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Œuvres

Défi
ChloéN

Ils s’étaient rencontrés la première fois lors d’une soirée chez des amis communs. Ce fut un véritable coup de foudre. Toute la soirée, ils s’étaient dévoré des yeux, se souriaient sans oser se parler. Tous deux étaient intimidés. Chacun attendait, espérait que l’autre allait franchir le pas.
Toutefois, lorsqu’elle quitta la soirée, il lui emboîta le pas. Ils se retrouvèrent dans l’ascenseur. Ils échangèrent quelques banalités concernant la soirée. Arrivée en bas de l’immeuble, elle lui demanda où se trouvait la station de taxi la plus proche. Il était en voiture, il allait la raccompagnait. Ils avaient alors, commencé à flirter, puis au fil des semaines, ils étaient devenus amants.

C’était son premier grand amour, elle pensait à lui chaque minute de sa vie. Elle vivait pour lui. C’était son tout. Avec lui, elle se sentait une vraie femme. Il était son oxygène, sa raison de vivre.
Mais quelques mois après leur rencontre, il eut une proposition dont il ne pouvait refuser : une mission de plusieurs mois à New York pour développer l’entreprise pour laquelle il travaillait et qui venait de s’installer pour la première fois outre atlantique.
Ils s’étaient promis de s’appeler régulièrement et de faire des allers-retours dès que leurs emplois du temps et leurs finances leur en donneraient l’occasion.

Il était revenu pour les fêtes de fin d’année, mais chacun avait passé beaucoup de temps auprès de leurs proches et ils n’avaient pas pu se voir autant qu’ils l’avaient espéré.
Le décalage horaire ne leur permettait pas de se parler longuement et aussi souvent qu’ils l’avaient souhaité, et puis leurs activités professionnelles leur prenaient beaucoup de temps. Les appels se firent, au fil des semaines, moins réguliers.

Au mois de mai, elle profita des jours fériés et surtout de son anniversaire pour aller rendre visite à celui qu’elle aimait par-dessus tout. Il l’avait prévenu, il ne pourrait pas lui consacrer beaucoup de temps. Qu’importe, elle voulait le voir, le toucher, le sentir, être avec lui tout simplement.
Sur place, elle passait ses journées seule. Elle aurait aimé visiter cette ville, aussi magique que grandiose, qui l’avait fait rêvé depuis qu’elle était enfant, avec lui. Elle le voyait peu. Il partait tôt et lorsqu’il rentrait, il se replongeait dans le travail. Ils avaient fait une sortie au restaurant, l’unique, pour son anniversaire. Il lui avait promis que la prochaine fois, il serait plus disponible. Elle aurait aimé qu’il lui proposât de s’installer avec lui, un mot, quelque chose qui lui aurait démontré qu’il tenait à elle, comme elle tenait à lui.

Elle rentra à Paris avec un goût amer de ce séjour. Le temps où ils s’appelaient plusieurs fois par jour, sans compter des textos, était loin. Les coups de fil s’étaient raréfiés. Elle n’insista pas, elle ne voulait pas se montrer étouffante, elle ne voulait pas le perdre. Au bout de quelques semaines, elle comprit que leur histoire d’amour ne pouvait perdurer. Trop de distance et un océan les séparait.
Elle eut quelques histoires, sans intérêt. Elle n’arrivait pas à l’oublier.
Elle s’était inscrite sur  les réseaux sociaux pour avoir de ses nouvelles. Elle regardait ses derniers post, ses dernières photos. Visiblement, il était heureux dans sa nouvelle vie, dans son nouveau pays, avec ses nouveaux amis. Mais rien sur sa vie amoureuse. Elle gardait espoir. Peut-être qu’un jour, ils se reverraient et pourquoi pas…

Un matin, un message sur les réseaux sociaux lui apprit qu’il était de retour en France. Après une petite enquête, elle apprit où il résidait à présent. Après avoir longuement tergiversé, elle se décida. Il fallait qu’elle le rencontrât, pour pouvoir aller de l’avant, pour continuer sa vie. Elle devait lui parler, se livrer, lui dire ce qu’elle avait sur le coeur, tout ce qu’elle avait gardé toutes ces années.
C’était une belle journée ensoleillée et chaude. Elle arriva devant le portail. L’endroit était gigantesque. Elle se dirigea vers l’accueil où on lui indiqua où le trouver. Elle le repéra. Elle le vit. Elle était nerveuse. Elle avança lentement. Les larmes lui montèrent aux yeux, son visage s’inonda rapidement. Elle n’aurait pas imaginé le revoir dans un endroit pareil, se retrouver devant lui dans de telles circonstances. Elle se retrouva devant lui. Elle s’effrondra. Au bout de quelques longues minutes, elle murmura enfin entre deux sanglots : “Je t’aime. Je n’ai jamais cessé de t’aimer. Repose en paix mon amour.” (©)

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ChloéN

13 ans qu'elles ne s'étaient pas revues. Aucunes nouvelles. Juste quelques textos laconiques sans “Bonjour”, ni “Comment vas-tu ?”, mais uniquement pour rappeler l’anniversaire de son fils, l’obtention de son Bac, l’intégration dans une école privée. Ces grands évènements d’une vie où l’on offre des cadeaux.

Il y a 13 ans, Samantha dit Sam, était parti avec son gamin sous le bras pour Bordeaux, sans explication.
Elle appelait uniquement sa famille lorsqu'elle avait besoin d'argent. Elle passait ensuite un coup de fil pour remercier, au cas où, ça pourrait toujours servir pour une prochaine fois ! Puis silence radio. Pas de nouvelles pour les anniversaires, Noël ou le jour de l'An. Rien.  

Depuis quelques jours, Lucie sa jeune sœur savait qu'elle allait devoir passer ce coup de fil. Elle le redoutait, le reculait. Mais ce dimanche matin, elle se lança.  
— Bonjour, c'est Lucie, ta sœur. Peux-tu me rappeler dès que tu auras mon message ? Merci !  
Le ton était sec et froid.
Dix minutes plus tard, le téléphone de Lucie sonna.
— Allô !
— Salut, je te rappelle. Tu m’as laissé un message ?!
Aucune surprise dans la voix.
— Oui. Désolée de t’appeler aussi tôt. Je ne te dérange pas ?
— Non, ça va, je suis en jet-lag, je reviens de Bali, je dors pas beaucoup depuis que je suis rentr...
— Je t’appelle pour te dire que maman est partie cette nuit !
— Ah et elle est où ?
— Je suis en train de te dire que maman est décédée.
Silence.
— Elle était malade ?
— Oui. Ca fait 2 mois qu’elle est hospitalisée ! Annonça Lucie, qui n’arrivait pas encore à parler de sa mère au passé.
— Oh, je comprends pourquoi elle n’a pas voulu que je sois au courant… Elle ne voulait pas que je m’inquiète pour el…
— Arrête ! T’inquiéter pour elle ? Ça fait 13 ans qu’elle n’a pas eu de tes nouvelles, ni de son petit-fils. Tu n’as jamais répondu à ses coups de fils. La dernière fois, qu’elle t’a eu, c’était pour t’annoncer que ta tante, sa soeur est décédée. Tu lui avais dit que tu enverrais des fleurs. On les attend toujours ! Tu n’as même pas été fichu de l’appeler pour lui demander comment elle allait ! Alors ne viens pas me dire qu’elle te protégeait. Elle ne savait même pas si tu étais encore en vie ou pas. Maintenant je t’ai prévenu... je ne sais même pas pourquoi. Lui cracha Lucie, à bout de nerfs.
— Ah, je me rappelais plus de ça… Lui répondit-elle évasive.
— Tu veux peut-être que je te rafraîchisse la mémoire ? Y’en a encore plein d’autres comme ça…
Lucie était maintenant énervée.
— Et c’est quand l’enterrement ?
— Je viens de te dire que maman est décédée cette nuit. On est dimanche matin, et il est 10 heures ! Répliqua Lucie sèchement.
— Oh c’est vrai, j’oubliais, je suis en jet-lag ! Rappelle-moi quand tu en sauras plus.

Lucie raccrocha furieuse ! Mais sur quelle planète vivait-elle ? Aucun pleur, aucune réaction, aucune tristesse dans la voix, aucune empathie. Rien. Sam venait d’apprendre qu’elle venait de perdre sa mère, et tout ce qui l’importait, c’était son jet-lag ! Comme si ses vacances allaient intéresser Lucie.

Le lendemain, Lucy informa tout de même sa soeur de la date de l’enterrement. Cette dernière ne savait pas si elle pourrait “monter”. Pas de véhicule en co-voiturage disponible, le train trop long, l’avion trop cher et sa voiture trop vieille !
Au bout de quatre heures et probablement soumise à un cas de conscience qui la fit culpabiliser, Sam informa Lucie qu’elle avait enfin trouvé un vol pour le lendemain.

Les retrouvailles n’étaient pas ce que Lucie avait espéré. Elle était anxieuse, nerveuse et en même temps contente de revoir sa grande soeur.
Sam se comporta, elle, comme si elles s’étaient vues la veille, comme si de rien n’était. Un simple “salut Lucie” et une bise sous la joue. Elle toisa ensuite Lucie de la tête aux pieds en haussant les sourcils. Son neveu lui lança un vulgaire “Salut” du bout des lèvres, en la dévisageant également. Lui qui avait annoncé à son patron qu’il devait s’absenter car “sa famille était sa priorité” !
Lucie était déçue. À quoi s’attendait-elle ? À une effusion d’embrassades, de paroles réconfortantes, de regrets ?
Les années passaient, mais les gens ne changeaient pas.

À peine dans la voiture, voilà que les bonnes habitudes, que Lucie avait oubliées, reprenaient. Sam critiquait tout : les embouteillages, la pollution, la foule, les gens, le temps, Paris,...
Lucie mit de l’eau dans son vin. Elle s’était promis qu’elle ne ferait pas d’esclandres. Elle se taisait et encaissait en silence.

Le lendemain, la cérémonie se passa sans encombre. Lucie était la seule à pleurer dans l’assistance. Tout le monde la dévisageait comme une bête de foire. Merde, ils étaient à des funérailles ! Un peu de compassion, un mot réconfortant lui aurait fait du bien.
À peine étaient-ils rentrés du cimetière que le neveu de Lucie était déjà le nez dans son ordinateur avec un casque sur les oreilles. Son frère se comportait comme s’il était chez lui, farfouillant partout.
— Bon, et maintenant on fait quoi ? On se fait ch… On peut mettre de la musique ou allumer la télé ? Tu fais quoi à manger ce soir ? J’ai faim.
Lucie crut s’étouffer en entendant les propos de son frère. La moutarde lui monta rapidement au nez. Elle tenta de se contenir.
Elle demanda à son neveu où se trouvait sa mère.
— Elle est partie se coucher. Elle est fatiguée, lui lança-t-il sans même lever son nez de son écran.
— Elle est fatiguée ? C’est une blague, là ?
— Non. Va voir si tu ne me crois pas, lui répondit-il exaspéré que sa tante l’interrompit dans sa conversation sur Skype avec sa petite amie.
— Tu sais ce que c’est que d’être fatiguée ? Ça fait deux jours que je dors pliée en quatre sur un canapé deux places, pour vous laisser dormir. Ça fait deux mois que je me lève à cinq heures du matin pour aller bosser. Je rentre à quatre heures sans même avoir déjeuné, pour faire à manger à TA grand-mère et je cours à l’hôpital où je reste à ses côtés jusqu’à vingt et une, vingt-deux heures et que je rentre à pied parce qu’il n’y a plus de transports. Alors ne viens pas me dire que ta mère, qui rentre de vacances est fatiguée. Depuis, que vous êtes là, elle ne fait que fumer, bouffer et dormir ! Hurla Lucie.
Silence.
Il retourna à son écran. Lucie tenta de se calmer. Elle n’avait qu’une envie, c’était de balancer ce fichu ordinateur par dessus le balcon. Elle s’enferma dans la cuisine. Elle ne voulait plus les voir. Elle fuma cigarettes sur cigarettes.
Elle se rendit compte qu’elle était entourée de personnes dénuées de sentiments, de compassion, d’humanité.

À son réveil, Sam trouva sa soeur en larmes.
— Qu’est ce que tu as ? Pourquoi tu pleures ? Interrogea Sam surprise.
— Elle me manque déjà, elle me manque trop. Je suis fatiguée de tout. J’en peux plus ! Souffla Lucie à bout.
— Oui, je sais. Mais ça va passer !
— Quoi ? Qu’est-ce qui va passer ? Que je vais l’oublier ?
Sam regarda sa soeur intriguée, feignant de ne pas comprendre la situation et sortit de la pièce pour aller fumer ailleurs.

Malgré l’ambiance et les divergences entre les deux soeurs, Sam décida tout de même de rester toute la semaine. Lucie espérait quant à elle, non pas rattraper le temps perdu, mais au moins avoir des explications sur ce silence de 13 années, ce mépris envers sa mère et elle-même. Et pourquoi pas, avec le temps, renouer lentement, apprendre à connaître cette grande soeur, qui, déjà à l’époque, ne se souciait guère d’elle.

Le reste de la semaine et le week-end étaient loin de se passer comme Lucie l’avait imaginé.
Aucune question de la part de Sam concernant leur mère, sa maladie, son décès. Rien. Pas plus de question concernant sa vie, à part savoir si Lucie avait quelqu’un dans sa vie. Vu son comportement, cette dernière préféra garder sa vie privée pour elle. Elle n’avait pas envie d’entendre les sarcasmes de sa soeur concernant les hommes.

Par contre, Lucie connaissait tout ou presque de la vie de sa soeur. Pas besoin de le lui demander, Sam adorait parler d’elle et de son fils, cet être si intelligent et si gentil ! Mais aussi de son travail dans une multinationale, de la façon dont elle avait élevé seule son fils, sans l’aide de personne (!), de ses nombreux voyages à l’autre bout du monde, de ses soirées tricot. Lucie se rendit compte qu’elle n’avait aucun point commun, aucune affinité avec elle. Car à part, avoir le même sang dans leurs veines et porter le même nom, sa soeur était une parfaite inconnue, qui ne l’intéressait aucunement.

La seule chose qui intéressait Sam, était de profiter et surtout d’amortir son week-end prolongé dans la capitale : shopping, visites, balades, profiter du soleil, même si “le nôtre” n’était pas aussi chaud que “le sien”, et se reposer. Bref un week-end cinq étoiles, bien loin d’une période de recueillement et de deuil. Lucie savait que tout le monde ne réagissait pas de la même manière face à un décès. Mais là… Ça atteignait des sommets…

Dimanche arriva enfin, le jour du départ de Sam. Lucie allait enfin pouvoir se retrouver. Être seule, reprendre possession de son appartement et ne plus à dormir sur le canapé. Elle en profita pour faire un grand ménage. Plus pour enlever toutes traces de leurs passages, de leurs présences, de leurs parfums qu’autres choses.

Le soir, Sam contacta sa soeur sur Skype. Pas pour la remercier pour l’avoir, elle et son fils, accueillit mais pour lui dire qu’elle était contente de retrouver son chat, d’être enfin chez elle, là où les gens étaient plus détendus, moins stressés qu’à Paris et plus souriants.
Lucie, elle aussi était contente. Plus personne pour lui dire comment elle devait se coiffer, s’habiller, cuisiner. Plus à entendre à tout bout de champs qu’elle devait prendre 10 kilos, qu’elle devait impérativement se faire une teinture. Elle était enfin soulagée ne plus être envahie, dirigée.

C’est vrai que le jour où sa mère était entrée à l’hôpital, Lucie ne s’était occupée que d’elle, mais que pouvait-elle faire d’autre ? C’est, c’était sa mère. Résultat, elle avait perdu beaucoup de poids, pas moins de 10 kilos en 3 semaines et ses cheveux ébène étaient devenus blancs en quelques jours.
Mais même si sa mère n’était plus là, Lucie devait encore s’occuper d’elle. Elle devait maintenant s’atteler à la paperasserie, à tout l’administratif. Sam lui offrit son aide. Lucie pensa qu’elle lui avait proposé cela uniquement pour avoir bonne conscience car que pouvait-elle faire à 500 Km de là ?

Quelques jours seulement après son départ, Lucie reçut de la part de Sam un carton rempli de victuailles régionales, soi-disant pour la “remplumer”, puis tous les 10 jours, elle avait droit à un colis. Un jour, des écharpes et un poncho tricotés par ses propres soins, sa grande fierté. Un autre jour, des vêtements spécial grand froid achetés à l’occasion d’un voyage en Laponie (plus utiles à Paris qu’à Bordeaux en hiver), avec des porte-clés et autres gadgets inutiles, l’occasion idéale pour refourguer ces « cadeaux » publicitaires dont tout le monde se fiche éperdument.

Sam contactait Lucie pratiquement tous les soirs pour avoir des nouvelles. Non pas pour avoir des nouvelles de sa petite sœur, ou pour savoir si elle rencontrait des difficultés auprès de l’administration, non ça, ça ne lui venait même pas à l’esprit. Chaque soir, elle commençait par lui demander comment leur mère cuisinait telle ou telle recette, si la tombe était bien entretenue, mais surtout pour savoir ce que leur mère avait bien pu lui révéler. Leur mère ne s’était jamais confiée sur son enfance, sur ses parents et grands-parents, que Lucie n’avait pas connu. Sam voulait connaître les secrets et autres sujets tabous de la famille. Elle alla même lui demander de lui fournir des documents bancaires pour savoir ce qu’était advenu l’argent de leur père, décédé cinq ans plus tôt.
Certains soirs, Sam envoyait des messages pour le moins dérangeant voire malsain pour Lucie, qui frisaient l’arrogance et la prétention. Du genre “Finalement, on n’a pas été les plus pires des enfants”, “Arrête d’aller au cimetière, tu empêches son esprit de reposer en paix”, ou encore “Si je devais recommencer, je me comporterai exactement pareil”. La jeune soeur se demandait si Sam s’écoutait lorsqu’elle débitait de telles idioties ou si elle la prenait pour une petite idiote sans cervelle.
Son frère, quant à lui, l’appelait et venait la voir quasiment tous les jours pour savoir où en était l’avancement de la succession.

Tout s’arrêta lorsque l’argent de leur mère fut versée. Les conversations du soir, les colis, les mails, les coups de fil s’étaient soudain raréfiés puis plus de nouvelles pendant plusieurs jours, plusieurs semaines, plusieurs mois. Sam savait où trouver Lucie lorsqu’elle avait besoin d’un renseignement, de parler d’elle ou de son fils, et comme toujours, sans le moindre remerciement. Elle ne donnait de nouvelles que lorsqu’elle avait besoin de sa soeur, comme 13 ans auparavant.

Lucie avait écouté son frère et sa soeur, sans jamais se plaindre ou manifester le moindre ennui. Elle, qui était restée au chevet de leur mère pendant deux longs mois, elle qui s’était occupée des funérailles, qui avait réglé tous les détails auprès de l’administration et de la succession de leur mère. À subir le regard plein de pitié des personnes qu’elle rencontrait dans les bureaux, qui lui rappelait sans cesse qu’elle avait perdu sa seule famille. Aujourd’hui, elle était plus que jamais seule.
Elle se rendit malheureusement compte, au bout de plusieurs semaines, que sa famille se fichait pas mal d’elle. À s’occuper de tout et surtout de tout le monde, elle en avait oublié l’essentiel. Elle et le deuil qu’elle devait accomplir. Pas une seule fois, elle n’avait reçu un coup de fil uniquement pour savoir si elle allait bien.

Lucie finit par sombrer dans une grosse et longue dépression. Elle recommençait à ne plus dormir, ne plus manger. Son corps montrait ses limites : perte de cheveux, re-perte de poids, ses dents montraient des signes de déchaussement, sa peau était couverte par endroits d’eczéma.
Quand elle ne passait pas ses journées enfouit sous sa couette à étouffer ses pleurs, elle fumait cigarettes sur cigarettes, le regard vide avec pour seule compagnie, des pensées plus sombres les unes que les autres. Elle ne sortait plus de chez elle. Elle pouvait rester des jours entiers sans sortir de son lit. Elle n’avait envie de rien, rien ne lui faisait envie. Elle, qui aimait tant la vie. Elle voulait juste que son cerveau s’arrêtât de cogiter. Elle souhaitait juste sombrer dans un long, très long sommeil, et qu’à son réveil, ce cauchemar cessa enfin.
Quand Lucie eut l’occasion de parler de sa dépression à Sam, elle lui répondait “Oh merde alors. C’est pas cool ça. Allez bon courage soeurette. Rappelle-moi quand ça ira mieux.” Son frère lui, lui répondait  “Ah ben, c’est comme ça la vie ! Et à part ça, tu fais quoi de tes journées ?”

Après 13 ans d’absence, l’histoire se répétait à nouveau.
Lucie constata que finalement, Sam ne lui avait pas manqué pendant toutes ces années. Pas plus que son frère qui lui, ne lui avait, jusqu’au moment où leur mère était entrée à l’hôpital, quasiment jamais adressé la parole de toute son existence.

A quelques jours de l’anniversaire du décès de leur mère, Lucie reçut un message de Sam qui lui signifiait qu’elle devait acheter un bouquet de fleurs rouges à déposer sur la tombe de leur mère. Sam ne pouvait pas “monter” sur Paris, elle avait prévue de se rendre en week-end en Italie, escapade où Lucie était conviée mais une fois l’invitation lancée, plus de nouvelles, comme d’habitude.
Et voilà comment Lucie devait se plier aux exigences de sa soeur. La petite soeur devait entretenir la tombe de leur mère pendant que Sam profitait de la vie !
Ce fut la goutte d’eau de trop. Les relations entre les deux soeurs s’arrêtèrent net. Lucie mit également fin à tous contacts avec son frère. Celui-ci lui avait reproché qu’elle ne s’occupait pas de lui et l’avait jeté à la porte en l’insultant copieusement. Quelques semaines plus tard, elle l’avait rencontré alors qu’elle faisait ses courses. Il l’avait tout simplement ignoré. Si elle avait su...

Aujourd’hui, Lucie se considère comme n’ayant plus famille à proprement dit. Elle regrette amèrement de s’être laissé emporter par de bons sentiments. Elle avait pensé que si elle tendait la main la première, son frère et sa sœur allaient  suivre. Elle avait pensé à tort, que malgré leurs différends, la famille allait se souder autour de ce drame. Cela la rend triste et amère lorsqu’elle y repense, malgré elle. C’est dans ces moments-là, pour se remonter le moral, que Lucie relit cette citation de Richard Bach, qu’elle connaît par coeur mais qu’elle a tout de même scotchée sur son réfrigérateur : “Les liens qui nous unissent à notre vraie famille ne sont pas les liens du sang, mais ceux du respect et de la joie que l’on partage ensemble.”

Plus d’un an plus tard, Lucie tente de se reconstruire du mieux qu’elle le peut, de vivre avec ses erreurs, de panser ses blessures.
Elle est encore très affectée et fragilisée par la perte de sa maman. Elle pense à elle chaque jour. Elle se demande si un jour elle arrivera à reprendre une vie normale, à ne plus faire de cauchemars, à ne plus penser à cette “famille”, à ne plus s’en vouloir d’avoir été si naïve, si stupide. Ah si elle pouvait revenir en arrière… Elle n’aurait pas de famille non plus, mais au moins, elle n’aurait plus ces regrets et ces remords qui la rongent chaque jour de l’intérieur.  

Depuis que ce tsunami affectif qui a balayé sa vie, Lucie a fait le ménage dans sa vie. Fini les gens qui lui dictent sa vie, sa façon de penser. Elle passe désormais sa route et continue son petit bonhomme de chemin car elle sait que la vie est imprévisible.
Celle qui est devenue une véritable éponge émotionnelle, pour qui le mot “mort” n’est plus qu’un simple mot, il lui est impossible aujourd’hui de regarder les infos sans se mettre à la place d’une famille qui a perdu un être cher.

Lucie sait que le chemin pour trouver la sérénité sera long mais la seule chose qui la fait tenir, c’est sa mère. Elle sait que cette dernière n’aurait pas aimé voir sa petite fille, comme elle aimait l’appeler, souffrir, surtout à cause d’elle. Alors pour sa mère, pour sa mémoire, Lucie tente de s’accrocher pour ne pas sombrer à nouveau, pour ne pas la décevoir car elle sait que quelque part, sa maman veille toujours sur elle.

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Défi
ChloéN

La chaleur du soleil sur mon visage me réveille brusquement. En ouvrant les yeux,  la luminosité m’aveugle. Mais la première question qui me vient à l’esprit est pourquoi je suis allongé dans un parc, en pleine journée et habillé tout de blanc. J’essaye de me souvenir quel jour nous sommes. Merde, mon esprit bug. Je n’arrive pas à me souvenir comment j’ai fait pour atterrir là. Je me redresse lentement et regarde autour de moi. Un parc gigantesque, de la verdure à perte de vue. Ce lieu ne me dit absolument rien.
Au loin, une silhouette féminine s’approche. Je n’arrive pas à distinguer ses traits, mais je remarque tout de suite la choucroute proéminente qui surmonte le sommet de son crâne. Elle est petite, menue, vêtue d’une robe fleurie. On dirait qu’elle sort tout droit des années 50. Elle est en face de moi, je crois rêver. C’est dingue comment cette femme ressemble à Amy. Putain même, c’est son sosie parfait. Avec les tatouages sur les bras, le eye-liner épais, la choucroute comme Marge Simpson. Mais où est ce que je suis ? Elle s’accroupit et se penche vers moi pour me regarder. Elle me sourit.
— Salut ! Alors comme ça, c’est toi le petit nouveau ?
Hein ? Quoi ? Le petit nouveau de quoi ? Mais qu’est-ce-que cette nana est en train de me raconter ?
— Eh les gars ! Le petit nouveau est arrivé ! Venez !
Tout un groupe de gens s’approche de nous.
Non mais je rêve là. Je ferme les yeux, me les frotte énergiquement et les ouvre à nouveau. Non, c’est pas possible. C’est une caméra cachée, mes potes me font une blague, c’est un gag. Je regarde partout, à la recherche de caméras. Non, évidemment, elles sont bien cachées. Plus ces personnes se rapprochent et plus j’arrive à les identifier. Que des sosies. De parfaits sosies. Elvis, Michaël, Barry sont ceux que je reconnais immédiatement. Les autres, j’ai dû mal à leur mettre un nom sur leur visage. Putain, c’est quoi ce délire ??!!
— Eh, tu vas pas retomber dans les pommes ? me lance d’une voix fluette le sosie de Michaël.
— Vous êtes qui ? Je suis où là ?
Les trois sosies se regardent et sourient.
— Il n’est visiblement pas au courant, ajoute le Barry d’une voix profonde et calme et il s’avance vers moi.
Je lève les yeux vers ce géant qui me tend la main pour m’aider à me mettre sur pied. Même debout, je suis obligée de lever la tête pour regarder ce géant. C’est dingue comment il ressemble au vrai Barry. Il me sourit.
— Bon alors, elles sont où les caméras ?
— Y’a pas de caméras ici mon gars.
— Et ma guitare, qu’est-ce-que vous en avez fait ?
Les trois sosies se regardent discrètement, gênés.
— Et les gars, soyez sympas. Rendez-moi ma guitare. C’est tout ce que j’ai au monde.
— Tu ne te souviens vraiment de rien ? me demande cette fois-ci Elvis.
— Non ! Quoi ?
Je commence à m’inquiéter. Pas trop de me retrouver entouré par des mecs en mal de célébrité mais ma guitare…. c’est toute ma vie, c’est mon gagne-pain. Comment je vais faire pour gagner ma vie maintenant ? Ouais, je suis musicien et je chante dans le métro. J’ai pas mal de succès, surtout quand je joue des airs de ceux qui ont bercé mon enfance : Otis Redding, Ray Charles, Marvin Gaye, Michaël Jackson,…. Et voilà que je me retrouve dans un endroit que je ne connais pas, je ne sais même pas comment j’ai débarqué là, entouré d’une bande de tarés. Et sans ma guitare.
— Allez viens avec nous. On va te montrer ta chambre. Tu vas t’installer tranquillement et l’on discutera plus tard quand tu auras repris tes esprits, me dit d’une voix douce le sosie de Barry. Il pose sa grosse main sur mon épaule et m’emmène. Nous marchons en silence. Au bout d’une dizaine de minutes, une somptueuse bâtisse se dresse devant nous. Un véritable château. Mon cerveau carbure à 100 à l’heure. J’essaye de me remémorer mais c’est le trou noir total. J’ai l’impression qu’on a effacé le disque dur de ma mémoire. Bon, la bonne chose, c’est que ces illuminés n’ont pas l’air méchants. Au contraire. Ils sont plutôt sympas dans leur genre.
Comme je pénètre dans le “château”, d’autres sosies sont là. Whitney, Marvin, James. C’est la convention annuelle des sosies là ?! Tous me saluent en me souriant, certains me font un petit signe de la tête, d’autre de la main.
Barry accompagné de Michaël me montre ma chambre. Une grande pièce d’un blanc immaculé. Tout est blanc : la moquette épaisse et moelleuse, on dirait qu’on marche sur un nuage, enfin c’est l’impression que ça me procure, la salle de bain attenante l’est aussi, ainsi que les serviettes. Tout est blanc et moelleux. J’ouvre l’unique placard : des vêtements blancs, sans grande surprise. Avec pour les hauts, un énorme C bleu dans le dos. Plusieurs livres sont posés sur la table de chevet attirent mon attention : une Bible, un Coran et divers ouvrages religieux d’autres confessions. Et toujours pas de trace de ma guitare.
Je m’assieds sur le lit. Je m’enfonce d’un seul coup au milieu de la couette remplie de plumes. Dans un autre contexte, j’aurai trouvé cela agréable mais mon esprit est ailleurs. Je m’allonge, je ferme les yeux en  tentant de me concentrer pour retracer mes dernières 24 heures. Je plisse les yeux, je grimace mais rien ne vient. J’essaye alors de me décontracter. Comme avant chaque représentation devant “mon” public pressé, je respire profondément et je souffle par la bouche. Au bout de quelques secondes, j’arrive à me détendre. J’entre même dans un état de semi somnolence. Des bribes de souvenirs surgissent enfin.

Je suis dans le métro, comme tous les matins à la station Rivoli, toujours à la même place, près du vendeur de fruits. Je me rappelle que j’étais d’humeur un peu triste en me réveillant ce matin-là et que j’ai interprété du Otis Redding. Vers l’heure du déjeuner, j’avais décidé de laisser ma mélancolie de côté pour faire place à du Marvin Gaye, histoire de détendre un peu les passants stressés et autres touristes de passage, mais aussi pour me faire un peu plus d’argent. Très rapidement, un petit attroupement s’est formé devant moi. Un groupe de jeunes gens m’encourageaient et commençaient à danser. Je me revois encore tout sourire, heureux de donner un peu de joie à ces gens. J’en reconnais certains. Des habitués, ils passent tous les jours à la même heure, et souvent s’offrent une petite pause en ma compagnie. Je souris car certains me demandent même de leur jouer leur morceau favori. Depuis le temps que je joue dans le métro, je connais leurs habitudes. Le matin, c’est de la musique douce pour ne pas les stresser plus qu’ils ne le sont déjà. A partir de midi, quelque chose de plus rythmés sans être agressifs. De toutes manières, les classiques de la Motown, ça fonctionne tout le temps et à tous les âges.
Après c’est le trou noir. Je me rappelle que des gens criaient d’appeler du secours, une personne penchée sur moi qui me disant de ne pas fermer les yeux, de rester avec elle, puis un peu plus tard, je me souviens des lumières qui défilaient rapidement au-dessous de moi, je ne pouvais pas bouger, j’étais immobilisé. Il y avait plein de monde autour de moi, avec des blouses blanches…
Ah oui, je me rappelle maintenant, mon mini concert s’est fini en bagarre. En fin de journée, deux jeunes gens ont commencé à importuner une jeune femme. Agacée, elle s’est mise à côté de moi. Mais ils ont continué. Voyant leurs petits manèges, j’ai arrêté de jouer et je leur ai demandé, gentiment, d’arrêter. Ils se sont énervés et les choses ont vite dérapé. L’un des deux hommes a commencé à me bousculer contre le mur pendant que l’autre s’en est pris à ma guitare. Ca m’a mis dans une rage… J’ai tenté de la récupérer mais après l’avoir jeté par terre, il l’a balancé contre le mur puis s’en ait servi sur moi comme si c’était une batte de base-ball.
Et après ? Je ne me souviens pl… Oh non, j’ai entendu une voix masculine qui demandait :
— Est-ce-que la famille a été prévenue ?
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Questionnaire de l'Atelier des auteurs

Pourquoi écrivez-vous ?

Pour partager, pour rire, pour pleurer, pour réfléchir, pour voyager, pour s'indigner, pour oublier, pour rêver, pour panser les maux, pour survivre
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