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Katia Derycke

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œuvres
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défis réussis
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Œuvres

Katia Derycke


Les nuages
16h, c’est l’heure qu’indique la grande horloge dans la cuisine de mes parents. Le mur est tapissé d’un papier peint à l’ancienne, les goûts de ma mère, genre cuisine de village, avec des casseroles et des petites fleurs. J’ai toujours pensé que les casseroles et les petites fleurs n’allaient pas ensemble. Je veux dire, que ça n’était pas « adéquat ». Je n’avais pas encore découvert la cuisine des fleurs et des herbes sauvages, ce qui viendra bien plus tard et je suis loin d’imaginer que les pâquerettes ou les mauves se mangent. J’aime bien reconnaître les fleurs et dans mon livre « de Petit Tom », il y a les myosotis, les jacinthes, les renoncules. Les renoncules, ces fleurs de beurre qui, quand on les passe sous le menton, laissent une trace jaunâtre censée indiquer que vous aimez le beurre. Je joue souvent aux fleurs de beurre avec ma sœur et j’ai cru longtemps dur comme fer que c’était vrai. Oui, j’aimais le beurre de ferme, celui que j’allais, avec ma cadette, quérir à la ferme, à 200 mètres de la maison mais à 8 ans, cela ressemble à une véritable expédition, le long de la chaussée, avec les voitures qui filent le long des platanes. C’est joli les platanes et leurs feuilles mordorées, violines ou pourpre, ça donne de l’ombre le long du fossé dans lequel d’énormes rats nagent avec délice. Ils me font penser aux castors que j’ai vu dans le Jardin extraordinaire.
Bref, j’ai 8 ans, il est 16h, c’est l’été, je suis en vacances et un ciel azuréen me tend les bras m’invitant à profiter des rayons dardants du soleil. J’ai une petite robe des champs bleue et blanche. Il fait délicieusement chaud, enfin sûrement trop chaud, vu mes parents affalés comme deux tortues des mers qui auraient nagé pour un concours international. Là, c’est certain, ils ont gagné le trophée et maintenant, ils vont mettre une journée entière à s’en remettre. Mes parents font la sieste, comme tous les après-midis et nous avons intérêt à ne pas les déranger. La télé est éteinte, à cette époque, il est rare qu’une émission commence avant 18h et le reste du temps, une mire dévore l’écran. Une mire de toutes les couleurs comme des mosaïques que j’aperçois dans le kaléidoscope que mon père a ramené d’un voyage de travail. Je peux passer des heures à regarder dans le kaléidoscope et imaginer des histoires avec les formes qui bougent.
Ce n’est pas que je m’ennuie mais quand même un peu. Ma grand-mère est repartie hier et je n’ai plus l’occasion de lui concocter des potions magiques à la bave de limaces et aux herbes écrasées grâce au presse ail de ma mère qui hurle à chaque fois qu’elle le récupère tout vert et empli de sucs juteux dans l’armoire. Je devrais peut-être lui faire goûter une décoction.
Ma petite sœur n’a que 6 ans, pour l’heure, elle n’a pas très envie de jouer avec moi et elle attend sagement dans le fauteuil le réveil parental et l’heure du goûter.
Je décide donc de sortir de la maison, ça sent bon l’été, l’odeur de la terre me titille les narines et je plonge déjà dans mes pensées. Je respire les orties réchauffées par l’astre éclatant qui forme une jolie boule jaune plantée bien haut dans le firmament. La haie est super haute, des petites oiseaux chantent en chœur et je me sens parfaitement à ma place. Dehors, dans la nature, allongée dans l’herbe tendre, à observer les petites fourmis qui me chatouillent les pieds. Je sens ces petites bêtes en train d’explorer mes chevilles, j’ai envie de rigoler. Après, je les chasse doucement car, dans le jardin extraordinaire, Arlette Vincent a expliqué que les fourmis rouges géantes pouvaient dévorer un animal en un rien de temps. Je me demande ça ressemble à quoi un rien de temps. La durée de la sieste parentale ? Le temps d’un goûter aux gaufres, quand nos petits doigts attrapent plus vite cette gourmandise que le fer ne les chauffe ? Absorbée par ces questions comp ;iquées, j’en oublie l’heure du goûter et je ne m’inquiète absolument pas de savoir si ce sera crème vanille caramel, glaces ou gaufres ou chocolat, peu m’importe
J’ai repéré les alentours, sympathisé mais pas trop avec les fourmis, j’ai écouté les oiseaux et je décide alors de lever les yeux vers le ciel. Aussitôt, j’aperçois petit Nimbus qui ressemble à une baleine à bosse. Il touche de la nageoire gauche son frère cumulus qui se transforme aussitôt en fantôme écossais. Oui, j’ai vu un reportage sur les châteaux hantés en Ecosse et je jure que si jamais un jour, je voyage là-bas, je ne dormirais dans aucun château grinçant et cliquetant. Je serre mes mâchoires à l’idée d’un combat titanesque entre vivants et trépassés.
Ca y est, le vent a chassé fantôme et baleine et c’est un petit troupeau de castors américains qui avance à la queue-leu-leu en se dandinant doucement. Le plus petit dodeline de la tête et la joie me submerge à l’idée qu’il me fait signe et qu’il me raconte une histoire. Lui aussi, ses parents font la sieste et il a emmené ses frères et sœurs explorer les alentours, Je me sens impatiente de connaître ce qu’il veut me chuchoter au creux de l’oreille. J’ai à peine le temps de tendre l’ouie que déjà il emporte avec lui le secret à murmurer. Il a eu peur je crois car j’aperçois mon père, réveillé et en très grand forme qui se dirige vers moi. Il s’assied dans l’herbe à mes côtés et regarde en silence les nuages. Je lui en veux un peu d’avoir chassé petit castor et ce que j’aurais pu apprendre ce jour-là mais je sais que l’été sera encore long, mes parents sont très casaniers, à mon grand désespoir et j’aurais tout le loisir de discuter avec tous les animaux de l’ouest ou tous les fantômes écossais.
Mon père me dit qu’une étoile géante est en train de se former à partir des filaments blancs des nuages et sous l’effet du vent léger qui souffle dans notre direction. Nous passons un moment à rêvasser tous les deux ainsi en regardant vers le ciel. J’aime ces moments de partage où il rejoint mon imaginaire comme si c’était la réalité. Je me sens transportée et dans une communion père-fille. Je sais qu’après, il va me transporter à la maison sur ses grands pieds et ses indémodables pantoufles, c’est un voyage qui me convient très bien et qui m’amuse beaucoup. Papa est un géant d’un mètre 86 et le suivre est quasiment impossible car en plus, il marche vite et mes petites jambes font quatre mouvement quand lui n’en produit qu’un seul et sans effort. Alors, je crois bien que je vais me laisser porter sur la pointure 46 fillette de mon papa et m’abandonner à cet instant fabuleux.
Quand mon père est parti rejoindre ses chères étoiles qu’il affectionnait temps, quand il est parti jouer dans les nuages avec les princesses, les dragons, les castors et les fantômes écossais, il m’a envoyé des nuages rose par milliers, des petits moutons à l’aube. Je venais d’écrire son discours funêbre, il était tôt, je n’avais quasiment pas dormi mais je savais que tous ces moutons étaient pour moi, un signe qu’il était arrivé et que son voyage dans le zéphir s’était bien passé. Je n’ai jamais cessé de regarder les nuages.
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Défi
Katia Derycke

Elle se retourna un instant et vit les montagnes tellement hautes qu'un sentiment d'appréhension l'étreint soudain. Je me sens tellement petite, pensa-t-elle. Une fourmi de plus dans cet univers. Les sommets que dame neige avait généreusement pourvus semblaient vouloir se replier et fondre sur elle. L'oppression s'accentua encore un peu et son coeur battait à tout rompre dans sa frêle poitrine.
Où suis-je demanda-t-elle à l'homme qui la filmait et l'écoutait à travers casque et micro ?
En Suisse, c'était ta prochaine étape sur ta liste de souhaits.
La Suisse ? Y suis-je déja venue ?
Je l'ignore, tu m'as engagé pour t'accompagner et te filmer à travers tous ces merveilleux pays. Vivre une dernière fois avant que les rivages de ta mémoire ne cèdent complètement.
Je me souviens vaguement, tout est tellement flou. J'ai peur
Je sais.
Et il lui tendit la main. Elle l'accepta et ils restèrent ainsi un très très long moment, se connaissant à peine mais réuni dans une connivence qui n'était pas factice. Désormais et pour une courte période, leurs destins étaient liés, lui le cameraman qui avait accepté de relever le défi et elle, la pauvre femme fragile, vacillante, dont la mémoire disparaissait par moments et revenait ensuite à d'autres, elle qui savait qu'un jour, elle se réveillerait comme une page blance, aussi blanche que dame neige. Elle qui redoutait cet instant où plus rien ne serait familier, où plus rien ne pourrait lui rappeller quoi que ce soit. Laisser une trace, pensa-t-elle, une empreinte éphémère dans la blancheur du temps.
Elle le dit à haute voix..
C'est joli ce que tu dis là. Souhaites-tu le répéter, je n'étais pas en train d'enregistrer
Répéter quoi ? Demanda-t-elle avec un rictus mi triste mi en colère ? Tu sais bien que ma mémoire immédiate défaille. Je ne me souviens déjà plus.
La mémoire immédiate sera atteinte en premier avait dit le docteur, d'un ton docte et professionnel....
Elle connaissait la suite de son discours, ça, elle n'avait pas pu l'oublier. Un matin, elle se réveillerait comme une page blanche et plus rien de ce qui la retenait à ce monde n'existerait. Elle serait enfermée en elle-même jusqu'à ce que son corps lâche et que les battements de son coeur s'arrêtent à tout jamais. Ca pouvait durer des années, emmurée en elle-même. Déjà les mots s'effaçaient petit à petit, les mots qu'elle avait toujours aimés. Ceux qu'elle avait murmurés au creux d'oreilles sensibles, amicales, aimantes, ceux qui l'avaient laissée bouleversée sur le bord d'un chemin ou dans une chambre d'hôtel, ceux qu'elle avait écrit en lettres de feu dans ses jeunes années.
Allons, tu sais bien que tu as encore le temps avant tout ça
Et quand sais-tu, lança-t-elle, ,amère et désemparée. Je suis encore jeune, j'ai déjà bien vécu mais j'aurais voulu plus, plus, plus et encore plus...
Les larmes perlaient au coin de ses cils délicatement maquillés. Comme des gouttes de rosée au petit matin sur la plus belle des roses.
Alors il lui prit à nouveau délicatement la main tant elle lui paraissait frabile et ils restèrent ainsi tous les deux. Si les mots devenaient trop faibles, alors il restait le doux contact d'un autre, la caresse d'une main amicale. Ils ne se connaissaient pas depuis longtemps mais il avait accepté ce job un peu bizarre, suivre cette femme, abîmée par la vie dans un tour du monde un peu déjanté. La filmer et la regarder, l'écouter et l'enregister pour que chaque minute du reste de sa vie soit désormais accessible au monde entier. Il avait créé un blog et les résultats dépassaient ses espérances. 3 millions de vue en deux jours et ça ne cessait de grimper. Elle était émouvante, triste et joyeuse, abattue ou jouette, les mots commençaient à lui faire défaut mais il s'était attaché à sa silhouette gracile, à son incommensurable appétit de vivre. Savait-elle où elle était, où l'avait entraîné ses pas?. La liste avait été mise au point par sa famille, ses parents, son mari et ses enfants encore petits. Elle les avait laissés pour vivre cette folle aventure. Parcourir ce monde avant qu'il ne soit trop tard, demander aux autres le chemin des mots qu'elle ne réussissait plus à cerner, transmettre, et dire que vivre passait avant tout, vivre jusqu'au bout, même si le destin était plutôt moche avec elle.
Elle respirait doucement à présent, comme apaisée, comme suspendue entre les montagnes courbées qui l'ensserraient et cette main bienveillante qui tenait la sienne. Etait-elle déjà passée par ici, pourquoi avoir ajouté ce pays dans sa liste. Elle ne se souvenait plus et ça ne ferait qu'empirer. Elle lança une prière muette vers le ciel.
Laissez-moi encore un peu de temps s'il vous plaît, laissez-moi encore quelques mots pour exprimer toute la beauté du monde.
La cameraman repris son rôle et l'observait désormais à travers l'oeil inquisiteur de la caméra. Il saisait l'instant magique où toute sa fragilité était à la fois sublime et tragique.
Et le nombre de like augmenta encore



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Katia Derycke

L'épuisement...
L'épuisement, ce mal du siècle, indéfini ou indéfinissable... Parfois confondu avec la dépression mais c'est vrai que le fil entre les deux est ténu, fragile, équilibre précaire dans lequel le corps et l'esprit seraient comme deux funambules en mal de repères...
L'épuisement, ce mal compris situé entre le « allez secoue-toi », « un peu de repos et ça repart », « m'enfin quoi, t'es encore fatiguée ? »...
L'épuisement, c'est un tout mais surtout un chemin parcouru trop vite, trop fort, avec trop d'émotions, sans savoir plus rien gérer parce qu'il a fallu trop gérer. C'est un coup d'arrêt du corps, brutal car à force de tirer sur l'élastique, il a fini par céder et une fois cassé, point de soudure possible.
Etre épuisée, c'est regarder autour de soi, trouver chaque tâche trop lourde, baisser les bras là où auparavant, vous auriez soulevé une montagne avec le petit doigt. C'est aussi avoir la tête tellement chargée, tellement remplie et ne plus avoir la force d'appuyer sur le bouton delete pour désencombrer le disque dur.
C'est aussi vivre mille, trente mille, cent millions d'émotions en même temps, comme autant de molécules qui s'agitent avant de parvenir à l'éclatement. C'est comme un bol de liquide chauffé à blanc au micro-ondes, le point de rupture atteint, tout déborde de manière anarchique.
C'est quasiment indescriptible à qui ne le vit pas. C'est source de jugement pour les proches qui ne vous reconnaissent plus. Mais vous-mêmes ne vous reconnaissez plus dans le miroir.
Etre épuisée, c'est avoir tenu trop longtemps, ne pas avoir été à l'écoute mais en sachant que ça finirait par craquer, c'est ne jamais s'arrêter, c'est courir contre la montre, quelle montre en fait ? En permanence tenir debout parce que s'assoeir est un verbe dont la signification s'est perdue dans le grand bal déchaîné des années... Enfants, famille, boulot, métro, train, courses, dévouement, sourire, ne pas oublier le pain et .... et.... et.....
Dans cet échafaudage permanent d'impossible à caser, c'est vivre mille vies en une seule, c'est devenir inhumain ou transhumain à force de persévérances... Pour qui ? Pour quoi ?
Et puis... patatras, un jour, le sens disparaît, les motivations s'estompent, l'envie s'enfuit... Et puis... patatras, un jour, le cri de secours, un jour l'accident, un jour un deuil qui nous pousse à de grosses remises en question...
Un jour, on se réveille avec la conscience nette de s'être oublié, de s'être laissé en chemin, d'avoir été poussé pour des forces inconnues, d'avoir déployé les ailes que d'autres ont rêvé de nous voir pousser...
Un jour, le pourquoi devient tellement énorme qu'on en a le souffle coupé, le vertige nous prend là, ne nous quitte plus, se lever et se coucher avec cet immense interrogation sous les pieds.
Un jour, le cri de secours se transforme en repos, en recherche, en quête de soi-même, en chemin de vie.
Un jour, la survie prime là où d'autres parfois sont allés jusqu'à la lie, sont tombés au champs d'honneur d'une vie qui ne fut pas vraiment la leur, vie empruntée, dealée, délaissée, et quittée pour de bon parce qu'ils n'ont pas su écouter les appels de détresse d'un corps malmené.
Alors, à tous ceux qui ne comprennent pas, qui n'essaieront même pas, qui s'en foutent, qui jurent que, eux, ça ne leur arrivera jamais, qu'ils ont la chance de... j'ai envie de crier « tant pis » et j'ai même un peu pitié quand je les vois là, accrochés aux branches en train de céder... Alors à tous ceux qui se vantent, les « moi jamais » ou les donneurs de leçon, j'ai juste envie de tourner le dos, de passer mon chemin puisque nous ne serons plus jamais sur la même route...
Alors, à tous ceux qui suivent cet étrange chemin de vie, dont les pavés ont cédé, qui sont là, sans bouger, qui tentent de récupérer quelques maigres forces vitales, j'ai envie de dire que la vie est belle à qui sait la regarder. J'ai envie de les inviter à flâner en admirant les paysages, la qualité des couleurs, le douceur de l'air ambiant, la beauté d'un rayon de soleil, les jours de lune apparente en plein jour.
A tous ceux qui savent, qui vivent, qui ressentent et ne seront plus jamais des robotisés de l'âme jugeante, je crie, bienvenue dans mon jardin, je vous accueille dans la joie de l'esprit apaisé.
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