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Défi
ChloéN

Ils s’étaient rencontrés la première fois lors d’une soirée chez des amis communs. Ce fut un véritable coup de foudre. Toute la soirée, ils s’étaient dévoré des yeux, se souriaient sans oser se parler. Tous deux étaient intimidés. Chacun attendait, espérait que l’autre allait franchir le pas.
Toutefois, lorsqu’elle quitta la soirée, il lui emboîta le pas. Ils se retrouvèrent dans l’ascenseur. Ils échangèrent quelques banalités concernant la soirée. Arrivée en bas de l’immeuble, elle lui demanda où se trouvait la station de taxi la plus proche. Il était en voiture, il allait la raccompagnait. Ils avaient alors, commencé à flirter, puis au fil des semaines, ils étaient devenus amants.

C’était son premier grand amour, elle pensait à lui chaque minute de sa vie. Elle vivait pour lui. C’était son tout. Avec lui, elle se sentait une vraie femme. Il était son oxygène, sa raison de vivre.
Mais quelques mois après leur rencontre, il eut une proposition dont il ne pouvait refuser : une mission de plusieurs mois à New York pour développer l’entreprise pour laquelle il travaillait et qui venait de s’installer pour la première fois outre atlantique.
Ils s’étaient promis de s’appeler régulièrement et de faire des allers-retours dès que leurs emplois du temps et leurs finances leur en donneraient l’occasion.

Il était revenu pour les fêtes de fin d’année, mais chacun avait passé beaucoup de temps auprès de leurs proches et ils n’avaient pas pu se voir autant qu’ils l’avaient espéré.
Le décalage horaire ne leur permettait pas de se parler longuement et aussi souvent qu’ils l’avaient souhaité, et puis leurs activités professionnelles leur prenaient beaucoup de temps. Les appels se firent, au fil des semaines, moins réguliers.

Au mois de mai, elle profita des jours fériés et surtout de son anniversaire pour aller rendre visite à celui qu’elle aimait par-dessus tout. Il l’avait prévenu, il ne pourrait pas lui consacrer beaucoup de temps. Qu’importe, elle voulait le voir, le toucher, le sentir, être avec lui tout simplement.
Sur place, elle passait ses journées seule. Elle aurait aimé visiter cette ville, aussi magique que grandiose, qui l’avait fait rêvé depuis qu’elle était enfant, avec lui. Elle le voyait peu. Il partait tôt et lorsqu’il rentrait, il se replongeait dans le travail. Ils avaient fait une sortie au restaurant, l’unique, pour son anniversaire. Il lui avait promis que la prochaine fois, il serait plus disponible. Elle aurait aimé qu’il lui proposât de s’installer avec lui, un mot, quelque chose qui lui aurait démontré qu’il tenait à elle, comme elle tenait à lui.

Elle rentra à Paris avec un goût amer de ce séjour. Le temps où ils s’appelaient plusieurs fois par jour, sans compter des textos, était loin. Les coups de fil s’étaient raréfiés. Elle n’insista pas, elle ne voulait pas se montrer étouffante, elle ne voulait pas le perdre. Au bout de quelques semaines, elle comprit que leur histoire d’amour ne pouvait perdurer. Trop de distance et un océan les séparait.
Elle eut quelques histoires, sans intérêt. Elle n’arrivait pas à l’oublier.
Elle s’était inscrite sur  les réseaux sociaux pour avoir de ses nouvelles. Elle regardait ses derniers post, ses dernières photos. Visiblement, il était heureux dans sa nouvelle vie, dans son nouveau pays, avec ses nouveaux amis. Mais rien sur sa vie amoureuse. Elle gardait espoir. Peut-être qu’un jour, ils se reverraient et pourquoi pas…

Un matin, un message sur les réseaux sociaux lui apprit qu’il était de retour en France. Après une petite enquête, elle apprit où il résidait à présent. Après avoir longuement tergiversé, elle se décida. Il fallait qu’elle le rencontrât, pour pouvoir aller de l’avant, pour continuer sa vie. Elle devait lui parler, se livrer, lui dire ce qu’elle avait sur le coeur, tout ce qu’elle avait gardé toutes ces années.
C’était une belle journée ensoleillée et chaude. Elle arriva devant le portail. L’endroit était gigantesque. Elle se dirigea vers l’accueil où on lui indiqua où le trouver. Elle le repéra. Elle le vit. Elle était nerveuse. Elle avança lentement. Les larmes lui montèrent aux yeux, son visage s’inonda rapidement. Elle n’aurait pas imaginé le revoir dans un endroit pareil, se retrouver devant lui dans de telles circonstances. Elle se retrouva devant lui. Elle s’effrondra. Au bout de quelques longues minutes, elle murmura enfin entre deux sanglots : “Je t’aime. Je n’ai jamais cessé de t’aimer. Repose en paix mon amour.” (©)

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ChloéN

13 ans qu'elles ne s'étaient pas revues. Aucunes nouvelles. Juste quelques textos laconiques sans “Bonjour”, ni “Comment vas-tu ?”, mais uniquement pour rappeler l’anniversaire de son fils, l’obtention de son Bac, l’intégration dans une école privée. Ces grands évènements d’une vie où l’on offre des cadeaux.

Il y a 13 ans, Samantha dit Sam, était parti avec son gamin sous le bras pour Bordeaux, sans explication.
Elle appelait uniquement sa famille lorsqu'elle avait besoin d'argent. Elle passait ensuite un coup de fil pour remercier, au cas où, ça pourrait toujours servir pour une prochaine fois ! Puis silence radio. Pas de nouvelles pour les anniversaires, Noël ou le jour de l'An. Rien.  

Depuis quelques jours, Lucie sa jeune sœur savait qu'elle allait devoir passer ce coup de fil. Elle le redoutait, le reculait. Mais ce dimanche matin, elle se lança.  
— Bonjour, c'est Lucie, ta sœur. Peux-tu me rappeler dès que tu auras mon message ? Merci !  
Le ton était sec et froid.
Dix minutes plus tard, le téléphone de Lucie sonna.
— Allô !
— Salut, je te rappelle. Tu m’as laissé un message ?!
Aucune surprise dans la voix.
— Oui. Désolée de t’appeler aussi tôt. Je ne te dérange pas ?
— Non, ça va, je suis en jet-lag, je reviens de Bali, je dors pas beaucoup depuis que je suis rentr...
— Je t’appelle pour te dire que maman est partie cette nuit !
— Ah et elle est où ?
— Je suis en train de te dire que maman est décédée.
Silence.
— Elle était malade ?
— Oui. Ca fait 2 mois qu’elle est hospitalisée ! Annonça Lucie, qui n’arrivait pas encore à parler de sa mère au passé.
— Oh, je comprends pourquoi elle n’a pas voulu que je sois au courant… Elle ne voulait pas que je m’inquiète pour el…
— Arrête ! T’inquiéter pour elle ? Ça fait 13 ans qu’elle n’a pas eu de tes nouvelles, ni de son petit-fils. Tu n’as jamais répondu à ses coups de fils. La dernière fois, qu’elle t’a eu, c’était pour t’annoncer que ta tante, sa soeur est décédée. Tu lui avais dit que tu enverrais des fleurs. On les attend toujours ! Tu n’as même pas été fichu de l’appeler pour lui demander comment elle allait ! Alors ne viens pas me dire qu’elle te protégeait. Elle ne savait même pas si tu étais encore en vie ou pas. Maintenant je t’ai prévenu... je ne sais même pas pourquoi. Lui cracha Lucie, à bout de nerfs.
— Ah, je me rappelais plus de ça… Lui répondit-elle évasive.
— Tu veux peut-être que je te rafraîchisse la mémoire ? Y’en a encore plein d’autres comme ça…
Lucie était maintenant énervée.
— Et c’est quand l’enterrement ?
— Je viens de te dire que maman est décédée cette nuit. On est dimanche matin, et il est 10 heures ! Répliqua Lucie sèchement.
— Oh c’est vrai, j’oubliais, je suis en jet-lag ! Rappelle-moi quand tu en sauras plus.

Lucie raccrocha furieuse ! Mais sur quelle planète vivait-elle ? Aucun pleur, aucune réaction, aucune tristesse dans la voix, aucune empathie. Rien. Sam venait d’apprendre qu’elle venait de perdre sa mère, et tout ce qui l’importait, c’était son jet-lag ! Comme si ses vacances allaient intéresser Lucie.

Le lendemain, Lucy informa tout de même sa soeur de la date de l’enterrement. Cette dernière ne savait pas si elle pourrait “monter”. Pas de véhicule en co-voiturage disponible, le train trop long, l’avion trop cher et sa voiture trop vieille !
Au bout de quatre heures et probablement soumise à un cas de conscience qui la fit culpabiliser, Sam informa Lucie qu’elle avait enfin trouvé un vol pour le lendemain.

Les retrouvailles n’étaient pas ce que Lucie avait espéré. Elle était anxieuse, nerveuse et en même temps contente de revoir sa grande soeur.
Sam se comporta, elle, comme si elles s’étaient vues la veille, comme si de rien n’était. Un simple “salut Lucie” et une bise sous la joue. Elle toisa ensuite Lucie de la tête aux pieds en haussant les sourcils. Son neveu lui lança un vulgaire “Salut” du bout des lèvres, en la dévisageant également. Lui qui avait annoncé à son patron qu’il devait s’absenter car “sa famille était sa priorité” !
Lucie était déçue. À quoi s’attendait-elle ? À une effusion d’embrassades, de paroles réconfortantes, de regrets ?
Les années passaient, mais les gens ne changeaient pas.

À peine dans la voiture, voilà que les bonnes habitudes, que Lucie avait oubliées, reprenaient. Sam critiquait tout : les embouteillages, la pollution, la foule, les gens, le temps, Paris,...
Lucie mit de l’eau dans son vin. Elle s’était promis qu’elle ne ferait pas d’esclandres. Elle se taisait et encaissait en silence.

Le lendemain, la cérémonie se passa sans encombre. Lucie était la seule à pleurer dans l’assistance. Tout le monde la dévisageait comme une bête de foire. Merde, ils étaient à des funérailles ! Un peu de compassion, un mot réconfortant lui aurait fait du bien.
À peine étaient-ils rentrés du cimetière que le neveu de Lucie était déjà le nez dans son ordinateur avec un casque sur les oreilles. Son frère se comportait comme s’il était chez lui, farfouillant partout.
— Bon, et maintenant on fait quoi ? On se fait ch… On peut mettre de la musique ou allumer la télé ? Tu fais quoi à manger ce soir ? J’ai faim.
Lucie crut s’étouffer en entendant les propos de son frère. La moutarde lui monta rapidement au nez. Elle tenta de se contenir.
Elle demanda à son neveu où se trouvait sa mère.
— Elle est partie se coucher. Elle est fatiguée, lui lança-t-il sans même lever son nez de son écran.
— Elle est fatiguée ? C’est une blague, là ?
— Non. Va voir si tu ne me crois pas, lui répondit-il exaspéré que sa tante l’interrompit dans sa conversation sur Skype avec sa petite amie.
— Tu sais ce que c’est que d’être fatiguée ? Ça fait deux jours que je dors pliée en quatre sur un canapé deux places, pour vous laisser dormir. Ça fait deux mois que je me lève à cinq heures du matin pour aller bosser. Je rentre à quatre heures sans même avoir déjeuné, pour faire à manger à TA grand-mère et je cours à l’hôpital où je reste à ses côtés jusqu’à vingt et une, vingt-deux heures et que je rentre à pied parce qu’il n’y a plus de transports. Alors ne viens pas me dire que ta mère, qui rentre de vacances est fatiguée. Depuis, que vous êtes là, elle ne fait que fumer, bouffer et dormir ! Hurla Lucie.
Silence.
Il retourna à son écran. Lucie tenta de se calmer. Elle n’avait qu’une envie, c’était de balancer ce fichu ordinateur par dessus le balcon. Elle s’enferma dans la cuisine. Elle ne voulait plus les voir. Elle fuma cigarettes sur cigarettes.
Elle se rendit compte qu’elle était entourée de personnes dénuées de sentiments, de compassion, d’humanité.

À son réveil, Sam trouva sa soeur en larmes.
— Qu’est ce que tu as ? Pourquoi tu pleures ? Interrogea Sam surprise.
— Elle me manque déjà, elle me manque trop. Je suis fatiguée de tout. J’en peux plus ! Souffla Lucie à bout.
— Oui, je sais. Mais ça va passer !
— Quoi ? Qu’est-ce qui va passer ? Que je vais l’oublier ?
Sam regarda sa soeur intriguée, feignant de ne pas comprendre la situation et sortit de la pièce pour aller fumer ailleurs.

Malgré l’ambiance et les divergences entre les deux soeurs, Sam décida tout de même de rester toute la semaine. Lucie espérait quant à elle, non pas rattraper le temps perdu, mais au moins avoir des explications sur ce silence de 13 années, ce mépris envers sa mère et elle-même. Et pourquoi pas, avec le temps, renouer lentement, apprendre à connaître cette grande soeur, qui, déjà à l’époque, ne se souciait guère d’elle.

Le reste de la semaine et le week-end étaient loin de se passer comme Lucie l’avait imaginé.
Aucune question de la part de Sam concernant leur mère, sa maladie, son décès. Rien. Pas plus de question concernant sa vie, à part savoir si Lucie avait quelqu’un dans sa vie. Vu son comportement, cette dernière préféra garder sa vie privée pour elle. Elle n’avait pas envie d’entendre les sarcasmes de sa soeur concernant les hommes.

Par contre, Lucie connaissait tout ou presque de la vie de sa soeur. Pas besoin de le lui demander, Sam adorait parler d’elle et de son fils, cet être si intelligent et si gentil ! Mais aussi de son travail dans une multinationale, de la façon dont elle avait élevé seule son fils, sans l’aide de personne (!), de ses nombreux voyages à l’autre bout du monde, de ses soirées tricot. Lucie se rendit compte qu’elle n’avait aucun point commun, aucune affinité avec elle. Car à part, avoir le même sang dans leurs veines et porter le même nom, sa soeur était une parfaite inconnue, qui ne l’intéressait aucunement.

La seule chose qui intéressait Sam, était de profiter et surtout d’amortir son week-end prolongé dans la capitale : shopping, visites, balades, profiter du soleil, même si “le nôtre” n’était pas aussi chaud que “le sien”, et se reposer. Bref un week-end cinq étoiles, bien loin d’une période de recueillement et de deuil. Lucie savait que tout le monde ne réagissait pas de la même manière face à un décès. Mais là… Ça atteignait des sommets…

Dimanche arriva enfin, le jour du départ de Sam. Lucie allait enfin pouvoir se retrouver. Être seule, reprendre possession de son appartement et ne plus à dormir sur le canapé. Elle en profita pour faire un grand ménage. Plus pour enlever toutes traces de leurs passages, de leurs présences, de leurs parfums qu’autres choses.

Le soir, Sam contacta sa soeur sur Skype. Pas pour la remercier pour l’avoir, elle et son fils, accueillit mais pour lui dire qu’elle était contente de retrouver son chat, d’être enfin chez elle, là où les gens étaient plus détendus, moins stressés qu’à Paris et plus souriants.
Lucie, elle aussi était contente. Plus personne pour lui dire comment elle devait se coiffer, s’habiller, cuisiner. Plus à entendre à tout bout de champs qu’elle devait prendre 10 kilos, qu’elle devait impérativement se faire une teinture. Elle était enfin soulagée ne plus être envahie, dirigée.

C’est vrai que le jour où sa mère était entrée à l’hôpital, Lucie ne s’était occupée que d’elle, mais que pouvait-elle faire d’autre ? C’est, c’était sa mère. Résultat, elle avait perdu beaucoup de poids, pas moins de 10 kilos en 3 semaines et ses cheveux ébène étaient devenus blancs en quelques jours.
Mais même si sa mère n’était plus là, Lucie devait encore s’occuper d’elle. Elle devait maintenant s’atteler à la paperasserie, à tout l’administratif. Sam lui offrit son aide. Lucie pensa qu’elle lui avait proposé cela uniquement pour avoir bonne conscience car que pouvait-elle faire à 500 Km de là ?

Quelques jours seulement après son départ, Lucie reçut de la part de Sam un carton rempli de victuailles régionales, soi-disant pour la “remplumer”, puis tous les 10 jours, elle avait droit à un colis. Un jour, des écharpes et un poncho tricotés par ses propres soins, sa grande fierté. Un autre jour, des vêtements spécial grand froid achetés à l’occasion d’un voyage en Laponie (plus utiles à Paris qu’à Bordeaux en hiver), avec des porte-clés et autres gadgets inutiles, l’occasion idéale pour refourguer ces « cadeaux » publicitaires dont tout le monde se fiche éperdument.

Sam contactait Lucie pratiquement tous les soirs pour avoir des nouvelles. Non pas pour avoir des nouvelles de sa petite sœur, ou pour savoir si elle rencontrait des difficultés auprès de l’administration, non ça, ça ne lui venait même pas à l’esprit. Chaque soir, elle commençait par lui demander comment leur mère cuisinait telle ou telle recette, si la tombe était bien entretenue, mais surtout pour savoir ce que leur mère avait bien pu lui révéler. Leur mère ne s’était jamais confiée sur son enfance, sur ses parents et grands-parents, que Lucie n’avait pas connu. Sam voulait connaître les secrets et autres sujets tabous de la famille. Elle alla même lui demander de lui fournir des documents bancaires pour savoir ce qu’était advenu l’argent de leur père, décédé cinq ans plus tôt.
Certains soirs, Sam envoyait des messages pour le moins dérangeant voire malsain pour Lucie, qui frisaient l’arrogance et la prétention. Du genre “Finalement, on n’a pas été les plus pires des enfants”, “Arrête d’aller au cimetière, tu empêches son esprit de reposer en paix”, ou encore “Si je devais recommencer, je me comporterai exactement pareil”. La jeune soeur se demandait si Sam s’écoutait lorsqu’elle débitait de telles idioties ou si elle la prenait pour une petite idiote sans cervelle.
Son frère, quant à lui, l’appelait et venait la voir quasiment tous les jours pour savoir où en était l’avancement de la succession.

Tout s’arrêta lorsque l’argent de leur mère fut versée. Les conversations du soir, les colis, les mails, les coups de fil s’étaient soudain raréfiés puis plus de nouvelles pendant plusieurs jours, plusieurs semaines, plusieurs mois. Sam savait où trouver Lucie lorsqu’elle avait besoin d’un renseignement, de parler d’elle ou de son fils, et comme toujours, sans le moindre remerciement. Elle ne donnait de nouvelles que lorsqu’elle avait besoin de sa soeur, comme 13 ans auparavant.

Lucie avait écouté son frère et sa soeur, sans jamais se plaindre ou manifester le moindre ennui. Elle, qui était restée au chevet de leur mère pendant deux longs mois, elle qui s’était occupée des funérailles, qui avait réglé tous les détails auprès de l’administration et de la succession de leur mère. À subir le regard plein de pitié des personnes qu’elle rencontrait dans les bureaux, qui lui rappelait sans cesse qu’elle avait perdu sa seule famille. Aujourd’hui, elle était plus que jamais seule.
Elle se rendit malheureusement compte, au bout de plusieurs semaines, que sa famille se fichait pas mal d’elle. À s’occuper de tout et surtout de tout le monde, elle en avait oublié l’essentiel. Elle et le deuil qu’elle devait accomplir. Pas une seule fois, elle n’avait reçu un coup de fil uniquement pour savoir si elle allait bien.

Lucie finit par sombrer dans une grosse et longue dépression. Elle recommençait à ne plus dormir, ne plus manger. Son corps montrait ses limites : perte de cheveux, re-perte de poids, ses dents montraient des signes de déchaussement, sa peau était couverte par endroits d’eczéma.
Quand elle ne passait pas ses journées enfouit sous sa couette à étouffer ses pleurs, elle fumait cigarettes sur cigarettes, le regard vide avec pour seule compagnie, des pensées plus sombres les unes que les autres. Elle ne sortait plus de chez elle. Elle pouvait rester des jours entiers sans sortir de son lit. Elle n’avait envie de rien, rien ne lui faisait envie. Elle, qui aimait tant la vie. Elle voulait juste que son cerveau s’arrêtât de cogiter. Elle souhaitait juste sombrer dans un long, très long sommeil, et qu’à son réveil, ce cauchemar cessa enfin.
Quand Lucie eut l’occasion de parler de sa dépression à Sam, elle lui répondait “Oh merde alors. C’est pas cool ça. Allez bon courage soeurette. Rappelle-moi quand ça ira mieux.” Son frère lui, lui répondait  “Ah ben, c’est comme ça la vie ! Et à part ça, tu fais quoi de tes journées ?”

Après 13 ans d’absence, l’histoire se répétait à nouveau.
Lucie constata que finalement, Sam ne lui avait pas manqué pendant toutes ces années. Pas plus que son frère qui lui, ne lui avait, jusqu’au moment où leur mère était entrée à l’hôpital, quasiment jamais adressé la parole de toute son existence.

A quelques jours de l’anniversaire du décès de leur mère, Lucie reçut un message de Sam qui lui signifiait qu’elle devait acheter un bouquet de fleurs rouges à déposer sur la tombe de leur mère. Sam ne pouvait pas “monter” sur Paris, elle avait prévue de se rendre en week-end en Italie, escapade où Lucie était conviée mais une fois l’invitation lancée, plus de nouvelles, comme d’habitude.
Et voilà comment Lucie devait se plier aux exigences de sa soeur. La petite soeur devait entretenir la tombe de leur mère pendant que Sam profitait de la vie !
Ce fut la goutte d’eau de trop. Les relations entre les deux soeurs s’arrêtèrent net. Lucie mit également fin à tous contacts avec son frère. Celui-ci lui avait reproché qu’elle ne s’occupait pas de lui et l’avait jeté à la porte en l’insultant copieusement. Quelques semaines plus tard, elle l’avait rencontré alors qu’elle faisait ses courses. Il l’avait tout simplement ignoré. Si elle avait su...

Aujourd’hui, Lucie se considère comme n’ayant plus famille à proprement dit. Elle regrette amèrement de s’être laissé emporter par de bons sentiments. Elle avait pensé que si elle tendait la main la première, son frère et sa sœur allaient  suivre. Elle avait pensé à tort, que malgré leurs différends, la famille allait se souder autour de ce drame. Cela la rend triste et amère lorsqu’elle y repense, malgré elle. C’est dans ces moments-là, pour se remonter le moral, que Lucie relit cette citation de Richard Bach, qu’elle connaît par coeur mais qu’elle a tout de même scotchée sur son réfrigérateur : “Les liens qui nous unissent à notre vraie famille ne sont pas les liens du sang, mais ceux du respect et de la joie que l’on partage ensemble.”

Plus d’un an plus tard, Lucie tente de se reconstruire du mieux qu’elle le peut, de vivre avec ses erreurs, de panser ses blessures.
Elle est encore très affectée et fragilisée par la perte de sa maman. Elle pense à elle chaque jour. Elle se demande si un jour elle arrivera à reprendre une vie normale, à ne plus faire de cauchemars, à ne plus penser à cette “famille”, à ne plus s’en vouloir d’avoir été si naïve, si stupide. Ah si elle pouvait revenir en arrière… Elle n’aurait pas de famille non plus, mais au moins, elle n’aurait plus ces regrets et ces remords qui la rongent chaque jour de l’intérieur.  

Depuis que ce tsunami affectif qui a balayé sa vie, Lucie a fait le ménage dans sa vie. Fini les gens qui lui dictent sa vie, sa façon de penser. Elle passe désormais sa route et continue son petit bonhomme de chemin car elle sait que la vie est imprévisible.
Celle qui est devenue une véritable éponge émotionnelle, pour qui le mot “mort” n’est plus qu’un simple mot, il lui est impossible aujourd’hui de regarder les infos sans se mettre à la place d’une famille qui a perdu un être cher.

Lucie sait que le chemin pour trouver la sérénité sera long mais la seule chose qui la fait tenir, c’est sa mère. Elle sait que cette dernière n’aurait pas aimé voir sa petite fille, comme elle aimait l’appeler, souffrir, surtout à cause d’elle. Alors pour sa mère, pour sa mémoire, Lucie tente de s’accrocher pour ne pas sombrer à nouveau, pour ne pas la décevoir car elle sait que quelque part, sa maman veille toujours sur elle.

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Défi
ChloéN

La chaleur du soleil sur mon visage me réveille brusquement. En ouvrant les yeux,  la luminosité m’aveugle. Mais la première question qui me vient à l’esprit est pourquoi je suis allongé dans un parc, en pleine journée et habillé tout de blanc. J’essaye de me souvenir quel jour nous sommes. Merde, mon esprit bug. Je n’arrive pas à me souvenir comment j’ai fait pour atterrir là. Je me redresse lentement et regarde autour de moi. Un parc gigantesque, de la verdure à perte de vue. Ce lieu ne me dit absolument rien.
Au loin, une silhouette féminine s’approche. Je n’arrive pas à distinguer ses traits, mais je remarque tout de suite la choucroute proéminente qui surmonte le sommet de son crâne. Elle est petite, menue, vêtue d’une robe fleurie. On dirait qu’elle sort tout droit des années 50. Elle est en face de moi, je crois rêver. C’est dingue comment cette femme ressemble à Amy. Putain même, c’est son sosie parfait. Avec les tatouages sur les bras, le eye-liner épais, la choucroute comme Marge Simpson. Mais où est ce que je suis ? Elle s’accroupit et se penche vers moi pour me regarder. Elle me sourit.
— Salut ! Alors comme ça, c’est toi le petit nouveau ?
Hein ? Quoi ? Le petit nouveau de quoi ? Mais qu’est-ce-que cette nana est en train de me raconter ?
— Eh les gars ! Le petit nouveau est arrivé ! Venez !
Tout un groupe de gens s’approche de nous.
Non mais je rêve là. Je ferme les yeux, me les frotte énergiquement et les ouvre à nouveau. Non, c’est pas possible. C’est une caméra cachée, mes potes me font une blague, c’est un gag. Je regarde partout, à la recherche de caméras. Non, évidemment, elles sont bien cachées. Plus ces personnes se rapprochent et plus j’arrive à les identifier. Que des sosies. De parfaits sosies. Elvis, Michaël, Barry sont ceux que je reconnais immédiatement. Les autres, j’ai dû mal à leur mettre un nom sur leur visage. Putain, c’est quoi ce délire ??!!
— Eh, tu vas pas retomber dans les pommes ? me lance d’une voix fluette le sosie de Michaël.
— Vous êtes qui ? Je suis où là ?
Les trois sosies se regardent et sourient.
— Il n’est visiblement pas au courant, ajoute le Barry d’une voix profonde et calme et il s’avance vers moi.
Je lève les yeux vers ce géant qui me tend la main pour m’aider à me mettre sur pied. Même debout, je suis obligée de lever la tête pour regarder ce géant. C’est dingue comment il ressemble au vrai Barry. Il me sourit.
— Bon alors, elles sont où les caméras ?
— Y’a pas de caméras ici mon gars.
— Et ma guitare, qu’est-ce-que vous en avez fait ?
Les trois sosies se regardent discrètement, gênés.
— Et les gars, soyez sympas. Rendez-moi ma guitare. C’est tout ce que j’ai au monde.
— Tu ne te souviens vraiment de rien ? me demande cette fois-ci Elvis.
— Non ! Quoi ?
Je commence à m’inquiéter. Pas trop de me retrouver entouré par des mecs en mal de célébrité mais ma guitare…. c’est toute ma vie, c’est mon gagne-pain. Comment je vais faire pour gagner ma vie maintenant ? Ouais, je suis musicien et je chante dans le métro. J’ai pas mal de succès, surtout quand je joue des airs de ceux qui ont bercé mon enfance : Otis Redding, Ray Charles, Marvin Gaye, Michaël Jackson,…. Et voilà que je me retrouve dans un endroit que je ne connais pas, je ne sais même pas comment j’ai débarqué là, entouré d’une bande de tarés. Et sans ma guitare.
— Allez viens avec nous. On va te montrer ta chambre. Tu vas t’installer tranquillement et l’on discutera plus tard quand tu auras repris tes esprits, me dit d’une voix douce le sosie de Barry. Il pose sa grosse main sur mon épaule et m’emmène. Nous marchons en silence. Au bout d’une dizaine de minutes, une somptueuse bâtisse se dresse devant nous. Un véritable château. Mon cerveau carbure à 100 à l’heure. J’essaye de me remémorer mais c’est le trou noir total. J’ai l’impression qu’on a effacé le disque dur de ma mémoire. Bon, la bonne chose, c’est que ces illuminés n’ont pas l’air méchants. Au contraire. Ils sont plutôt sympas dans leur genre.
Comme je pénètre dans le “château”, d’autres sosies sont là. Whitney, Marvin, James. C’est la convention annuelle des sosies là ?! Tous me saluent en me souriant, certains me font un petit signe de la tête, d’autre de la main.
Barry accompagné de Michaël me montre ma chambre. Une grande pièce d’un blanc immaculé. Tout est blanc : la moquette épaisse et moelleuse, on dirait qu’on marche sur un nuage, enfin c’est l’impression que ça me procure, la salle de bain attenante l’est aussi, ainsi que les serviettes. Tout est blanc et moelleux. J’ouvre l’unique placard : des vêtements blancs, sans grande surprise. Avec pour les hauts, un énorme C bleu dans le dos. Plusieurs livres sont posés sur la table de chevet attirent mon attention : une Bible, un Coran et divers ouvrages religieux d’autres confessions. Et toujours pas de trace de ma guitare.
Je m’assieds sur le lit. Je m’enfonce d’un seul coup au milieu de la couette remplie de plumes. Dans un autre contexte, j’aurai trouvé cela agréable mais mon esprit est ailleurs. Je m’allonge, je ferme les yeux en  tentant de me concentrer pour retracer mes dernières 24 heures. Je plisse les yeux, je grimace mais rien ne vient. J’essaye alors de me décontracter. Comme avant chaque représentation devant “mon” public pressé, je respire profondément et je souffle par la bouche. Au bout de quelques secondes, j’arrive à me détendre. J’entre même dans un état de semi somnolence. Des bribes de souvenirs surgissent enfin.

Je suis dans le métro, comme tous les matins à la station Rivoli, toujours à la même place, près du vendeur de fruits. Je me rappelle que j’étais d’humeur un peu triste en me réveillant ce matin-là et que j’ai interprété du Otis Redding. Vers l’heure du déjeuner, j’avais décidé de laisser ma mélancolie de côté pour faire place à du Marvin Gaye, histoire de détendre un peu les passants stressés et autres touristes de passage, mais aussi pour me faire un peu plus d’argent. Très rapidement, un petit attroupement s’est formé devant moi. Un groupe de jeunes gens m’encourageaient et commençaient à danser. Je me revois encore tout sourire, heureux de donner un peu de joie à ces gens. J’en reconnais certains. Des habitués, ils passent tous les jours à la même heure, et souvent s’offrent une petite pause en ma compagnie. Je souris car certains me demandent même de leur jouer leur morceau favori. Depuis le temps que je joue dans le métro, je connais leurs habitudes. Le matin, c’est de la musique douce pour ne pas les stresser plus qu’ils ne le sont déjà. A partir de midi, quelque chose de plus rythmés sans être agressifs. De toutes manières, les classiques de la Motown, ça fonctionne tout le temps et à tous les âges.
Après c’est le trou noir. Je me rappelle que des gens criaient d’appeler du secours, une personne penchée sur moi qui me disant de ne pas fermer les yeux, de rester avec elle, puis un peu plus tard, je me souviens des lumières qui défilaient rapidement au-dessous de moi, je ne pouvais pas bouger, j’étais immobilisé. Il y avait plein de monde autour de moi, avec des blouses blanches…
Ah oui, je me rappelle maintenant, mon mini concert s’est fini en bagarre. En fin de journée, deux jeunes gens ont commencé à importuner une jeune femme. Agacée, elle s’est mise à côté de moi. Mais ils ont continué. Voyant leurs petits manèges, j’ai arrêté de jouer et je leur ai demandé, gentiment, d’arrêter. Ils se sont énervés et les choses ont vite dérapé. L’un des deux hommes a commencé à me bousculer contre le mur pendant que l’autre s’en est pris à ma guitare. Ca m’a mis dans une rage… J’ai tenté de la récupérer mais après l’avoir jeté par terre, il l’a balancé contre le mur puis s’en ait servi sur moi comme si c’était une batte de base-ball.
Et après ? Je ne me souviens pl… Oh non, j’ai entendu une voix masculine qui demandait :
— Est-ce-que la famille a été prévenue ?
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ChloéN

L’attente était interminable. Plus de trois heures qu’il regardait sa montre avec nervosité. Il avait l’impression que les aiguilles de celle-ci ne bougeaient plus.
Il était pressé. Cela faisait des mois et même des années qu’il attendait ce moment.
Plus leur rencontre approchait et plus, il avait eu le besoin de lui parler ces derniers jours. Il avait hâte de la rencontrer enfin. De la regarder, découvrir son visage, la toucher, la prendre dans ses bras et l’embrasser. Il n’en pouvait plus d’attendre.

Cet endroit, ils le connaissaient tous les deux, ils y étaient souvent venus ces dernières semaines, surtout elle. Il l’avait brièvement aperçu à deux reprises, à travers un écran. Aujourd’hui, c’était donc un grand jour pour tous les deux. Ils allaient enfin faire connaissance.
Il finit par s’asseoir. Il regardait le ballet incessant des personnes qui entraient et sortaient. Tous le regardaient avec un sourire timide.
Un grand noir baraqué entra et s’arrêta devant lui :
— Ah, les femmes… Elles sont toutes pareilles. Elles aiment toujours nous faire attendre ! lui dit-il en lui adressant un clin d’œil.
Il lui rendit son sourire en hochant la tête.  
Il n’en pouvait plus. Il avait envie de sortir pour fumer une cigarette, mais il ne voulait pas rater son arrivée. Et encore moins avoir l’haleine chargée d’un cendrier pour leur premier contact. Il s’avachit sur son siège et s’étira les bras en soufflant.

Un cri puis un grand silence suivit. Il leva la tête et se redressa d’un coup.
— Quoi, qu’est ce qui se passe ? se demanda t-il en regardant dans tous les sens.
La porte s’ouvrit avec lenteur, une femme passa la tête et lui fit signe de la suivre. La pression remonta en flèche. Il entra dans une pièce où plusieurs personnes, que des femmes étaient présentes. Elles tournèrent la tête pour le regarder. Elles le saluèrent tout en souriant.
Il était excité et en même temps, très intimidé. Tétanisé, il s’avança lentement, ému. Il l’aperçut enfin.
Il avait beau avoir imaginer cette scène, il l’avait répété maintes et maintes fois dans sa tête, mais jamais il n’avait cru qu’il allait avoir les larmes aux yeux en la voyant.

Elle était belle, fragile, elle ressemblait à un ange. Il la prit dans ses bras, lui déposa un tendre baiser sur le front. Ils échangèrent leur premier regard complice. Il lui adressa un sourire et lui dit avec une voix basse, plein de tendresse, les yeux remplient de larmes :
— Enfin, tu es là. Tu es si magnifique ma belle…
Il crut voir un sourire se dessiner sur son visage.
Ce furent les premiers mots d'un père à sa fille.

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Défi
ChloéN
Une nouvelle vie nous attend



Je suis allongée sur ce lit, revêtue de cette blouse blanche caractéristique des hôpitaux.
Je souffre le martyre. Cette douleur au ventre m’irradie jusqu’aux entrailles.
Mais je sais que tu seras bientôt à mes côtés, mon garçon. Ça fait tellement longtemps que j’attends ce moment. Des années.
Ta soeur est avec moi. Sa main glacée posée sur mon ventre, m’apaise et de l’autre, elle me tient la main.
Elle ne me lâche pas du regard. Nous n’avons pas besoin de nous parler, je comprends son inquiétude.
Je suis contente qu’elle soit là, même si j’aurais préféré qu’elle ne me voie pas souffrir ainsi. Mais c’est une vraie tête de mule.
Malgré la douleur, j’arrive à lui sourire. Elle me sourit également pour me rassurer.
Je te sens mon garçon, tu t’approches de plus en plus timidement.
Bientôt, nous serons ensemble, enfin réunis.
Je pleure. De joie mais aussi de tristesse.
Mes larmes se mélangent à celles de ta soeur.
Une douleur plus intense me submerge le corps entier.
Je ferme lentement les yeux.
La douleur s’estompe progressivement plus tu t’approches de moi.
Ça y est, tu es là, tout de blanc vêtu. Tu me regardes en me souriant. Qu’est-ce-que tu es beau !
Je lâche lentement la main de ta soeur pour prendre celle que tu me tends.
Je me retourne une dernière fois en entendant ce cri qui me déchire le cœur :
— Noooon, maman. Ne me laisse pas. Pas maintenant. Mamannnn, nooooon.
— Ma chérie, tu es une femme maintenant. Vis ta vie. Tu n’as plus à t’occuper de moi, occupe-toi de toi. Tu n’as plus à t’inquiéter pour moi. Je suis avec ton frère. Tout va bien, mon cœur.
— Laisse-moi venir avec vous. S’il te plaît maman...
— Pas maintenant ma chérie. Ton heure n’est pas encore arrivée. Je te ferai venir le moment venu. Allez mon bébé, je ne veux pas faire attendre ton frère plus longtemps. Mais n’oublie pas une chose : je serai toujours là, même si tu ne me vois pas.
Une fine brume blanche dont seule ma fille peut voir, s’élève rapidement pour s’évanouir dans le ciel bleu sans nuage, de ce mois de juillet.
— Je t’aime maman. Murmure-t-elle en me regardant m’éloigner, avant de s’effondrer de chagrin.

Emportée par un p... de cancer, Marie est partie retrouver son petit garçon, 36 ans après l'avoir perdu.




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ChloéN
Non-dit

 
Tout était allé très vite pour Sophie. Quelques jours après avoir envoyé sa candidature, un entretien téléphonique avait suivi pendant de plus de 30 minutes.
Ce matin-là, le rendez-vous n’était que pure formalité. En arrivant dans l’immeuble de son futur lieu de travail, tout le monde s’était retourné sur son passage et l’avait dévisagé. En s’adressant à l’accueil, elle fut accueillie par un haussement de sourcils accompagné d’un “Oui c’est pour quoi ?” très sec. Elle annonça qu’elle avait un rendez-vous avec la responsable du site.
— Votre nom ?
Après avoir vérifié sur son listing, l’hôtesse demanda à Sophie un justificatif d’identité. Elle sortit sa carte d’identité.
L’hôtesse décrocha son téléphone, annonça la présence de Sophie puis murmura quelques mots que Sophie n’entendit pas.
— Effectivement, votre nom est indiqué mais Madame X ne peut pas vous recevoir aujourd’hui.
— Ah ?? Pourtant, on s’est parlé hier soir… Et vous savez à quand le rendez-vous est reporté ?
— Y’aura pas d’autre rendez-vous !
Sophie était assommée. Elle ne comprenait pas cette froideur, ce revirement de situation. La personne qu’elle avait eue au téléphone la veille semblait très enthousiaste. Elle lui avait même confié que sa candidature était la première à être arrivée et la seule à avoir été sélectionnée. Elles avaient même plaisanté ensemble. Non, elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait.
Sophie avait mis tous ces espoirs dans ce rendez-vous. Ce devait être son premier CDI.
L’hôtesse la regardait avec un tel mépris qu’elle se sentit mal à l’aise. Elle fit mine de faire demi-tour, de retourner d’où elle venait. Mais elle se souvenait qu’elle n’avait pas récupéré sa pièce d’identité. Elle retourna donc vers la pimbêche qui officiait à l’accueil et demanda à voir la personne avec qui elle avait rendez-vous, elle ne partirait pas tant qu’elle n’aurait pas eu une explication.
L’hôtesse reprit son téléphone non sans un certain agacement et se retourna pour murmurer dans le combiné. Quelques secondes plus tard, Sophie vit le store d’un bureau attenant à l’accueil bouger et aperçut une femme qui la scrutait tout en parlant au téléphone.
Quelques minutes plus tard, une éternité pour Sophie, la même femme vint à sa rencontre. Une grande blonde, la petite quarantaine et le parfait look de la business girl.
Sans un bonjour, elle était visiblement gênée et agacée, elle annonça de but en blanc à Sophie que le poste en question n’était pas libre.
— Oh… entre hier soir et ce matin, le poste a déjà été pourvu… ??
— C’est ça !
— Et… vous n’avez pas penser à me prévenir ?
— Désolée que vous vous soyez déplacée pour rien !
Sophie ne bougea pas. Elle ne quittait pas cette femme des yeux, qui avait du mal à cacher son malaise, pour ne pas dire son agacement d’en finir le plus rapidement possible. Mais elle comprit que Sophie ne quitterait pas ce hall tant qu’elle n’aurait pas une explication. Elle se lança alors après avoir pris une grande inspiration.
— Il y a une erreur de casting.
— …
— En voyant votre nom, je m’attendais à rencontrer une grande blonde. Vous avez un nom hollandais ?! Je pensais que vous étiez… euh… je ne m’attendais pas à…, lança-t-elle à Sophie en la désignant du menton.
Tout se mettait en place dans la tête de Sophie. Elle était loin d’imaginer ce qui était en train de lui arriver.
— Oh je vois. Je l’étais probablement dans une autre vie, mais depuis j’ai déteint et rétréci au lavage !
— Je dois reconnaître que vous avez le sens de la répartie et un certain sens de l’humour…
— Noir, bien sûr !
Sophie se retourna sans un mot. Elle en avait assez entendu.
— Si je l’avais su, cela vous aurait évité de vous déplacer pour rien. Dommage que… enfin vous voyez…, peut-être que dans une autre vie….
Sophie se retourna une dernière fois, la jaugea des pieds à la tête et lui rétorqua droit dans les yeux :
— Vous me dégoûtez !
 
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Harper Lee Le portrait d'une auteure très discrète



Quand certains font le choix de sortir un livre une fois par an, pour être fin prêt pour les prix littéraires, d’autres préfèrent prendre leur temps. Touuuut leur temps. Un état d’esprit qu’affectionnait tout particulièrement Harper Lee.


Retour sur un parcours exceptionnel
Nell Harper Lee abandonne son premier prénom pour éviter toute confusion avec un auteur masculin, est née le 28 avril 1926 à Monroeville (USA).
Elle commence des études de droit qu’elle abandonne rapidement, ainsi que son Alabama natal. Direction la Grosse Pomme pour devenir écrivain.
Harper Lee écrit des nouvelles qu’elle envoie à un éditeur, qui lui conseille de retravailler l’une d’elles pour en faire un roman. C’est ce qu’elle fera pendant plus de deux ans.
En 1960, “To Kill a Mockingbird” ("Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur") est édité. Le roman fait un carton ! 500 000 exemplaires sont écoulés en une année, 30 millions vendus à ce jour. Les droits sont achetés par plusieurs pays, de même pour les droits cinématographiques.
Le livre qui traite des préjugés sur fond de lutte pour les droits civiques pendant la Grande Dépression, est traduit dans 30 langues et est étudié dans de nombreux lycées américains.
Un an après sa sortie, l’ouvrage dont l’auteure s’est largement inspiré de sa propre vie, reçoit le Prix Pulitzer.
En 1962, "Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur" est adapté au cinéma avec "Du silence et des ombres". Le film remportera 3 Oscars.


Timide ? Dépassée par ce succès soudain ? Pendant 40 ans, l’amie d’enfance de Truman Capote, ne donnera aucune interview. Elle laissera juste entendre en 1964 qu’elle travaille sur un nouveau roman mais aucun ouvrage ne sortira.
Cette réserve n’est pas sans rappeler un autre grand auteur américain, JD Salinger.


En 2007, Harper Lee accepte de sortir de sa réserve pour recevoir la Médaille Présidentielle de la Liberté des mains du président Bush mais refuse de faire tout discours.
A 89 ans et 55 années après la sortie "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur", Harper Lee fait revivre ses personnages dans "Va et poste une sentinelle", son second roman sorti en 2015. Et c’est sans grande surprise que son éditeur a annoncé que l’auteure ne fera pas aucune promotion.
Après avoir fait figurer son premier roman dans les plus grands best-sellers du 20ème siècle, Harper Lee s'est éteinte le 19 février 2016, à Monroeville, sa ville natale.
“Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur” (Le Livre de Poche - Réédition 2006)
”Va et poste une sentinelle“ (Grasset - 2015).
 
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« Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on finit dans les étoiles ».  Oscar Wilde

Ça y est, c’est décidé. Oscar a fait son choix. Cette année, il va taper un grand coup. Sa décision est prise. Juste son plus proche entourage est au courant. Le monde entier ne va parler que de ça. Va t’il être salué pour sa décision ou au contraire, conspué ? Il s’en fiche. Il est temps de faire bouger les choses, de faire évoluer et bousculer les mentalités.
Ca fait quelque temps qu’Oscar la regarde, l’observe du coin de l’œil mais cette année, c’est elle qu’il veut. Il  aime sa persévérance, son style, sa manière de jouer avec les autres, sans toutefois monopoliser l’attention sur elle et sa façon de se battre pour arriver là où elle en est aujourd’hui. Elle joue avec tout le monde, il le sait mais c’est justement sa façon d’être en permanence quelqu’un d’autre qui lui plaît. Elle est naturelle et discrète.

Hattie sait depuis quelques jours qu’elle fait partie du cercle très fermé de celles qui ont une chance de rentrer chez elle avec Oscar ce soir-là. Rien que le fait de savoir qu’il a pensé à elle, la comble de bonheur. Jamais elle n’aurait imaginé en arriver là. Et le résultat va se faire sous l’oeil des caméras.
Non, Hattie ne va pas être choisie à l’aide d’une rose. Non, Oscar n’est pas le prince charmant du prochain Bachelor. On est loin de ces émissions de télé réalité qui pulluleront les écrans plusieurs décennies plus tard. Internet et les réseaux sociaux n’existent pas.

Non car nous sommes en 1940. La télévision est en noir et blanc et tous les foyers n’en sont pas encore équipés. Cela n’empêche pas qu’une nouvelle ère se prépare.

Mais qui est donc cet Oscar qui a l’air d’avoir une influence à une échelle mondiale ? Oscar, c’est le petit dernier d’un émigré russe qui est devenu l’un des plus grands producteurs de cinéma américain. Un gosse de riche pourrait-on dire aujourd’hui, discret, qui ne sort guère. En fait, il ne se montre qu’une fois par an, pour cette soirée qu’a créée son paternel à la fin des années 20.
Oscar est très convoité, il le sait et les places pour l’avoir à ses côtés sont très chères et très peu d’élus y parviennent. Il faut le mériter, le bonhomme. Il a souvent été copié, notamment en France mais sa renommée et son pouvoir restent inégalés.

Hattie quant à elle, tente de garder son calme bien qu’elle soit très excitée. Comme toutes les femmes qui sont présentes à cette soirée, elle a soigné les moindres détails de sa tenue.

Ça y est, le moment tant attendu, tant espéré est enfin arrivé.
Les convives sont tous installés autour de tables. Ils achèvent de dîner tout en plaisantant, cigarette à la main. Eh oui, à cette époque, on pouvait fumer dans les lieux publiques.

Une femme s’approche du pupitre où est installé un micro. Elle prend la parole. Le silence s’installe et tout le monde se tourne vers elle et l’écoute avec attention. Son discours est émouvant. Quelques secondes plus tard, sous un tonnerre d’applaudissements, apparaît Hattie qui vient d’apprendre que c’est elle la grande gagnante. Sous les flashs des photographes, elle se dirige vers la scène d’un pas décidé pour s’exprimer, remercier tous ceux qui grâce à leurs votes, elle est présente ce soir. Elle est heureuse (ça se voit), elle tente de contenir son émotion (ça s’entend). À la fin de son court discours, elle craque. L’émotion est trop grande, elle peine à articuler ses derniers mots. Elle prend son trophée et s’enfuit presque, un mouchoir sur les yeux pour contenir ses larmes.

Ce soir-là, Hattie McDaniel est la première femme noire à obtenir un Oscar.L’Oscar du meilleur second rôle féminin pour son rôle de Mammy dans "Autant en emporte le vent".
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ChloéN

Je n’arrive pas à t’oublier depuis que tu m’as quitté
Chaque jour, je pense à toi
Car depuis ton départ, je ressens un énorme vide en moi
À chaque fois, je me réjouis de te retrouver
Dans cet endroit plein de sérénité
À l’abri des regards sous ce grand chêne
Je te raconte mes espoirs et mes peines
Je ne sais pas si je vais pouvoir venir encore longtemps
Car je dois, malgré tout aller de l’avant
Mais sache qu’ici ou ailleurs
Tu seras toujours dans mon coeur
À toi qui me manque tant
Sache que je t’aime et je t’aimerai toujours autant.
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Il y a quelques mois de cela, je suis tombée sur une nouvelle série “Reign”, inspirée de la vie de Marie Stuart. Grande fan de séries et d’Histoire, je me suis dit génial, enfin un programme intelligent, qui va allier plaisir et culture. Ca évitera de farcir un peu plus le cerveau de nos gamins de télé-réalités abrutissantes.
Bon revenons au règne de Marie Stuart. Mais voilà, sans être historienne, j’ai eu la même réaction quand, il n’y a pas si longtemps, j’ai entendu dire que Marie-Antoinette était la maîtresse de Louis XIV, qu’elle logeait au fond du jardin (le Trianon) pour ne pas énerver la reine, Catherine de Médicis (si, si, je l’ai entendu de la bouche même d’une gamine de… 50 ans !!!). Là, mes bras (et mes ailes) m’en sont tombés ! J’imagine que vous voyez où je veux en venir.
La série a été réalisée pour attirer un public jeune, au point de réécrire toute l’histoire. Mis à part que dans la série, ils sont tous jeunes, beaux, bien lisses comme il faut, les décors et les costumes ne correspondent en rien à l’époque. Les deux réalisatrices sont même allées jusqu’à créer de nouveaux personnages comme ce Bash, fils issu des amours de Diane de Poitiers et d’Henri II ! Et pour couronner ce massacre, une bande-son avec Lord (notez que je n’ai rien contre la chanteuse néo-zélandaise, loin de là) mais dans ce cas-là, pourquoi ne pas y aller franco et nous mettre du Kanye West ou du Lady Gaga ? J’entends déjà les gamines accros à cette série, me dire “Ouais mais c’est une série, une fiction quoi !! ¨P’t…n c’est normal qu’ce soit réécrit sinon ça intéresserait qui ? Tu veux de l’Histoire ??? T’as qu’à zapper sur Historia !” Malheureusement, ça a plu puisque la 3ème saison a débarqué cet automne (par contre, ne comptez pas sur moi pour vous donner plus de détails).
Bon, vous l’avez compris, “Reign” est plus proche des “Feux de l’amour” ou de “Gossip Girl” version 16ème siècle, que des “The Tudors”, “House of Saddam” ou des “Borgia”.
Pour ne plus entendre d’idioties comme j’ai pu l’entendre ou pour que vos enfants (et les autres aussi) ne vous répondent plus “Ouais mais moi, j’peux pas tout savoir, et pi, j’te rappelle, qu’à c’t’époque-là, j’tais pas né !!”, (expression qui me donne à chaque fois une envie irrépressible de distribuer des baffes), je vous recommande donc un livre que tout passionné(e) d’Histoire doit avoir dans sa bibliothèque. Très bien narré par un écrivain, journaliste et biographe entre autres. L’auteur même de la “Lettre d’une inconnue”, Stefan Zweig, nous livre ici une biographie très fouillée et sans fioritures.
“Marie Stuart” est une pure merveille, à la fois instructive et passionnante. 411 pages, 23 chapitres datés, pour nous faire (re)vivre les moments clés du destin incroyable de cette reine déchue et hors du commun.
Un must have qui se dévore comme un roman.

“Marie Stuart” de Stefan Zweig – Editions Le Livre de Poche - 2001
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Nous sommes en 1945, à Chicago.
Emmett Louis Till, dit “Bo”, va sans le savoir, être l’un des acteurs majeurs de la création du Mouvement des droits civiques.
Emmett a 14 ans, il vit avec sa mère qui l’élève seule depuis son divorce. L’été 1955, l’adolescent part passer quelques jours de vacances chez un oncle dans un patelin du Mississipi et retrouver ses cousins. Avant de partir, la mère le met en garde : elle lui rappelle que les relations envers les afro-américains dans le Mississipi sont très différentes de Chicago.
Emmett arrive le 21 août. Avec ses cousins et d’autres adolescents de leurs âges, Emmett entre dans une boutique, tenue par une jeune femme d’une vingtaine d’année, Carolyn Bryant, pour y acheter des friandises.
Très vite, la jeune femme accuse le jeune Emmett de l’avoir siffler, puis de l’avoir draguer. Tout le comté est déjà au courant. Trois jours plus tard, le mari de Carolyn, Roy qui était en déplacement, voit rouge en apprenant la nouvelle.
Avec son demi-frère JW Milam, il se rend chez l’oncle d’Emmett en le menaçant d’une arme. En pleine nuit, ils finissent par emmener le jeune adolescent dans une plantation du comté voisin.
Trois jours plus tard, le corps d’Emmett est retrouvé gisant dans une rivière. Un fil barbelé relié aux pales d’un ventilateur autour du cou, les yeux ont été arrachés de leurs orbites, une oreille pend le long de son visage, le crâne atrocement déformé par les coups mais également criblé de balles. Le corps identifié par l’oncle, a pu l’être grâce à une chevalière que portait le garçonnet, cadeau de son père.
Interrogés par le shérif, les deux hommes affirment que finalement ce n’était pas Emmett qui avait insulté la femme de Roy et qu’ils l’avaient laissé partir.
L’affaire se déroulant au fin fond du Mississipi, aurait pu en rester là. Un Noir de plus, qui s’en soucierait ? Mais la mère d’Emmett, Mamie qui vit dans la grande ville de Chicago, demande que le corps de son défunt fils soit rapatrié. Les pompes funèbres réclament la somme de 3000$. L’affaire fait déjà grand bruit à Chicago. Des manifestations pour dénoncer cette barbarie sont organisées dans les grandes villes des Etats-Unis.
La NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) ainsi que le jeune avocat, Martin Luther King apportent leurs soutiens pour soulever des fonds pour que Emmett soit inhumé dans sa ville natale.
Aux obsèques, Mamie exige que le cercueil soit ouvert, pour que le monde entier puisse voir l’horreur faite à son unique fils. Les représentants des pompes funèbres refusent. La mère enlève elle-même les clous qui scellent le petit cercueil. La foule est présente pour rendre un dernier hommage au petit Chicagoan. Beaucoup sont victimes de malaise à la vue de l’inimaginable. Des photos de la jeune victime défigurée dans son cercueil font le tour du pays et suscite l’indignation générale.
Le 19 septembre 1955, le procès de Roy Bryant et de son demi-frère JW Milam débute. Il faudra moins d’une semaine pour que l’affaire soit bouclée et moins d’une heure pour que les 12 jurés, que des hommes blancs, proches des deux frères, donnent leur verdict : non coupables. C’est le tollé général dans tout le pays.
Quelques mois plus tard, contre la somme de 4000$, les deux frères acceptent de donner une interview où, protégés par la loi “Double Jeopardy Act” (loi qui empêche d’être jugé deux fois pour le même crime), avouent qu’ils ont été obligés de donner une leçon au “négro”, que ce dernier ne voulant pas s’excuser, ils n’avaient alors pas le choix, ils devaient en faire un exemple.
Les deux frères sont aujourd’hui morts. Carolyn, la femme de Bryan a divorcé de nombreuses années plus tard et se terre quelque part aux Etats-Unis.
Pendant plus de huit ans, un jeune réalisateur de documentaires, Keith Beauchamp a mené sa propre enquête, a interrogé des témoins qui jusqu’alors avaient gardé le silence. En 2004, son documentaire permet au ministère de la Justice d’ouvrir à nouveau le dossier. Une autopsie est effectuée, les tests ADN confirment que le corps est bien celui du jeune Emmett. Mais les témoins de l’époque refusent de parler à la police. Par peur pour les afro-américains, pour cacher la vérité pour les autres. Il s’avère que plus d’une dizaine de personnes est impliquée dans ce lynchage. Et de nombreux dossiers ont mystérieusement disparu.

Moins de trois mois plus tard, c’est une couturière du nom de Rosa Parks qui fait la Une des journaux.
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ChloéN


Remontons le temps et arrêtons nous à la cérémonie des Oscar de 1940. Ce soir-là, une femme de 45 ans qui se trouve dans l’assistance ne sait pas qu’elle va devenir un symbole, une fierté pour beaucoup et va entrouvrir une porte pour de nombreux acteurs en devenir.
Cette femme, c’est Hattie McDaniel. Née en 1895 au Kansas, cette fille de pasteur débute sa carrière à 18 ans, et c’est à partir de 1932 que Hattie va enchaîner les rôles de domestiques. Et c’est l’un d’eux qui va la propulser à la place tant convoitée d’oscarisée.
Son rôle de Mammy et ses inoubliables “Mam’zelle Scarlett” dans Autant en emporte le vent est récompensé par un Oscar du meilleur second rôle féminin, faisant d’elle la première femme noire à obtenir la célèbre statuette.
Pourtant quelques mois plus tôt, rien ne laissait présager une telle nomination. Car lors de la première mondiale du film, l’actrice s’est vu refusé l’entrée du théâtre. À cette époque, Atlanta où se déroule la projection, la ville pratique la ségrégation raciale. Le producteur, Daniel Selznick tente de lui obtenir une dérogation. En vain. L’acteur Clark Gable menace de boycotter la première. Hattie l’en empêche.


Malgré son Oscar, Hattie McDaniel doit faire face à ses détracteurs qui l’accusent de ne pas faire avancer la cause des noirs avec ses rôles de domestiques.
L’actrice au caractère bien trempé dans le film, l’est tout autant dans la vie. Elle leur répond qu’elle préfère jouer une femme de ménage que d’en être une. Elle ajoute qu’elle préfère gagner 7000 dollars la semaine en jouant le rôle d’une domestique que de gagner 7 dollars pour la même période en étant elle-même une femme de ménage.
Hattie McDaniel qui a tourné dans plus d’une trentaine de films s’éteint à l’âge de 57 ans emportée par un cancer.
 
62 ans plus tard, une autre actrice noire accède, cette fois-ci à la haute marche avec l’Oscar de la meilleure actrice. C’est Halle Berry dans… À l’ombre de la haine.
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