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Louklouk

Bonjour !

J'ai écrit plus de 65.000 vers français réguliers (les derniers publiés ici-même), publié 3 livres d'iceux, écrit 6 romans, deux romans à quatre mains (dont un est publié), et plus de 1000 nouvelles gay, érotiques, sentimentales et humoristiques...

Et je suis un rescapé de Docti. Mon millésime est : 1954.

Merci de me donner vos avis !

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œuvres
25
défis réussis
221
"J'aime" reçus

Œuvres

Louklouk


Vincent arrivait au lycée Amélie Mauresmo, en terminale, ce qui le troublait assez : l’année du bac ! Son père avait dû le faire déménager, pour cause de boulot.
Première classe : le français. Il s’en était superbement sorti l’année précédente (17/20, quand même !), et il comptait là-dessus pour se rattraper, au cas où…
Mais il n’est point facile d’entrer en un nouveau bahut où l’on ne connaît personne. La salle était pleine : il alla donc s’asseoir au fond. On l’avait regardé, évidemment, qui l’avait gêné au plus haut point, mais… une fois au fond, on ne le regarderait plus.
Sauf que… parut alors un genre de gravure de mode, qui fut salué par une sorte de bronca. Le mec fit taire les cris d’un geste et vint directement se poser près de Vincent, refusant les invites d’au moins trois nanas… qui avaient réservé la place à côté d’elles…
— Hello ! Jordan. Toi ?
— Vincent.
— Superbe. Le nom de mon arrière-grand-père. Mais t’es plus beau que lui !
Vincent rougit. Il vit aussi que les autres se retournaient pour mater le beau… le très beau Jordan. Et il eut vite conscience que ce mec tenait une place à part, céans.
— Dis-moi tout !
— Je… Je… bafouilla Vincent, je… viens de Nantes et…
Le prof entra et fit des yeux le tour de la classe, repérant évidemment Vincent, qui était le seul nouveau. Regardant ses papiers, il dit :
— Vincent ! 17 au bac de français… Bravo ! Si j’ai bon souvenir, et sans vouloir semer la discorde… on n’a pas dépassé le 16, ici !
— Ouh ! cria la salle.
— Je vous demande d’accueillir votre nouveau camarade avec gentillesse… et respect. Mais pour l’instant, c’est encore moi, le prof ! Et d’ailleurs… Vincent a bien une faiblesse, non ? L’allemand, peut-être ?
— Ma mère est de Hambourg, Monsieur.
Éclat de rire général.
— Et donc ? reprit le prof, souriant lui aussi.
— Nul en gym.
— J’t’aiderai ! cria Jordan.
— Ouh ! cria la salle.
— Votre auteur français préféré ?
— Marceline.
— C’est qui, ça ? fit une voix.
— Marceline Desbordes-Valmore, la première poétesse romantique, répondit le prof. Bien, Monsieur ! Eh bien ! On va s’en occuper, de Marceline !
— Nooon ! gémirent certains.
— Elle vous surprendra, jeunes gens. Merci, Vincent.
— P’tain ! T’es trop, toi ! souffla alors Jordan en passant le bras sur l’épaule de Vincent. Tu m’veux comme ami ?
— Tu m’veux comme ami, toi ?
— Super oui !
Vincent était sidéré.
— Tu m’aideras, en français ?
— Kein Problem !
— Et en allemand aussi ?
— Natürlich.
— Oh… fit le mec… que Vincent jugea impressionné.
On se sourit plus que gentiment, mais Vincent se demanda dans quelle sorte d’engrenage il venait de mettre le doigt…
Au sortir du cours, Vincent fut retenu par le prof qui lui parla de Marceline, et lui demanda une sélection de poèmes à étudier en cours. Le tout sous le regard de Jordan, qui était resté un peu en arrière.
— Tu m’épates, mec ! T’arrives de nulle part, et hop ! Le prof te demande des conseils !
— Il savait tout ce que j’ai dit, tu sais ?
— Tu me le diras ?
— Évidemment.
— Moi, j’t’aiderai en gym, s’tu veux.
— Oui, ce serait gentil. J’en ai vraiment besoin !
Les cours s’enchaînèrent donc, et partout, Jordan voulut se poser près de Vincent.
On avait réussi à papoter un peu, entre les cours, et Vincent dit enfin :
— Tes amis vont me détester, si tu restes toujours avec moi…
— Les mecs, peut-être, mais pas les nanas !
— Parce que…
— Sans me vanter… j’assure.
— Ah !
— Toi, mignon comme t’es, tu devais pas avoir de mal à niquer, ici ! Elles sont plutôt chaudes, les p’tites !
— Je suis timide… murmura Vincent.
— Pas elles ! Ah ! Ah !
— Toi, tu…?
— Quand je veux.
— C’est vrai que t’es super beau, toi ! lâcha Vincent sans réfléchir.
— Oh ! C’est gentil, ça ! fit Jordan. Aucun mec m’a jamais dit ça !
— Mais les filles, oui ?
— Non, aucune aussi ! Oh ! J’t’adore, toi ! fit le beau Jordan en prenant soudain Vincent en ses bras, pour l’y serrer fortement.
— C’est la grande amour, déjà ? fit une voix.
— C’est mon nouvel ami, Valentine, dit Jordan en lâchant Vincent.
La fille était canon, et Vincent comprit tout de suite qu’elle appartenait au harem supposé de Jordan. Qui d’ailleurs vint lui poser un bisou sur la bouche. La fille saisit aussitôt la nuque du garçon et lui roula un patin de compète !
Vincent sourit : ce mec était donc… Qu’est-ce qu’il était, en vérité ?
— On se voit donc demain… et tout le temps ? fit alors Jordan.
— Demain et tout le temps, si tu veux, répondit doucement Vincent. Bonne soirée !
Et Vincent s’en fut, le cœur léger. Sans trop savoir évidemment à quoi s’en tenir. Selon toute apparence, il avait capté l’attention d’un mec qui avait au bahut une position particulière, encore qu’il ne sût pas trop laquelle.
Était-ce sa seule beauté qui cristallisait les passions ? Son aplomb ? La position de ses parents ?
Jordan était grand et fin. Blond cendré, il disposait d’un visage oblong orné d’yeux d’un bleu soutenu, et d’un sourire à faire tomber les murailles. Et d’un si joli petit menton pointu ! Et les défenses de Vincent n’étaient pas celles de la Muraille de Chine !
Vincent fut bien incapable de s’ôter de la tête cette invraisemblable première journée de cours ! Ses parents même s’en inquiétèrent… Mais il ne dit rien.
Vincent… Vincent… se posait de vraies questions, qui ne regardaient que lui.
Jordan… La beauté parfaite. Une forme de masculinité liée à son aplomb. Et une autorité due à son incomparable beauté… Jordan !
Où Vincent sut. Ce qu’il se refusait de savoir, jusque là. Il était amoureux, enfin !
Amoureux de Jordan. Oh ! Que c’était inattendu, tout ça, et soudain lourd à porter !
Il eut du mal à dormir, ce jeune homme. Mais il fut à l’heure au lycée… où il vit Jordan distribuer des tas de bises à ces demoiselles… avant de lui en donner deux aussi, en le serrant en ses bras.
— Tu fais la bise aux mecs, maintenant ? fit un mec.
— C’est mon ami.
— Et nous ?
— Mes super potes, t’affole pas !
Il y eut un petit moment de trouble alentour, alors. Mais il fallait entrer en cours… ou Jordan accapara Vincent, derechef.
Jordan ne cessa de donner des gages d’amitié à Vincent, jusqu’à l’inviter le soir même chez lui :
—Mes parents sont barrés : on sera tranquilles !
Vincent suivit, donc. La maison de Jordan était superbe, et ce mec lui fit découvrir sa chambre, une suite de deux pièces avec salle de bains. Dans le salon étaient deux appareils destinés à la musculation.
— Je m’en sers un peu seulement… En fait, j’ai la chance de ne pas en avoir trop besoin !
Et il ôta soudain son t-shirt, proposant à Vincent la perfection même.
— Ouais, c’est sûr qu’avec ça t’a besoin de rien fit Vincent, souriant… mais si troublé !
— T’es comment, toi ?
— Nul.
— Tu montres ?
— Tu serais déçu…
Alors Jordan prit le bas du t-shirt de Vincent pour le lui ôter.
— C’est vrai que tu manques un peu de… Y sont jolis, tes tétons… ajouta le garçon en se saisissant desdits.
Au grand frémissement de Vincent.
— T’aimes ?
— Oooh…
— Moi aussi, mais… j’ai jamais osé le demander à une nana… Tu me le fais ?
Vincent s’exécuta, ayant la surprise de sentir sous ses doigts les tétons de Jordan durcir vivement, tandis que le garçon gémit soudain vivement.
— Ouais, c’est bon, oh p’tain ! gémit Jordan en pinçant plus fort les tétons de Vincent… qui gémit aussi.
Quelques secondes plus tard, Jordan souffla :
— Oh p’tain, je bande ! On arrête !
— Non.
— Tu bandes pas ?
— Si.
— Oh p’tain ! Tu veux ?
— Jamais j’ai senti ça.
— Moi non plus ! fit Jordan. Mais…
— Pince-moi bien, Jordan.
— Oh !… Je… Oui, toi aussi !
L’exercice dura un peu, et Jordan feula :
— J’bande trop, là ! On vire tout ?
— Oui.
Deux superbes bites se trouvèrent lors en concurrence… et si près l’une de l’autre !
On se regarda une seconde, hébété… et Vincent tendit lentement la main vers le superbe objet de Jordan, s’arrêtant à un centimètre d’iceluy.
Alors Jordan en fit autant et… on s’entresaisit délicatement pour se manipuler, d’abord timidement, puis plus virilement : ces garçons savaient bien comment faire !
— Ouais, vas-y fit enfin Jordan, en tripotant tout aussi vigoureusement son nouvel ami.
Ce qui devait arriver arriva, et l’on s’arrosa copieusement l’un l’autre.
— Oh p’tain ! fit Jordan. Première fois que je fais ça avec un mec !
— Dans mon ancien bahut, ça se faisait… sans le dire, mentit Vincent, qui était tout aussi novice en la chose.
— C’était bon, en tout cas ! Toi ?
— Ouais, j’ai bien aimé. T’as une super belle queue, Jordan.
— Oh ! Merci… première fois qu’on me le dit.
— Les nanas sont très mal élevées !
— Ah ! Ah ! Ah ! Toi aussi t’es bien monté, oui !
On se sourit niaisement.
— Tu fermes ta gueule, hein ? ordonna Jordan, la main sur l’épaule de Vincent.
— Oui, mais… je pourrai pas la fermer toujours.
— Hein ? Tu dis quoi, là ?
— Pour te sucer, faudra bien que je l’ouvre un peu.
— Oh ! Oh ! suffoqua Jordan, tu, tu…
— Ce serait sympa, non ? fit Vincent, tout sourire… et totalement désinhibé, asteur.[1]
— Oh p’tain, j’y crois pas !
— Je t’ai choqué ?
— Mais non, non, bien sûr !... Mais toi, t’es…
— J’en ai bien l’impression, M’sieur !
— Oh, je…
— Dis rien ! Toi aussi tu fermes ta gueule, donc !
— Oh oui, oui, bien sûr !
— T’es beau, Jordan.
— Merci. Je…
— T’es beau et je meurs d’envie de te sucer.
— Oui, oui ! Oh ! Oui, tu le feras ! P’tain… J’y crois pas ! Vincent !...
— On va bien s’amuser… et voilà !
On s’alla doucher, et l’on s’enlaça tendrement avant de se séparer. À quelle hauteur flottait le nuage sur lequel était Vincent, il ne le savait guère !
Le lendemain, bises publiques de Jordan au lycée… et un mot à l’oreille : « Merci ! »
— C’est con, je nique demain et samedi, souffla Jordan en cours. Je t’appelle dès que j’ai un moment.
Le nuage monta d’un cran.
— Je pense à toi, mon p’tit mec, dit Jordan en faisant la bise à Vincent, à la fin des cours du vendredi.
Vincent se morfondit évidemment, mais… il se remémora les commentaires acerbes des autres sur le beau Jordan, dans son dos : il n’en manquait point. Et il en fut d’autant plus excité… et amoureux. Vers onze heures et demie, ce vendredi soir, il fut appelé par Jordan :
— Mes parents sont au bal, et pas prêts de rentrer : tu viens dormir là ?
Les parents de Vincent n’étant pas des brutes, il put filer vitement… avec sa brosse à dents !
Le moment fut la perfection même. Comme l’était la quéquette à Jordan. Qui s’essaya lui-même à ce gent exercice, et… devant un Vincent effaré, il annula son rendez-vous du samedi, avec une des plus belles nanas du lycée…
— Faut que je révise mes connaissances, dit-il, grave.
— Pour le bac ?
— Non. Pour le cul. Et le sentiment. Avec toi.
— Moi ?
— Apprends-moi… à t’aimer.
— Jordan ?
— Oui.

26. VII. 2020

[1]. C’est la façon québécoise d’écrire : à c’t’heure.
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Louklouk


À Michel

Un jour — t’en souvient-il ? — tu jouas ma musique…
Je l’entendis de loin, rêvant dans le salon,
Et j'allai t'écouter, ô surprise ironique !
En ta flûte passait un sublime aquilon.

Ce n’était pas mon air qui menait à l’ivresse !
Mais que ton souffle aimé me le voulût offrir,
Combien j’en fus heureux, et comme je confesse
Que j’avais plus encor raison de te chérir !

Tu ne m’as rien donné de plus que l’instant frêle
D'une ombre de plaisir qui n'allait nulle part :
Je l’aimai comme on aime une douceur mortelle
Qui, l’instant qu’elle a fui, laisse au cœur son poignard.

Mais… c’était ma musique et… comme elle fut pure
En passant par ta bouche en vibrant en ton sein !
Mais ta flûte est muette, et la Mère Nature
A fermé ton tombeau par son cruel dessein !

Louklouk, 20. VII. 2020
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Défi
Louklouk


Recherche cavalier pour le bal de promo
Garçon gentil, un peu fou et drôle
Annonce catégoriée : urgent !!
— Tiens, c’est exactement ce qu’il te faut, mon p’tit puceau ! fit le superbe Stéphane, un beau blond qui drainait tous les cœurs de l’École depuis son entrée, trois ans plus tôt.
C’est qu’on approchait de la fin de l’année, et que le bal de promo se profilait à l’horizon… sachant que ces jeunes gens auraient leur diplôme sans difficulté. Et l’on venait donc de découvrir une annonce, dans le grand hall.
Stéphane s’adressait à Bérenger, son ami depuis le lycée, et qui s’il était un excellent élève et pas le moins beau des mectons de la boîte, restait désespérément seul.
Doué d’une gentillesse à toute épreuve, il était surtout affligé d’une timidité maladive, et n’existait que dans l’ombre et le sillage de son ami, l’étincelant Stéphane.
On le savait drôle et immensément cultivé, mais… il était l’ombre de Stéphane, et voilà. Au reste, encore qu’iceluy eût mainte fois tenté de lui mettre dans les bras telle ou telle donzelle — il ne se les faisait pas toutes, quand même ! —, ça n’avait jamais marché.
Et de fait, le fin Bérenger était toujours puceau, à vingt-deux ans…
Il était gracieux comme tout, cet enfant-là : long et fin, brun au teint pâle et pourvu d’yeux d’un bleu plus soutenu que celui du regard de son ami, il était parfaitement craquant. Mais voilà…
Sa timidité faisait disparaître tout ce que son physique avait de charmant.
— Oh, moi, tu sais !... soupira-t-il alors.
— La femme de ta vie, mon pote ! Allez hop, tu notes le numéro, et tu lui prêtes ton bras pour danser, et ta bite pour sauter au plafond !
Il avait son parler, le Stéphane… Bérenger dut sourire… mais il souriait à tout ce que disait Stéphane : c’était un fan club à lui tout seul.
Bérenger dut noter, et commença à se ronger les sangs. Il y pensait depuis le début de l’année, à ce foutu bal… Cette corvée intersidérale ! Bien sûr, il avait assisté aux deux précédents et ne s’y était pas ennuyé, mais là… c’était la soirée de sa promo, et donc il y serait, comme les autres, sous les regards de tous.
Oui, quelle corvée ! Et pas moyen de s’y faire porter pâle ! Sauf à se faire écraser par un tramway, ou quelque autre triporteur du même acabit…
Il soupira in petto. Au fond… le coup de la petite annonce lui éviterait sans doute des déconvenues, s’il devait s’adresser à l’une ou à l’autre…
Stéphane, lui, n’en risquait pas : il n’avait que l’embarras du choix, et c’est tout juste si ces demoiselles ne se crêpaient pas le chignon pour avoir le rayonnant honneur de paraître à ses côtés !
— Bon ! Tu me promets d’appeler ? fit Stéphane. D’abord tu regardes dans tes affaires si tu connais pas déjà ce numéro, on ne sait jamais… C’est p'têt' Super-Boudin, qu’a passé l’annonce ! Ah ! Ah ! Ah !
— Oh, ça va… soupira Bérenger, défait.
— De toute façon, tu vas appeler devant moi, comme ça je serai sûr que tu te défiles pas !
Ainsi fut fait. Bérenger affirma ne pas connaître la voix de la nana, et il avait constaté ne pas posséder déjà ce numéro.
L’École, une boîte huppée, disposait à la sortie de la ville, d’une sorte de petit campus, qui pouvait loger tous les élèves.
Autant vous dire que le cœur de Bérenger battait un peu plus fort que tous les tambours de la Grande Armée, un 15 août ![1]
Mais il frappa tout de même à cette chambre qu’il ne connaissait mie (ceci pour dire qu’il n’y était jamais venu… car toutes les chambres étaient identiques !). Pour tomber sur Johann Wilhelm von Hetzelburg von Bergenforst. Dit plus simplement « Yoyo ».
Il eut un mouvement de recul. L’autre l’attira promptement et referma.
— Oh, c’est toi ! dit le garçon, l’air surpris… mais souriant.
— Je crois qu’il y a maldonne… fit Bérenger, tétanisé.
— Non. D’abord, je te demande le secret le plus absolu, s’il te plaît, Bérenger !
— Je… Je te le promets, mais… pourquoi ?
— Viens.
On se posa sur les petits fauteuils (façon années septante de l’autre siècle) dont toutes les chambres étaient pourvues.
— Je te propose un challenge… On se connais pas beaucoup mais… tu es exactement celui qu’il me faut !
— Mais… pour quoi ? souffla Bérenger, qui n’en revenait pas d’être dans la chambre de Yoyo.
Expliquons la stupéfaction de Bérenger : Johann était connu pour être non seulement l’héritier d’une grande fortune aristocratique allemande, mais aussi pour être de loin le meilleur élève de l’École : il était major de promo dès le premier jour, ou presque !
Ajoutez à cela qu’il était la beauté absolue : un mannequin international, et même interplanétaire, pas moins. Châtain aux yeux verts, il possédait une classe à tomber par terre et un sourire à faire sauter les bunkers les mieux ficelés.
Ce mec était la perfection.
Autant vous dire que ça défilait, dans son lit. Et que dès qu’il paraissait, la moindre petite culotte qui se trouvait à moins de cent mètres s’en trouvait ruinée aussitôt !
Bref, c’était l’étoile absolue. L’Étoile.
D’où venait évidemment que Bérenger ne voyait du tout ce qu’il faisait là… sauf à sauver l’honneur d’un petit laideron que Monsieur aurait pris sous son aile ?
— Tu ne te repentiras pas de ton silence, Bérenger, reprit le garçon, sérieux.
— Tu… recrutes pour une copine, c’est ça ? osa Bérenger.
Bien sûr, Johann était le premier de la classe d’allemand, où fréquentait aussi Bérenger, alors que leurs autres cours différaient. Mais on ne s’y était jamais vraiment parlé.
— Et puis, on pourra se parler en allemand, tranquillement, reprit le garçon.
— Si… tu me disais…
— Je te propose… quelque chose de difficile, Bérenger.
— S’il faut juste danser avec une de tes copines, je crois que j’y arriverai… fit Bérenger, essayant de sourire.
— Bérenger… C’est… C’est avec moi, que je voudrais que tu danses.
— Hein ? sursauta Bérenger, toi ? Mais…
— Vite, du champagne ! fit Johann en sautant du fauteuil pour se jeter sur le mini frigo qu’il y avait céans. Et de saisir une demi-bouteille, et deux verres… en cristal de Bohême, magnifiques !
Il servit et l’on trinqua, presque fébrilement.
— J’avais pas pensé à toi, mais… t’es l’évidence même, Bérenger !
— Je comprends rien.
— Je voudrais… que tu m’aides… à faire… mon… coming out.
— Hein ? cria Bérenger, sidéré. Toi… Toi ?...
— Tu comprends pourquoi je t’ai demandé le secret. Je nique depuis toujours presque exclusivement des nanas… mais là… là… je suis au bout de mes expériences. Pas facile de se savoir gay, dans une famille comme la mienne, tu sais ?
— Ni ailleurs.
— C’est vrai. Tu… es gay, toi ?
— Hein ? Heu, non, pas à ma connaissance !
— Ce n’est pas important : tu peux parfaitement être mon cavalier à la soirée, sans faire de coming out, toi ! On dira ce qu’il faut, et voilà !
— Mais… fit Bérenger, absolument dépassé par l’énormité de la chose.
— Oh, dis oui, Bérenger ! fit Johann en prenant la main du garçon, et en brandissant sa flûte de l’autre main, pour trinquer.
— Je… Oh… C’est si…
— J’avais pas pensé à toi, mais t’es si évidemment le plus parfait pour jouer ce petit rôle, Bérenger ! Je suis si heureux que tu aies répondu !
— Mais… si je refuse ?
— Je ne veux ni ne puis te forcer à rien. Tu me rendrais un immense service, Bérenger. Il reste un mois : je te propose de le passer ensemble.
— Hein ?
— J’ai un studio en ville, loué par mes parents, qui souhaitaient quand même que je vive ici, avec tout le monde. On peut aller y faire un tour, et y passer des moments pour parler, simplement. Ne serait-ce que pour que tu m’encourages à passer à l’acte… ce qui n’est pas si facile, crois-moi !
— Mais…
— Ce qui est sûr, c’est que je n’irai pas avec une nana sous le bras ! Et je te dis pas les pressions, les soupirs, et toutes ces sortes de choses !... Sans compter les pipes… de celles qui détestent ça !
— Oh ! fit Bérenger… obligé de sourire devant la grimace comique du sublime Johann.
— On est vendredi : on va dîner chez moi ?
Le champagne terminé, Bérenger, subjugué, suivit le bel Allemand. Il était sept heures, et dans le fond du tram, Johann murmura :
— Je serai super fier, si tu m’accompagnes à la soirée !
— Je… Je sais pas encore.
Le studio évidemment était plus large que la chambrette du campus. Et autrement meublé ! Champagne encore. Mais après une gorgée, Johann se leva et commença à se déshabiller.
— Nous, les Allemands, on fait pas de manières avec la nudité : je te choque pas ? T’en fais autant ? Il commence à faire chaud, là… et je sais pas si c’est moi ou le Réchauffement, mais…
Bérenger dut sourire, une fois de plus. Il était sublime de partout, ce garçon-là. Il se déshabilla donc aussi.
On se rassit dans les petits fauteuils baroques, et l’on retrinqua. Johann dit alors sa vie, celle d’un fils de la haute aristocratie européenne — sa mère était la fille d’un duc français… et il descendait de douzaines de rois !
Bérenger n’arrivait pas à croire à ce qui lui arrivait là. Il buvait du champagne dans le studio de l’Étoile de l’École, qui le priait d’être son cavalier au bal de promo !
Il y eut, plus tard, un court silence, et il souffla :
— Johann… C’est d’accord.
— Oh ! Tu le feras ? Bérenger !
Alors Johann jaillit de son petit cabriolet baroque et tira Bérenger du sien, pour le serrer fortement en ses bras.
— Merci, Bérenger, merci !
Et puis… deux immenses soupirs issurent[2] de ces jeunes poitrines.
— T’es sûr que… tu veux ça ? demanda enfin Bérenger… alors que ces jeunes gens ne pouvaient ignorer ce qui commençait à déformer leurs membres intimes.
— Oui, et je le veux avec toi, Bérenger.
Sauf que là, Bérenger ne savait trop de quoi parlait Johann… vu qu’on bandait tous les deux et que…
— Moi aussi, je le veux ! lâcha soudain Bérenger.
— Bérenger ! J’ai jamais… avec un garçon…
— Moi non plus.
— Alors…?
— Oui.
Plus belle première fois, vous ne la sauriez imaginer.
Après qu’on eut pris un plaisir fort délicatement partagé, Johann murmura, regardant Bérenger dans les yeux :
— C’est tellement différent, avec un garçon !...
— Moi… j’en sais rien.
— Oh ! fit Johann… tu…?
Tendresse et émotion. Bérenger sut qu’il aurait désormais à mentir à son meilleur ami… au moins jusqu’au bal ! Mais… l’expérience avec Johann était si…
Johann tint à habiller son cavalier : on prit donc rendez-vous chez le meilleur tailleur de la ville, afin que les garçons eussent exactement le même habit : un pantalon noir à pli, une chemise blanche bouffante, et un gilet bleu outremer brodé de doré. Et une sorte de lâche cravate, bleue pour Bérenger et rouge pour Johann. Et souliers vernis, évidemment.
Les garçons étaient de mêmes taille et corpulence. On demanda d’ailleurs au tailleur de se faire photographier, au dernier essayage… et il déclara que ces Messieurs faisaient un couple magnifique.
Bérenger parvint à mentir sans rougir, ni sourire. Mais il était heureux, et ça, Stéphane ne put s’empêcher de le remarquer. Bérenger resta de marbre. Un soir sur deux ou trois, il allait dormir avec Johann, en ville.
Vint, après les résultats (heureux, comme attendu), le grand soir. Il était de tradition que le major parût en dernier. Il fit attendre, un peu ; on était dans ses petits souliers, disons-le ! Puis on se lança… en se tenant la main. Un silence polaire s’abattit sur la salle… et même la musique douce du moment fut stoppée.
Les garçons s’avancèrent, rayonnants et timides à la fois, qui firent chacun un geste du bras, pour saluer. Ce fut Stéphane qui donna le signal de l’ovation.
Le major devait ouvrir le bal, et ces jeunes gens s’élancèrent — on avait bien sûr répété !
La stupéfaction fit bien jaser, un peu… mais la fête fut une réussite. Stéphane attira son ami à l’écart, évidemment. Et Bérenger dut raconter les choses…
— T’es heureux ? demanda enfin Stéphane.
— T’imagines pas combien !
— Je me trouve un peu con, là…
— Et pourquoi ? T’es mon meilleur ami, Stéphane, et c’est grâce à toi que j’en suis là !
— J’ai l’impression d’avoir raté quelque chose…

26. VIII. 2020

[1]. Anniversaire de Napoléon Ier.

[2]. Passé simple du verbe issir (dont le participe passé est : issu).
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Questionnaire de l'Atelier des auteurs

Pourquoi écrivez-vous ?

J'adore le français

Listes

Avec Incompatibles [gay], Chloé moi et de nouveaux amis, Benjamin [Terminé]...
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