son équation 1+1= 3, à Donald W. Winnicott avec son espace transitionnel, son aire intermédiaire d’expérience. Puis par la suite grâce à certains auteurs littéraires, à certains moralistes, à certains philosophes comme Baruch Spinoza qui introduit dans son éthique l'espace-tiers de la compréhension entre le bien et le mal, qui définit trois « genres de connaissance ». Il m'est alors apparu que toute dualité ne devait pas rester engluée dans un mode de raisonnement binaire, mais être soumise à une recherche de médiation, de triangulation, en un mot à la pensée ternaire, sans quoi nous ne saurions atteindre un niveau d’intelligence supérieur. Et si nous considérons par exemple les dualités amour-haine, bien-mal, sadisme-masochisme, ce niveau supérieur nous conduit tout droit vers plus d’objectivité, de tolérance et d’humanité, et donc vers plus de plaisir, de bien-être et de sérénité.
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Jean-Paul Issemick

Introduction

Le sujet que l'on m'a proposé de traiter ici est d'une grande complexité. Il fait appel à des notions tellement subjectives et sujettes à caution que j'ai tout d'abord été tenté de l'aborder de manière purement scolaire, un peu comme une épreuve de philosophie au baccalauréat, en allant chercher à droite et à gauche les idées et les analyses de mes maîtres à penser et en vous les présentant le plus clairement possible. Mais ceux qui me connaissent savent combien il est essentiel pour moi de ne pas enfermer mon esprit et restreindre mes modes de réflexion dans des schémas construits par nos élites intellectuelles. Le paradoxe c'est que je viens ici vous parler du bien-être à l'école alors que je ne suis ni scolaire ni didactique. La seule raison qui m'a conduit à relever ce défi est ma longue expérience de partenariat professionnel avec le milieu scolaire. Expérience qui ne s'accompagne pas de solutions magiques, d'analyses originales, de leçons à donner, mais que j'aurai du plaisir à partager avec vous tous ici présents.

I- Tenter de définir le bien-être.
Dans un premier mouvement le sujet de ce colloque aurait pu s'intituler « le mal-être à l'école » en raison des plaintes nombreuses qui s'expriment dans notre société contre l'école, mais comme cette notion de mal-être ne se définit qu'en opposition à celle du bien-être il me semble que le choix définitif est plus approprié. Selon le dictionnaire Larousse il existe deux définitions du « bien-être » : État agréable résultant de la satisfaction des besoins du corps et du calme de l'esprit : Éprouver une sensation de bien-être. Aisance matérielle permettant une existence agréable.
Sur le plan individuel, il est clair que ces deux définitions sont nettement différentes quant à leur signification. La première indique un sentiment, ce qui est forcément une notion subjective et abstraite. La seconde est directement liée aux conditions matérielles qui « permettent une existence agréable ». Il y a quelque chose de contradictoire entre les deux, d'un côté on peut éprouver un sentiment de bien-être en satisfaisant nos besoins corporels et en ayant l'esprit calme indépendamment de notre compte en banque, et de l'autre côté il n'y aurait pas de bien-être possible sans aisance matérielle. Cependant on pourrait dépasser la contradiction en différenciant le bonheur et le bien-être, en considérant que l'argent ne fait pas le bonheur mais permet le bien-être. Et c'est là où les choses se compliquent car si l'on tend à confondre bonheur et bien-être il n'en reste pas moins que l'on peut être malheureux dans le bien-être et heureux dans le mal-être. Ainsi, un élève ou un enseignant peut vivre des moments de bonheur à l'école tout en ayant un sentiment profond et persistant de mal-être à l'école, et réciproquement.
Sur le plan collectif le fait d'appartenir à une communauté humaine, un groupe social, un cercle d'amis, provoque inévitablement un partage de sentiments communs. Et parmi ces sentiments celui d'éprouver une sensation de bien-être ou de mal-être. Se conformer aux règles morales du groupe revient à exprimer les sentiments en quelque sorte imposés par le groupe. Ce que j'ai connu il y a bien longtemps lorsque j'étais élève ne me semble pas avoir tellement évolué de nos jours, à l'époque si l'on levait le doigt en cours pour répondre aux questions des professeurs, lorsqu'on se sentait bien dans son établissement scolaire, on se faisait systématiquement traiter de fayot ou de lèche-bottes, et même par ses meilleurs copains. En général, les filles étaient des fayottes et les garçons des rebelles, les bons élèves des lèche-bottes et les cancres des rebelles. Toutefois cela n'était pas aussi tranché au quotidien et les exceptions à cette règle pouvaient se révéler plus ou moins nombreuses selon les années et les variations du climat scolaire. Et les groupes d'influence se modifiaient et se reconstituaient au fil du temps, les élèves qui exprimaient ouvertement leur bien-être ou leur mal-être à l'école se voyaient totalement isolés, ou à la rigueur formaient des duos, au sein de leur établissement.
Sur le plan institutionnel la différence entre le milieu familial et le milieu scolaire est quasi systématiquement nettement marquée pour tous les enfants et adolescents, y compris pour les enfants d'enseignants. Dès la maternelle le sujet humain est obligé de trianguler la confrontation, parfois lourdement chargée de rivalités, de jugements contradictoires voire conflictuels, entre ces deux milieux d'appartenance. L'estime, la tolérance, le respect et compréhension mutuels, dans la famille et à l'école sont des éléments fondamentaux pour permettre à l'enfant d'être bien et dans sa famille et à l'école. Malheureusement nous constatons tout au long de notre pratique auprès d'enfants en situation de handicap, et également au contact d'enfants dits normaux, qu'il existe le plus souvent un décalage net entre les deux institutions. Des enfants se sentent bien à la maison et mal à l'école, ou bien à l'école et mal à la maison. L'harmonie est rarement atteinte, et lorsque c'est le cas c'est le mal-être à l'école et à la maison qui pose le plus de problèmes. Dans mon partenariat professionnel je suis donc amené à tenir compte de cet aspect institutionnel pour construire un projet thérapeutique en faveur de l'enfant.
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Une nouvelle réservée aux adultes, écrite au temps de ma jeunesse.
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Parents responsables, parents coupables ?

Réfléchir sur la relation parents-enfant est une véritable gageure, un challenge perdu d'avance, un parcours dans le « labyrinthe des esprits »1 dont personne n'a trouvé la sortie. Qu'on l'aborde du côté du père, de la mère ou de l'enfant, on n'obtient qu'une infime partie de la vérité et beaucoup de convictions nues, d'illusions flagrantes, de fausses certitudes rationnelles.

Les parents sont intronisés responsables de l'éducation de leurs enfants. Mais le sont-ils réellement dans les faits ? Heureux l'enfant élevé par des parents qui s'aiment et se respectent, qui l'aiment et le respectent ? Pas si sûr car il suffit que son parcours soit parsemé de quelques inflexions vers le désamour et l'irrespect, que des éléments perturbateurs surviennent de l'extérieur, pour que son bonheur bascule vers l'angoisse et la névrose, sans que ses parents ni lui-même puissent en prendre vraiment conscience. Sigmund Freud aurait répondu à une mère qui l'interrogeait sur la bonne manière d'élever son enfant : « Quoi que vous fassiez ce sera mal. » Et je pense qu'il n'avait pas tort.

L'éducation consiste à transformer un être de nature en être de culture. Soit, mais ils existe tellement de cultures familiales différentes, complexes et chargées en paradoxes, qu'il est impossible de les définir et analyser scientifiquement. En dépit de la multitude de chercheurs brillants et perspicaces qui s'y consacrent avec une énergie inébranlable. Aucun peuple n'a encore été capable de faire la synthèse objective des trois éléments fondamentaux entrant dans La construction du Moi, le biologique, le psychologique et le social. D'en tirer les moyens d'offrir à ses compatriotes la sérénité, la paix durable et la sécurité de l'existence.

Tout d'abord il est utile de faire un rappel historique de l'évolution du statut de l'enfant, afin de démontrer que les méthodes éducatives, qui se sont succédées au cours des 5 derniers siècles, se retrouvent de nos jours encore opérationnelles. Elles se côtoient, s'imbriquent entre elles ou s'opposent farouchement, varient de l'une à l'autre sans transition lors d'un même processus éducatif. Ce qui provoque la confusion et le désarroi chez les parents et la souffrance chez l'enfant, avec des conséquences plus ou moins fâcheuses tout au long de son existence, et même au-delà, sur sa descendance. Jadis on considérait l'enfant comme un petit animal, un petit sauvageon, qu'il fallait dresser plutôt qu'éduquer. « Même lavé du péché originel, l'enfant reste une ébauche, un être imparfait et inquiétant, capable de toutes les malices. »2 De la naissance à 2 ans, voire plus, le nourrisson était confié à sa mère ou à sa nourrice en fonction du milieu social. Ensuite il restait sous la protection de sa mère jusqu'à 7 ans, « l'âge de raison », à partir duquel son éducation, son instruction, étaient assurées par les prêtres ou les précepteurs. Dès l'âge de 12 ans, l'enfant se voyait plongé dans le monde des adultes, social et professionnel. On lui confiait des tâches adaptées à ses capacités physiques. Responsabilisé et adultisé très tôt avec ce paradoxe qu'il n'atteignait sa majorité civile qu'à 25 ans jusqu'à la révolution française, puis à 21 ans pour être fixée à 18 depuis le 5 juillet 1974. Du fait de cette adultisation précoce, les phénomènes propres à l'adolescence que nous connaissons actuellement n'existaient pas, il a fallu attendre le XIXème siècle pour les voir apparaître. D'autre part on peut reconsidérer les méfaits de cette conception jugée totalement néfaste en lisant sous la plume de ce pédagogue célèbre au début du XXème siècle, Janusz KORCZAK3, que l'enfant est comparable à l'adulte, qu'il manque seulement d'expérience et de connaissances, « sa seule différence, finalement, c'est que, ne gagnant pas encore sa vie, il doit nous céder en tout du fait qu'il est à notre charge ». En attribuant à l'enfance un statut particulier, en opposition au monde adulte, n'a-t-on pas en quelque sorte dénaturé et disqualifié le sujet humain au cours de son développement ? D'ailleurs, notre code pénal rend l'enfant responsable et punissable, au même titre que l'adulte, pour des actes délictueux et criminels dès l'âge de 13 ans C'est même 7 ans en Suisse et 10 ans en Angleterre.. Quant aux parents, leur position, leur crédit, leur considération, leur sensibilité ont également évolué au cours de notre Histoire. Autrefois, comme chacun le sait, la mortalité infantile était très importante. François LEBRUN s'est demandé « Comment a-t-on pu si longtemps, dans toutes les classes de la société, y compris dans l'élite cultivée, accepter sans réagir l'effroyable hécatombe que représente la disparition, dès la première année, du quart des nouveau-nés?... Autant la vie éternelle des enfants est l'objet d'un souci que traduit l'empressement généralisé au baptême, autant leur survie temporelle semble laisser largement indifférent... la disparition de beaucoup d'entre eux est ressentie comme une nécessité quasi biologique et la plupart des parents opposent à ces coups répétés du sort une résignation fataliste. » En ce qui concerne la fonction parentale cet auteur précise : « Au total, le rôle joué par la famille dans le processus de socialisation de l'enfant reste assez mince. Ce rôle est assumé bien davantage par un milieu beau­coup plus large comportant la parentèle plus ou moins proche, les amis et les voisins, les camarades de même âge au catéchisme ou à l'école et lors des jeux en commun. Pourtant, l'autorité des parents, et plus spécialement celle du père, ne fait que se renforcer entre le XVIème et le XIXème siècle. »

Par la suite les choses vont évoluer, le dressage va progressivement céder la place à l'éducation sous l'influence de certains édu­cateurs, tels les jésuites ou Jean-Baptiste de La Salle, qui voient dans l'éducation la tâche la plus noble qui soit et proposent des méthodes pédagogiques prenant en compte la spécificité de l'enfance à ses dif­férents stades... « Aux châtiments corporels est préférée toute une gamme de punitions sous forme de pensum gradué non seulement selon la gravité de la faute, mais aussi selon l'âge et le caractère du délinquant... L'Emile de Jean-Jacques Rousseau, paru en 1762, n'est que l'un des très nombreux ouvrages qui sont publiés sur le sujet et dont on ne peut douter qu'ils répondent à l'attente d'un très large public... un regard neuf porté sur l'enfant, que l'on considère à la fois comme un bien précieux qu'il faut s'efforcer de conserver dès la naissance et comme un être ayant ses droits et ses besoins propres. L'éducation tendant au libre développement physique et psychologique de l'enfant l'emporte sur le souci de rendre celui-ci le moins gênant possible en bridant ses initiatives... S'ouvre l'ère de l'enfant désiré, choyé, dont le décès lors des premiers jours ou des premiers mois est ressenti comme un drame et un scandale, bref l'ère de l'enfant-roi... L'éducation, soit au sein de la famille, soit dans le cadre de 'institution scolaire en plein développement, se fait volontiers répressive au nom du “Qui aime bien châtie bien”. L'enfant, souvent unique, n'est-il pas, désormais et quoi qu'il en ait, porteur de toutes les espérances de ses géniteurs?... Autant, sinon plus, que l'épanouissement de l'enfant, c'est l'épanouissement des deux parents qui compte. »2 Au XXème siècle la famille devient une cellule mononucléaire, avec une tendance à se replier sur elle-même, à conserver sur des périodes de plus en plus longues ses enfants mûrs de plus en plus tôt. Le mot « cellule » peut s'entendre au sens d'enfermement, de cellule de prison. Des auteurs comme André. Gide : « famille je vous hais ! », David Cooper : « Mort de la famille », J.Korczak3 n'hésitent pas à parler de « prison familiale ». «Quant aux jeunes, beaucoup d'entre eux commencent, dans les années 60, à enfoncer violemment les portes des foyers clos. Devenus eux-mêmes adultes et parents, ils contribuent à donner un visage nouveau à la famille. »2
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  Ma brave dame, quand on voit c'qu'on voit et quand on entend c'qu'on entend, on a bien raison de penser c'qu'on pense.
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  Il y a fort longtemps, j'étais encore un jeune homme et j'allais quelques fois par an rendre visite à mes parents, avec femme et enfants. Ils vivaient dans un petit village situé au bord du charolais sous-développé. De condition modeste avec un salaire de mineur de fond et cinq enfants à nourrir, leur mode de vie s'était amélioré au cours de la retraite de mon paternel. Ils ne restaient plus que tous les deux et leurs chamailleries devinrent moins fréquentes vu que « c'était toujours à cause des gosses » qu'elles avaient lieu.
Bref ce soir-là, au cours d'un dîner en famille, ma mère déclara tout de go, en s'adressant à moi et en interrompant mes provocations habituelles : « Mais j'me demande où don qu't'as été élevé, toi ! » Et ma compagne de lui répondre, au milieu du fou-rire général : « Il me semble bien que c'est ici, et par vous, mémé ! » . Redoublement des rires.
Ma chère et tendre mère, toi qui sièges tout là-haut dans les cieux, entourée de tes trois inséparables copines, la Juliette, la Solange et la Raymonde, quand on y repense on se dit que ta question n'était pas si incongrue que ça, car je me suis rééduqué tout seul dès mon entrée dans l'âge adulte, et en définitive je dois reconnaître que je n'ai pas réussi beaucoup mieux que toi.
Je t'aime !



JP, avril 2019
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Jean-Paul Issemick

Refrain
Il était une fois
Un malicieux poète
Un vieil ami à moi
Qui n’aimait pas les fêtes
 I
Il n’aimait pas Noël
On n'est plus dans l'étable
On récure les gamelles
On roule sous la table
II
Il n’aimait pas non plus
Fêter Saint Valentin
Qui lui avait valu
Beaucoup trop de chagrins
III
Aux Pâques il n’allait pas
Sur les chemins de croix
La mort ayant déjà
Suffisamment de proies
IV
Quant à la Pentecôte
Cannibale et vampire
Lui c’est une entrecôte
Qu’il aimait engloutir
V
Le jour de l’Ascension
Jusqu’au septième ciel
L’envoyaient des passions
Bien trop artificielles
VI
L’assomption de Marie
Abusée par un père
Refusée au mari
Lui volait ses repères
VII
Le premier de novembre
Loin de tout cimetière
Il restait dans sa chambre
Pour la journée entière
VIII
Et riait de la farce
Que les morts font aux saints
Se fêtant à leur place
Au lieu du lendemain
IX
Les fêtes pour les guerres
Ou les révolutions
Ne le transportaient guère
Au plan des émotions
X
Il abhorrait surtout
L’imbécile engouement
Que l’on avait partout
Pour le premier de l’An
XI
Pour lui la mascarade
Autour des joies festives
Était comme chaux vive
Sur les plaies d’un malade.

JP, février 2003
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Jean-Paul Issemick


  De nos jours les mots ne parlent plus. Ils crient et hurlent à la mort comme des loups affamés au fond des forêts qui ne parviennent pas à trouver de la nourriture. Les mots sont une espèce en voie de disparition, on les élimine ou on les parque dans des réserves. Ils ne folâtrent plus joyeusement dans les champs de la linguistique. Si l'on n'y prend garde, ils ne seront bientôt plus que quelques centaines à errer comme des âmes en peine sur le chemins de la méconnaissance.
Régulièrement j'entends ça-et-là des gens qui me disent : « çà, on ne peut plus le dire aujourd'hui ». En effet on ne doit plus dire « elle m'emmerde vous dis-je », « le monde se barre en couilles », « une grosse vache », « un con de belge », « les bretons sont alcooliques », « les auvergnats sont radins », « mort aux vaches vive l'anarchie !», « ferme ta gueule ! » et bien d'autres expressions encore qui ne doivent plus porter à rire parce qu'elles portent la marque du mépris pour autrui. Louis-Ferdinand Céline disait : « on ne se méfie jamais assez des mots ». Certes, mais de là à les trier, les orienter affectivement, les censurer, sous l'influence de l'idéologie du bien-penser et du bien-parler, il y a un pas qu'à mon sens on n'aurait pas dû franchir. Dans le fouillis des médias, il y a des humoristes et des intellectuels qui les emploient afin de démontrer combien il est ridicule, voire nocif, de les diaboliser et de les interdire.
J'aime les mots. J'aime jouer du contrepet, valser sur la syntaxe, flirter avec la sémantique, respecter les accords, moduler les inflexions, investir leurs sens, me laisser surprendre par leur charge émotionnelle, m'empêtrer dans leurs symboles, les écouter chanter leurs intonations, en découvrir de nouveaux, manger, travailler, me distraire, en leur compagnie et même les piller, voire les torpiller, quand je roupille. J'aime les mots, les petits, les moyens, et même les gros. Ah les gros mots! Plus question de les prononcer devant les enfants, de les prononcer tout court. Pourtant leur grossièreté sert peut-être à évacuer le pus de nos abcès du cerveau, d’exutoire à nos mauvais penchants, de barrière à certains passages à l'acte. J'ai rencontré dans ma pratique des parents éplorés parce que leur enfant ne parlait pas à un âge avancé et qui, pour un peu, l'auraient fait taire en l'entendant entrer dans le langage oral à partir des gros mots. J'ai également suivi une groupe d'enfants en difficulté scolaire, animé par une institutrice et une éducatrice spécialisées, dont l'objectif était de travailler sur les gros mots. Au terme de ce travail les enfants ne disaient plus de gros mots. J'ai toujours autorisé au cours de mes entretiens mes interlocuteurs enfants et adultes à employer tous les gros mots qu'ils voulaient. Mes propres enfants ont eu cette même autorisation, largement mise à profit dans l'intimité familiale sous le regard réprobateur de leur mère, et un jour un de leurs enseignants m'a déclaré texto : « On voit bien que vos enfants sont très bien élevées car elles ne disent jamais de gros mots ».
J'aime tellement les mots que ceux qui me caractérisent au sein de mon entourage sont «incorrigible bavard ». Ils se retrouvaient systématiquement dans la rubrique « observations des professeurs » sur tous mes bulletins scolaires du collège et du lycée. Par contre à la faculté le bavardage n'était pas réprimé dans les amphis et je m'en suis donné à coeur joie, sauf que plus personne ne voulait s'installer à côté de moi en cours. Par la suite ces deux mots sont demeurés valides au cours de mes activités professionnelles au point qu'un jeune homme me fit cette remarque lors d'un entretien : «C'est bizarre, ici c'est le psy qui parle et pas le malade. » Après les réunions avec les collègues et les partenaires, bien que cela ne soit pas toujours exact, on venait me dire : « Il n'y a que vous qui avez parlé ». Voilà qui n'est pas peu dire... si l'on peut dire.
En fait les mots sont tellement perfides que l'on peut parler beaucoup et dire peu. Toutefois on ne m'a jamais reproché de parler pour ne rien dire. Et je commerce avec des personnes qui m'envoient plein de mots derrière leurs silences. Je m'emploie à lire les mots qui s'affichent sur leur corps, derrière leurs mimiques, sourires, grimaces, bâillements et mouvements divers. Je suis sensé ne pas savoir écouter mais en réalité j'écoute les mots des voix et je lis les mots des corps.
Il faudrait prendre des mesures pour favoriser le bavardage, au lieu de nous seriner que le silence est d'or. Notre langage est au service de notre pensée, notre pensée est au service de notre intelligence et notre intelligence est au service de notre idéologie. Or nos actes ne sont pas toujours en harmonie avec notre langage. C'est là que le bât blesse. Pour moi c'est l'acte qui compte, si je tombe en glissant sur une peau de banane, que je ne dise rien, que je lâche « merde ! ou zut ! » que je me casse la gueule ou la figure, ne change en rien l'intensité de ma douleur ni l'importance de mes lésions. Il est légitime que les lois limitent notre liberté d'action, répriment et sanctionnent les actes qui menacent l'intégrité physique de nos concitoyens, comme par exemple jeter une peau de banane sur le trottoir. La justice, en outre, tient compte de l'intention qui a accompagné l'acte. Mais je regrette que la liberté de parole et de pensée soient traitées de la même façon que les actes, qu'en ce domaine les interdits et les sanctions se multiplient, que les coupables du « délit de parole » soient punis pour incitation à des passages à l'acte qu'ils n'ont pas commis. La liberté d'expression devrait être totale. Assimiler la parole à l'acte est un non sens, le langage est sacré pour l'homme... pardon, pour le sujet humain qui ne comprend pas que la Loi puisse le censurer. Et le pire c'est qu'elle n'obtient pas les résultats attendus puisque les actes et les propos racistes ne font qu'augmenter en ce moment même, contrairement par exemple aux limitations de vitesse sur nos routes. J'en conclus que l'interdit de paroles incite plus fortement à la transgression que l'interdit d'actes, et provoque en plus une déperdition de la langue. Les discussions de café du commerce, de champ de foire, de hall de gare... ont perdu de leur vitalité et de leur intensité. La règle de notre époque est désormais : « Motus car les mots tuent ! ». Nous parlons plus volontiers avec notre téléphone portable qu'avec ceux qui nous entourent, ce qui nous permet de lui dire « merde » sans tomber sous le coup de la Loi. Les chansonniers ont disparu, les paroliers sont cantonnés dans les dialogues de chansons et de cinéma, les conteurs sont consacrés aux enfants des écoles, des paroisses et des hôpitaux. Puisqu'on souhaite lutter contre la pollution de la terre, de la mer et du ciel, pourquoi ne pas en profiter pour lutter contre la pollution des mots ?
Parce qu'ils sont pollués les mots, et pas qu'un peu. Ils sont chargés d'affects négatifs qu'on désigne pompeusement par les termes « au sens péjoratif ». Et les charges qu'ils portent sont des armes de destruction massive qui déclenchent les passions, les reproches, les malentendus, les haines et les guerres, entre ceux qui disent mal en ne pensant pas mal dire et ceux qui leur rétorquent qu'ils seront punis pour avoir dit çà. Les mots enflamment les polémiques jusqu'aux échanges de coups de poings, voire au meurtre. Ils sont lourdement associés à des contenus symboliques positifs et là ma foi c'est tant mieux, ou à des contenus négatifs et là ça craint. Ce sont ces derniers que l'on interdit, bien que parfois les compliments fassent plus de mal que les reproches. Il faut dire également un mot sur le ton qui joue un rôle non négligeable dans les dialogues de vive voix. S'il est en général en syntonie avec la charge émotionnelle, il peut aussi s'en écarter. Il m'est arrivé d'entendre des enseignants dire des atrocités à des parents sur un ton plus que doucereux, avec des mots que n'eût pas reniés Marcel Proust. De toute façon ce n'est pas avec la répression que l'on purifie le langage mais avec la pédagogie curative. L'humanisme se développe dans le champ de la culture, non dans celui de la nature. Il importe pour notre maturation de retirer aux mots leurs charges émotionnelles, leur sens péjoratif, leur pouvoir de nuisance. Nous sommes plus affectés par un enfant qui nous insulte, sans connaître le sens des mots qu'il utilise, que par un adulte alors que logiquement ce devrait être le contraire. D'où qu'elles viennent, si nous ne réagissons pas sur le mode affectif aux injures, aux grossièretés, si elles glissent sur nous comme l'eau sur les ailes du canard, elles finissent toujours par cogner dans le vide et par disparaître. Je me souviens d'une jeune garçon qui, au début des entretiens duels, aspergeait abondamment son récit de mots orduriers, et qui n'en sortait plus aucun au bout de quelques mois. Mais laisser courir ne va pas de soi, surtout quand on entend un président de la République déclarer en 2008: « Casse-toi pauvre con ! ». Il faut du temps et une éducation solidement chevillée à des valeurs morales fondées sur l'amour du prochain, la tolérance et la foi en l'être humain, pour y parvenir. La plupart des bouddhistes réussissent bien à le faire, pourquoi pas nous ?
Quoi qu'il en soit, aujourd'hui le stock verbal du peuple français s'appauvrit de plus en plus, la culture populaire se voit mise entre parenthèses, pour ne pas dire aux oubliettes. En tant que psy qui connais la valeur des mots comme outil thérapeutique, je m'inquiète, et je ne suis pas le seul, des dangers que l'appauvrissement de notre langue représente pour la santé physique et mentale des individus... pardon, de nos compatriotes. Le pouvoir des mots se trouve aujourd'hui entre les mains d'une minorité de nantis dominants. Mais que ces derniers prennent garde car rien ne dit qu'ils pourront le conserver longtemps, que les mots qu'ils polluent pour faire avaler leurs mensonges au peuple, ne se retourneront pas un jour contre eux-mêmes.
Fort heureusement l'Homme est doué d'intelligence et de créativité. Avec lui tout n'est jamais perdu. Il ne peut pas ne pas communiquer, comme l'a dit Jacques Lacan. On dirait qu'il commence à se lasser de dialoguer avec des robots. Je vois de plus en plus de personnes qui parlent avec les caissières au supermarché, d'inconnus qui me saluent, qui me sourient en ville, des artisans, des commerçants, qui engagent la conversation. Les policiers acceptent le terme de flics. Les noirs dépéjoratisent celui de nègre. Fort heureusement les écrivains, protecteurs, conservateurs et éleveurs de mots, foisonnent et le nombre de leurs lecteurs croît de jour en jour. Des artistes tels que Blanche Gardin, François Morel, Jacques Gamblin et bien d'autres, sont de véritables purificateurs de mots et leur audience est importante. Des municipalités, des associations, des particuliers, entreprennent de nettoyer les déchets de nos villes et de nos campagnes, on peut espérer qu'ils vont se mettre ensuite à nettoyer nos mots, qu'ils en inventeront de nouveaux pour enrichir notre langue et la faire vivre, plutôt que survivre.
La liberté d'expression n'est pas un voeu pieux, c'est une nécessité. Interdire l'emploi d'un mot c'est manquer une occasion de communiquer. Mieux vaut choisir l'inter-diction que l'interdiction.

     Jean-Paul, le 27.02.2019
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Jean-Paul Issemick

Aimance


   Cet écrit, comme tout écrit, a bien sûr des intentions cathartiques… Il vise à soulager des tensions et questionnement internes, à comprendre des sensations d’angoisse avec leur transcription dans le corps qui nous semblent parfois tellement irrationnelles et que nous ne parvenons pas à maîtriser du simple fait de notre volonté ou de notre raisonnement. Il se propose d’approfondir, par un travail de l’esprit, un cheminement, une réflexion, une ligne de conduite et de pensée… Je précise qu’il n’a pas d’autre prétention ou vanité particulière, d’autant qu’il porte sur un sujet traité des milliards de fois et sous tous ses angles : la capacité d’aimer…
Il est parfois des relations inter-humaines dont les noms usuels ne peuvent exprimer la teneur avec justesse et précision. Ainsi, malgré les nombreuses formes attachées aux mots Amour ou Amitié et tous les adjectifs employés pour les requalifier, il existe des cas où les sentiments entre deux êtres humains mériteraient que l’on invente un nouveau mot pour les définir, c’est pourquoi j’ai choisi pour ma part ce terme d’aimance…
Tout d’abord, afin de guider le lecteur dans ma réflexion, il faut situer d’où je parle. Depuis très longtemps je suis intrigué par les personnes qui n’ont dans leur tête et dans leur vie que des amours exclusives pour une seule personne à la fois… et qui changent le cas échéant autant de fois de personne aimée que le dictent leurs variations amoureuses au cours de leur existence… En découvrant les aléas de la construction imaginaire concernant nos cibles affectives, les difficultés de gestion de l’ambivalence amour–haine, la force de nos pressions libidinales, de nos désirs sexuels… je ne pensais pas que les êtres humains, dans leur grande majorité, puissent demeurer fidèles à un amour unique… à en juger par la fréquence des divorces, des ruptures et des relations adultérines cultivées sous le sceau du secret. Les voix qui se sont élevées pour dire que le plus important dans la fidélité « ce n’est pas celle du corps mais celle du cœur » n’ont jusqu’à présent guère été entendues il me semble… La sexualité reste une forteresse hyper sacralisée, érigée sur le « don de soi par amour pour l’être aimé ». Toutes les religions entretiennent cette valeur morale avec une énergie qui, à la longue, pourrait nous sembler sujette à caution. Si ce concept n’était en réalité pas aussi pur et assainissant qu’on veut bien nous le faire croire ? Si on réprimait une fonction, d’abord et avant tout biologiquement et psychologiquement humaine, pour mieux asservir les sujets qu’on prétend vouloir libérer ? Si au plan socio-économique on avait tout intérêt à frustrer des gens qui iront consommer dans le matériel ce qu'on leur refuse dans le spirituel ? Si entre la sexualité moralisée par la fidélité et l'immoralité de la débauche, il y avait une troisième voie pour vivre nos relations sexuelles autrement ? Si nous cherchions simplement à imaginer quelle pourrait être cette autre possibilité ? Qui n’abandonnerait pas la spiritualité ? Qui ne porterait pas atteinte à la dignité humaine ? Je n’invente bien évidemment pas ces questions mais j’éprouve le besoin de formaliser librement mon travail de l'esprit logique, et d’y associer mes propres observations.

Alors… « si j’aime telle personne, comment se fait-il que j’ai ce désir quasi irrépressible pour telle autre ? » Le religieux y verra l’œuvre destructrice du malin via la tentation, sorte d’épreuve inévitable que nous avons à surmonter pour atteindre la sainteté. Le sceptique y verra la remise en question de l’amour qui s’était installé auparavant, il considérera qu’il s’est trompé. Puisque cette nouvelle personne provoque un tel choc émotionnel, c’est qu'elle est forcément l’être aimé, le vrai ! Il n’y a plus qu’à attendre, ou à provoquer, la rencontre amoureuse pour ensuite divorcer si elle a tenu toutes ses promesses, tout particulièrement au niveau de l'extase sexuelle. Le béat en amour se sera placé à l’abri même de l’épreuve de la tentation, grâce au refoulement ou à la sublimation de ses désirs adultérins, il aura déjà trouvé l’être unique sachant le combler sur le plan intellectuel, affectif et physique ; Il n’éprouvera aucunement le « besoin d’aller voir ailleurs.» Le libertin se fera au contraire un devoir d’éprouver maints désirs pour d’autres personnes que celle avec laquelle il partage son existence. Il entraînera cette dernière dans sa quête perpétuellement inassouvie du plaisir car il aura substitué une fois pour toutes la notion de bonheur, à laquelle il ne croit pas, à celle de plaisir.

Moi qui ne suis ni religieux, ni sceptique, ni béat en amour, ni libertin, je m’interroge méthodiquement sur ces différents types de caractère qui sont tous plus ou moins ancrés en moi, que j'ai parfois même utilisés et j’aurais fort bien pu me fixer sur l’un d’entre eux. Actuellement pas un seul ne m’aide à comprendre l'union sacrée entre sexe et sentiment dans ma capacité d’aimer.
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