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Julien Ducrocq

Amiens.
Julien Ducrocq
Bonjour ! Pour ceux que ça intéresse, voici le début de mon roman, la Libération de Seth. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, sur le fond comme sur la forme ^^ De plus, si certains d'entre vous sont familiers avec le monde de l'édition, quelles éditions sont intéressantes, lesquelles sont à éviter ?
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Défi
Julien Ducrocq
 Les blocs de métal sifflaient dans les airs puis s'abattaient sur le sol dans une pluie de sang et de rage. En bas, les hommes couraient dans tous les sens, se bousculant dans une cohue inextricable ; en haut, le ciel s'embrasait, se déchirait dans la terreur. Les nôtres, quant à eux, tombaient encore et encore dans un rythme mortel. Ceux qui étaient assez conscients pour penser prirent les autres sous leurs ailes et s'enfuirent le plus loin possible de la boucherie. Sauve qui peut !
Rassemblés dans les champs, les survivants pansaient leurs plaies. Qui se pelotonnant dans un coin, qui nourrissant ses petits, nul n'avait le cœur à écouter un discours. Pourtant, le patriarche s'avança et parla :
– Mes frères, mes sœurs. Vous comptez vous reposer, vous cacher en attendant que ça se calme... et moi je vous dis : partons ! Partons, mes frères, quittons ces terres maudites ! Ici, les nids sont douillets, les journées chaudes et les nuits douces, mais je vous le répète encore : nous devons partir, et le plus tôt sera le mieux !
Un des vieux sage émit un sifflement aigu pour attirer l'attention et prit la parole.
– En ce moment, les terres du sud sont froides et hostiles... Ne serait-il pas plus intelligent de nous éparpiller, de disparaître à leur vue, pour ensuite attendre la saison des migrations ?
D'un coup d'aile, le patriarche lui cloua le bec. La foule amassée là ne pipa mot.
– Disparaître ? Tu te fiches de moi, vieillard ? Mieux vaut essayer de faire disparaître le soleil ! ironisa-t-il. Au contraire, tous ensemble, nous devons nous envoler le plus loin possible. En temps de crise, il faut changer ses habitudes. Guerriers ! Je compte sur vous pour veiller sur les femmes et les enfants. Si jamais vous manquez à votre devoir, je m'assurerai personnellement de votre cas.
Les ailes baignées de lumière, rémiges déployées dans le vent, le patriarche réunissait tous les attributs d'une figure divine. Et pourtant...
– Je place de grands espoirs en Starling, mon fils. Demain, il œuvrera pour la communauté. Pour la toute première fois, il défendra d'autres vies avant la sienne. Qu'il ne me déçoive pas.
Les yeux du commandant me transperçaient d'un éclair jaune. Le commandant, mon père. Un père qui ne s'était jamais occupé de moi – il possédait une quinzaine de fils tous plus grands et plus forts – mais mon père tout de même. Mon plus grand honneur, le rendre fier de moi.
– Que la marche commence !




***


Lorsque le soleil se leva, nous étions fort loin de toute ville humaine, mais le fracas de la guerre persistait. Là, des mortiers sifflaient, là-bas des coups de feu s’échangeaient, ici-bas, on en pendait en masse... Jamais je n'ai compris pourquoi les hommes se faisaient tant de mal à eux-mêmes.
Nous survolions la forêt des noires épines lorsque l'on m'avertit que mon père avait sauvé de pauvres innocents des griffes des carnassiers. Le patriarche me mandait. D'un coup d'aile, j'arrivai à ses côtés.
Les oiseaux qui l'accompagnaient étaient pour la plupart beaucoup plus petits que nous. Seule une très grosse femelle pouvait rivaliser avec les miens, et encore, seulement s'il était jeune et maigrichon comme moi. Mon père, quant à lui, paraissait tout essoufflé. Il regardait la matrone méchamment, comme si elle lui avait donné du mal. Enfin, il s'adressa à moi :
– Je veux que tu t'occupes de ceux-ci... dit-il d'un ton las mais sec et sans réplique. Ils me donneraient du mal... Veille à ce qu'ils n'aient ni faim ni soif.
J’acquiesçai docilement, m'approchant doucement des réfugiés. La plupart se lissaient les plumes sans même daigner me regarder. Pour engager la conversation, je demandai à la matrone comment elle s'appelait, mais celle-ci me flanqua un coup d'aile qui me fit voir trente-six chandelles. Mon père gloussa ouvertement – geste pire que s'il m'avait craché dessus – et prit la fuite. Pour la première fois, je le détestais. Tout en fixant les yeux noircis de haine, je me surpris à penser qu'il lui arrive malheur. Et soudain apparut l'ange. Cet oiseau, guère plus gros qu'une poire, s'avérait néanmoins la plus belle créature que j'avais jamais vue. Ses ailes de jais, son cou élancé, ses longes plumes argentées, elle avait tout pour plaire. Je lui fis la cour, chantai autour d'elle, lui montrai que j'étais le plus fort de tous les oiseaux... enfin, j'aurais voulu le faire. Quelque chose, en moi, me maintenais paralysé. Aller vers elle... J'aurais plus facilement picoré mon propre cœur.
La belle me dépassa sans réaliser que j'étais là. Elle voletait à toute vitesse vers le soleil. Non, pas vers le soleil... mais vers mon père.

***


Après des heures et des heures passées sans elles, à rester jour et nuit aux côtés des siens qui me la rappelaient sans cesse, je faillis péter les plombs. Il fallait que je fasse quelque chose. Avant d'exploser, je confiais à un de mes frères le soin de s'occuper des réfugiés à ma place, et partis.
Planant au-dessus les plaines brûlées puis délaissées par les hommes, je décrivais des cercles à la recherche d'un fruit. Si les miens leur préféraient les insectes ou la vermine blanche, je savais qu'elle, elle aimait les groseilles ou les morceaux de poire.
Mes ailes allaient rendre l'âme lorsque je découvris enfin le verger qu'il me fallait. À moitié détruit par la folie des hommes, il exposait encore des pommes belles et bien mûres, en assez grande quantité pour que j'eus le choix. Bien sûr, il y en avait de très grosses, qui auraient nourri une dizaine d'oiseaux pour toute une journée, mais pour les transporter jusques aux cieux, une autre paire de manches.
Après plusieurs tours et retours, je dénichai enfin le fruit qui convenait. Il était tombé de l'arbre et coupé en d'eux de telle sorte que je n'aurais eu aucun mal à le porter. Par chance, les vers l'avaient épargné, peut-être grâce à la boue qui recouvrait en partie sa peau verte. Je le pris en bec et montai vers mon clan.
Grisé par la certitude qu'elle adorerait ce cadeau et se déciderait enfin à me parler, je volai si vite que je ne mis qu'un instant à rejoindre la gigantesque nuée d'oiseaux que le vieux sage comptait cacher. Tandis que je m'efforçais de retrouver l'ange, mes camarades piaillaient en ouvrant de grands yeux ronds. S'ils m'en voulaient, quelle importance, quand une belle vous attendait ?
Hélas, ce ne fut guère elle que je trouvai.
– Fais attention, Starly ! héla mon père. C'est un peu trop lourd pour tes pauvres pattes, laisse-moi t'aider !
Tout le monde alentour éclata de rire, mais le patriarche demeura d'un sérieux mémorable. Son regard avait une dureté exemplaire. Ne t'avise jamais plus de me désobéir, me criaient ses yeux.
– Laissez-le, plaida quelqu'un. Mes parents peuvent très bien se débrouiller tous seuls, j'en suis sûre.
Je levai les yeux et la vis. C'était elle. Comme un chevalier sauvant une demoiselle en détresse, elle se plaçait entre moi et mon père. Sauf que ce devait être moi, le chevalier.
Une étincelle indéfinissable brilla dans l’œil de mon père.
– J'en attends davantage de lui. Ainsi que de toi.
Père attrapa au vol la demi-pomme, pesta sur ces jeunes qui s'en vont chercher des cadeaux pourris, et la laissa choir. Pour couronner le tout, il mordit l'ange au cou et la contraignit de le suivre. Il avait gagné : moi, son propre fils, je le haïssais.

***


Tandis que le fracas des combats résonnaient en contrebas, tandis que les esprits du climat hésitaient entre averses impromptues et violentes bourrasques, un événement que je n'escomptais plus se produisit : par le biais de son propre frère, l'ange me donnait rendez-vous ! Pour la nuit même !

Ainsi, après avoir passé toute la journée à n'attendre que cela, je me posais sur la plus haute branche du plus haut chêne de la forêt et attendis celle qui m'était si chère. Le soleil se coucha, les étoiles apparurent une par une, le ciel perdit toutes ses couleurs... mais elle n'arrivait pas. Que faisait-elle donc ? Sérieusement inquiet, je commençai à me préparer un nid, plutôt pour éviter de penser à elle que par réelle nécessité. En vain, car je n'avais que cette satanée femelle en tête.
Juste avant que je ne perde espoir, l'ange arriva. Nimbée dans un éclat d'argent, elle atterrit sur la branche sans lui faire imprimer le plus imperceptible mouvement.
– Désolée, on m'a retenue, chanta-t-elle de sa voix mélodieuse.
Je restais coi ; je ne pouvais tout bonnement lui répondre quoi que ce soit.
Nullement gênée, elle se frotta l'aile, langoureusement à en craquer.
– Comment t'appelles-tu ? demanda-t-elle innocemment. Moi, c'est Phoenix.
– Phoenix... répétai-je en rêvassant.
– Tu t'appelles comme moi ? roucoula-t-elle. C'est bien ce que je me disais... Ma famille n'est pas du tout originale.
Devant sa bêtise – feinte ou non – je retrouvai pour de bon l'usage de la parole.
– Je... Je m'appelle Starling, balbutié-je. Je suis le fils du commandant Eagle.
Elle me fit un clin d’œil.
– En fait, je le savais déjà, avoua-t-elle en gloussant. Ton père m'a beaucoup parlé de toi.
Un coup de tonnerre retentit au loin. On va mal dormir, cette nuit... pensai-je.
– Parlé de moi ? En tant que son dernier fils, je ne représente rien pour lui ! Un moins que rien, voilà comment il me voit.
Phoenix me donna un petit coup d'aile, pour me ramener à la réalité.
– Justement, il attend que tu fasses tes preuves. Aux aurores, il te confiera ta première mission. On compte tous sur toi, Starling.
Finalement, Phoenix sonne très bien avec Starling. Le mieux, ça aurait été qu'elle passe la nuit avec moi, mais c'était beaucoup trop beau pour être vrai. Elle me fendit le cœur de ses yeux d'argent, sauta du chêne et prit son envol.
– Attends ! Tu vas retourner avec lui ?
– Je n'ai pas le choix, avoua-t-elle d'une voix triste. Il me protège. Un jour, les choses changeront peut-être. Rappelle-toi, je compte sur toi, Starling.
La pluie tomba. Je me recroquevilla contre le tronc de l'arbre, sans détacher les yeux de ma belle colombe. Phoenix disparut, mais son espoir resta.


***


Promu général en chef, je gravissais les sentiers de la gloire. Sous un ciel arborant les couleurs de la victoire, je mettais fin aux guerres des hommes, détruisais pour de bon leurs grosses machines destructrices de mondes. Devant mon immense popularité, mes grands frères s'inclinaient à mon passage, tandis que les femelles se battaient pour moi. J'éclipsais à tel point mon père que le pauvre en était réduit à picorer nos restes, caché dans l'ombre.
La nuit, je la partageais avec ma chère et tendre, la seule que j'aimais vraiment. Elle me murmurait des paroles insensées, et faisait des choses qui m'envoyèrent voler aux anges. Elle m'offrait une nuit magique. Une nuit dont je me souviendrais jusqu'à la fin de mes jours.


– Hé, réveille-toi ! hurla quelqu'un. Le chef veut te voir, tout de suite.
J'ouvris les yeux. La réalité emplit mon cœur d'une profonde déception et lentement s'effaça le rêve. Finie la popularité de star. Finies, les nuits blanches où se conjuguaient bonheur et volupté.
– On se dépêche !
Non sans ronchonner, je m'empressai de décoller à la suite de mon camarade qui me mena droit à l'imposant hêtre que Père avait choisi pour dormir.
– Bonjour, fils ! cria-t-il avant même que j'entrepris de me poser. Bien dormi ? Tu dois avoir faim, non ? Mange donc ça !
Il me confia un ver, à la manière d'une mère faisant la becquée à son fils. Bien qu'il fût très bon, je le recrachai avec dépit.
– Je ne suis pas un oisillon ! beuglai-je avec rage. Père... Que voulez-vous de moi ?
– Et moi qui croyais que tu m'aimais bien... soupira-t-il. C'est cette Phoenix, n'est-ce pas ? Elle te ronge le cœur plus vite que tu goberais ce pauvre ver...
Sans nul signe avant coureur, il me frappa si fort que je manquai tomber de l'arbre. À l'aide d'une branche, je me massai la tête, meurtrie.
– Fils, je refuse que tu me déshonores. Tu es un guerrier, pas un idiot coureur de jupon. Quand tu auras la gloire, tu auras toutes les filles que tu voudras. En attendant, tiens-toi à carreau.
Frappé en plein cœur, je me vis baisser la tête et me renfrogner, comme un petit qui boude. Sauf que je ne cessai de regarder mon père, et faisais le maximum pour me retenir de me défiler. J'aurais dû me défendre, quel droit avait-il de m'insulter ? Cependant, paralysé par la peur, je n'osais rien faire.
– Bien. Maintenant, tu peux m'écouter.


***


Un ou deux auparavant, les éclaireurs avaient repéré un clan ennemi, enfin, qui avait toujours méprisé mon père. Tel un de ces hommes qui se bataillaient sur le plancher des vaches, cet oiseau se croyait en guerre ouverte. Ainsi, il attaquait les autres clans selon une stratégie minutieusement calculée, et punissait les traîtres et les déserteurs. Il aurait fait un meilleur humain qu'oiseau.
Enfin, tout cela importait peu. Reste que ce clan nichait dans une magnifique vallée, épargnée par les duretés de la guerre, mais où les hommes avaient l'habitude de tuer les plus faibles des nôtres. La chasse, cela s'appelait. En choisissant un tel lieu, les ennemis savaient que personne ne s'aventurerait à les embêter.
Personne, excepté moi. Ragaillardi par les beaux yeux de Phoenix, j'approchai à grands coups d'aile de leur base centrale – un simple reste de maison en briques. Là-bas, j'y trouverais assez de nourriture pour tous nous nourrir sans qu'il n'y ait de jaloux. Ça allait être tout sauf facile, mais telle était ma mission.
J'atteignis rapidement les hauts murs du QG. Ni homme ni oiseau ne m'avait remarqué, j'en étais très fier. Quand je reviendrais, je m'en gargariserais auprès de toute la troupe, le crierais sur tout les toits, dans le seul but que Phoenix me remarque. Quoi qu'ait dit mon père, il ne me pouvait m'interdire de me rapprocher d'elle.
Doucement, je me faufilai par le soupirail des sous-sols. À peine entré, je me plaquai contre le mur, baigné de ténèbres. À l'instar de l'oiseau modèle que je fus, je jetai un coup d’œil d'un côté puis de l'autre, avant d'avancer. Furtivement, je glissai d'ombre en ombre sans oublier de chercher vers, fruits ou graines, dans les trous des murs, sur le sol... sans succès. Malgré tout, j'étais déterminé à ne pas abandonner. Je retournai chaque débris, inspectais chaque latte. Je ne pouvais me permettre d'échouer.
La lumière déclinait dangereusement. Bientôt, des personnes mal intentionnées allaient pouvoir m'attaquer sans même que je puisse les voir. Et alors, en haut d'une poutre dans un coin très dur d'accès, je trouvai ce que je voulais : un nid d'insectes. De vermisseaux, pour être plus exact. Un repas de choix.
J'agrippais minutieusement mon butin lorsque quelque chose me plaqua par terre. Sonné par la chute, je ne pus repousser les deux oiseaux furibonds qui se jetaient sur moi. Ils commençaient à me picorer le corps, comme si j'étais déjà mort, mais je n'avais guère l'intention de les laisser faire. Rassemblant force et courage, je fis un grand cercle qui renversa l'un d'eux. Le second, je l'estourbis d'un coup d'aile. Lu, je n'en entendrais plus parler de sitôt. L'autre, en revanche, n'avait pas dit son dernier mot. De son bec crochu, il m'érafla le poitrail. Une douleur aiguë me traversa le corps. Mon sang s'écoulait, goutte-à-goutte, sur le sol. Mais je ne pouvais le laisser gagner. D'un bond, je fondis sur lui et entre mes serres lui déchiqueta les ailes. Affolé, le pauvre prit la poudre d'escampette.
YAHOU ! J'avais étalé ces armoires à glace en moins de temps qu'il ne faut pour crier « victoire » ! Qui pourrait en dire autant ?
Le cœur plein d'orgueil, je bombai le torse puis poussai un cri de guerre long, puissant, irrésistible. Cela ne faisait aucun doute, j'étais invincible.
Impatient de retrouver ma belle Phoenix, je sortis en trombe du QG, sans prendre la moindre précaution. Après tout, qu'avait à craindre un héros ?


– C'était un faisan qu'il fallait abattre ! criait Hans. Un faisan ! Pas une de ces saloperies d'étourneaux !
L'autre homme, un certain Eric, soupesait le cadavre tout frais de sa proie.
– Ces piafs, tous les mêmes ! Regarde moi ça... Une chair bien juteuse. M'est avis que ça sera meilleur que la bouillie qu'on nous sert.
– Tu l'as dit ! Acquiesça l'autre. Ne le répète pas au cuisinier.
– Je m'en garderais... Allez, mangeons-le, camarade, et qu'ça saute !
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Défi
Julien Ducrocq
Nous vous saluons, ô grand Ramsès, pharaon d’Égypte, par qui le soleil se lève et le Nil s'écoule, et qui comble son peuple chaleureux des plus grandes merveilles !
Ô, Ramsès, vos fidèles ont besoin que vous les meniez une fois de plus sur le chemin de la grandeur. Honorerez-vous les dieux ? Aiderez-vous l’Égypte à retrouver sa place ? Bâtirez-vous une civilisation capable de résister au passage du temps ?
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Julien Ducrocq
Ptérodactyle, Tyrannosaurus Rex, Diplodocus, Tricératops... Ces noms vous disent quelque chose, n'est-ce pas ? Eh oui, ce sont des dinosaures ! Mais les connaissez-vous vraiment ? Savez-vous pourquoi ces maîtres du monde ont-ils disparu après 160 millions d'années de règne ? Même les meilleurs scientifique ne peuvent être formels : chaque année, une nouvelle découverte fait tomber la précédente en désuétude, de nouvelles espèces font l'objet d'analyse, certaines propriétés sont mises à jour... par exemple, savez-vous que la plupart des dinosaures portaient des plumes ? La disparition des dinosaures n'est pas vraiment une légende, mais cet événement est si flou, si ancien, qu'il en est presque devenu un mythe, un mystère non-résolu par les hommes.
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Défi
Julien Ducrocq

Connaissez-vous la légende de Pocahontas ?

Vous savez, l'indienne qui a connu les premiers colons et qui tombée amoureuse du célèbre aventurier du Nouveau Monde John Smith ?

Je vous invite à découvrir ma version de l'histoire.
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Défi
Julien Ducrocq


Mel
– Comme tout ce qui est sur cette planète, l'Eau est un don de Dieu. En apparence, ce breuvage innocent est inoffensif, sans goût ni odeur, mais la vérité est tout autre. C'est pourquoi nous, les hommes, les plus belles créatures de Dieu, nous devons en boire le moins possible. Certains vont à l'encontre de ce grand principe et en boivent outre mesure... Il faut absolument les remettre sur le droit chemin.
Mel, scotché aux lèvres du Grand Prêtre de l'Eau Noire, n'en perdait pas une miette. À dix-sept ans, il s'était enrôlé dans l'ordre des Capes Blanches, une institution séculaire qui permettait à tout un chacun de montrer la valeur de son cœur. Tous ceux qui s'opposaient à la Religion se condamnaient eux-mêmes : lors des Croisades, de jeunes hommes comme Mel mettaient fin à leurs jours. S'opposer à la Religion signifiait attaquer l'Empire lui-même, et l'Empire représentait tout pour Mel.
– Rappelez-vous : l'Eau tue – le saint homme joignit les mains – Que Dieu garde chacun de vous.
Et la marche commença. Fraîchement débarqués, des marchands, des ingénieurs et des guerriers foulaient ensemble le sable du Désert Rouge, en direction de Casa Negra, la cité de pierre noire. Le lieutenant Ash la Terreur passait pour commander tous ces hommes, mais en vérité les prêtres menaient la danse. Depuis les prières du bas peuple jusqu'aux frasques de l'Empereur – d'aucuns prétendent qu'il couchait avec une bonne sœur – la Religion était partout.
Perdu dans ses pensées, Mel admirait le paysage. Sa très belle petite copine, Sol, l'attendait à la maison. Sa façon de faire voler ses cheveux roux, son sourire de rêve, son teint de reine ensoleillaient la vie de Mel, mais ce qu'il regrettait vraiment, c'était toutes ses petites manies : en toutes circonstances, elle se mordait les lèvres. Ne plus l'avoir avec lui chaque jour, Mel peinait à le supporter. Hélas, il n'avait pas le choix. Il devait se prouver à lui-même qu'il était digne d'elle.
Orel, son compagnon depuis l'entraînement, lui bouscula l'épaule.
– Arrête de rêvasser ! Restes encore plus longtemps à la traîne, et on te laisse aux charognards !
Mel sursauta. Son ami avait raison : la tête de la cohorte s'éloignait à l'horizon. Ne possédant aucune monture, les deux jeunes hommes décidèrent de faire la course jusqu'aux prêtres. Ainsi, ils coururent vers leurs camarades, imprimant de leurs empreintes le sable ocre du désert. Dune après dune, ils dépassèrent l'arrière-garde, les marchands et les transporteurs de vivres, doublèrent les constructeurs et les savants, et, enfin, rejoignirent leur corps d'infanterie. Si Orel ne l'avait pas sorti de ses rêveries, il s'égarerait là-bas, seul, incapable de faire quoi que ce soit pour l'Empire. Mel lui devait une fière chandelle !
Ils étaient arrivés, enfin, mais il y avait un os : plus personne n'avançait. Le Grand Prêtre descendit de son chameau rouge et s'approcha d'une profonde crevasse. Mel, toujours très curieux, se mit à sa hauteur. Ce qu'il vit l'en fit oublier de respirer. Là, au fond du trou, gisaient sept corps de femmes, chacune tenant un bébé dans ses bras. Mel faillit tourner de l'oeil. Ash la Terreur lui donna une forte tape dans le dos :
– Ne rejette pas tes boyaux, fillette. Bientôt, ça sera à toi d'agir.
Mel baissa les yeux. Il ne savait que lui répondre. Tuer les Rebelles ne lui posait aucun problème, mais assassiner des femmes et des enfants...
– Tu veux partir, c'est ça ? devina le commandant en le regardant froidement. Rappelle-toi du sort des déserteurs : attachés à un piquet du matin au soir, en plein milieu du désert. C'est ça ce que tu veux, fillette ?

Anatole
La cérémonie de la Purification s'achevait enfin. L'homme se contorsionnait sur le sol, replié sur lui-même comme une coquille vide, un déchet du monde civilisé. Les pores de sa peau absorbaient à grandes flopées cette substance sombre, visqueuse, que les grenouilles de bénitiers appelaient Eau Noire. Ses yeux, bouchés par un écran noir persistant, ne distinguaient plus rien. Coupé du monde... un sentiment que le docteur Anatole Bright détestait !
Cependant, il n'aurait plus besoin de boire pour les cinq ans à venir. Son estomac a eu son soûl de liquide et sa vessie ne le rejetterait pas de sitôt : Dieu merci, ça faisait si mal quand ça arrivait ! Son collègue, Nathan Corby, lui avait récemment dévoilé pourquoi cette fameuse boisson permettait de rester jeune éternellement. En réalité, au bout de six cycles exactement, l'Eau Noire vous tuait, sans prévenir, et adieu vos espérances de vieux jours.
Cela avait de quoi ébranler les convictions de n'importe quel homme. Jadis, Anatole aussi avait cru en la Religion, en ses préceptes irréfutables et en sa morale douteuse, mais à présent il comprenait qu'il ne s'agissait que de fadaises. Quant à l'interdiction de boire de l'eau potable, il comptait bien comprendre de quoi elle relevait. À vrai dire, c'était l'ultime but de sa vie.
Sous couvert de soigner les habitants de la grande-plateforme, Anatole avait quitté son ancienne famille et refait sa vie en Orient, dans la célèbre ville de Casa Negra. Célèbre, car c'était sur ces lieux qu'on y avait massacrés les premiers Rebelles, il y a cent ans. Enfin, cette cité n'avait rien pour lui déplaire : chaleur toute l'année, oasis et piscines naturelles, grandes étendues de sable chaud ombragées par les palmiers, et, surtout, des femmes à volonté... Anatole, jamais satisfait, couchait avec une différente chaque mois. Après tout, il n'avait rien à craindre : ça, la Religion l'autorisait.
Mais Anatole passait beaucoup plus de temps à essayer de sauver sa vie qu'à profiter de ses menus plaisirs. Il avait des ennemis partout : au sein du gouvernement, dans la guilde des prêtres, et bien sûr, les Rebelles voulaient le tuer – eux s'attaquer à tout le monde sans faire de distinction.
En réalité, le docteur n'avait cure de tout cela. La seule et unique chose qui l'intéressait, c'était son travail. Bientôt, le labo publierait ses résultats et Anatole apprendrait la vérité. Quelque chose chez lui savait que l'eau ne nuisait pas à la santé, qu'en boire ne présentait aucun risque, en tant qu'homme de science il se devait d'attendre. Ensuite, rapports d'analyse en main, il proclamerait que l'eau est saine devant la ville entière. L'Eglise toute entière le traiterait d'hérétique, mais cela importait peu. Il ne restait à Anatole que cinq ans à vivre, autant les vivre comme il l'entendait.


Mel

Quelque part, pas si loin que cela paraissait, s'élevaient les remparts de Casa Negra, un empilement de basaltes si noirs qu'on ne le distinguait guère la nuit. Aucune personne censée n'attaquerait une ville aussi bien défendue ; et heureusement ni Mel ni ses compagnons ne devaient s'y employer. Eux, ils affronteraient les Rebelles, qui campaient au pied de la muraille en attendant l'opportunité de faire un bon attentat. Eux, ils n'hésitaient pas à massacrer des innocents pour défendre leur propre cause, c'est à dire boire de l'Eau sans peur. Eux, Mel n'aurait aucun mal à les tuer.
Cependant, chaque nuit, ses cauchemars lui montraient les femmes et les enfants empilés au fond de la fosse, et chaque nuit ses convictions religieuses faiblissaient un peu plus. Une substance, pis que l'Eau elle-même, contaminait Mel : le doute s'emparait de lui. Remarquant cela, le Grand Prêtre affilié à l'expédition lui demanda de le suivre, un soir. Il l'emmena dans un village désaffecté, à quelques lieues seulement de Casa Negra. D'une case en ruines, la plus laide d'entre toutes, montaient des plaintes horribles. À l'intérieur, un homme – si on peut dire que c'en était un – tordait le cou dans tous les sens à se le casser.
– Mon Fils, vois ce qu'il tient dans ses mains.
Et Mel vit. Une bouteille, recouverte de sang et de morve, trônait entre les mains difforme du personnage. Une bouteille d'Eau.
Le prêtre tapa sur l'épaule du garçon aux yeux écarquillés.
– Maintenant, tu as compris.


Le lendemain, les Capes Blanches grimpèrent sur un aplomb rocheux, lequel donnait directement sur les remparts de Casa Negra, gangrenés par les camps de Rebelles.
– Dans quelques heures, quand viendra la nuit, nous descendrons vers le camp, et nous exterminerons ces satanés rebelles ! le commandant Ash, qui aimait plus que tout beugler ses ordres, appuya son regard sur Mel. Toi, la fillette, sache bien quel est ton camp. Pour moi, tu tueras plus de Rebelles que les autres. Si tu l'oublies, je te tuerai moi-même.
Mel tremblait dans ses chausses, et avait une envie irrépressible d'uriner, même s'il savait que la sortie de l'Eau Noire mettrait ses parties à rude épreuve. Mais il n'en montra rien, et soutint le regard de son chef pour montrer qu'il n'avait pas peur de lui. Trop lâche ou pas assez expérimenté, Mel craignait trop Ash la Terreur pour discuter ses ordres. Et ce que lui avait montré le prêtre l'avait convaincu de se ranger.
Le commandant fit une mine satisfaite.
– Parfait. Maintenant, préparez-vous, bande de femmelettes !
En un instant, tout le contingent se réveilla. Chacun des soldats, qui avait vu et revu ces gestes des milliers de fois, empennèrent leurs flèches, se partagèrent les armes de poing, affûtèrent leurs lames en faisant montre d'une organisation exemplaire. En rang d'oignons, ils se servaient dans les caisses d'armurerie, attendaient leur ration de nourriture déshydratée, et prenaient une table pour manger un dernier repas avant l'attaque. Le Grand Prêtre observait tout cela attentivement, un sourire aux lèvres. Si religieux et militaires avaient beaucoup de différends, ils tombaient d'accord sur un point : la discipline prévalait.
Quand vint la nuit, Ash la Terreur gueula :
– Vous êtes prêts, femmes ? – comme les jeunes lui faisaient un oui général, il sortit un sac de sa poche – Mangez ceci, ça vous donnera plus de force et de rage. Et ensuite, tuez-moi ces bouseux !
Mel happa la gousse de dieu-sait-quoi que lui tendait son lieutenant. Il fit un signe militaire et la goba. Elle ne prit qu'un instant pour agir. L'excitation de Mel monta d'un seul coup, et avec elle sa rage de tuer. Son épée lui parut bien lourde... Pour l'alléger, il devait l'utiliser. Tous ces camarades, de part et d'autre, haletaient comme des chiens enragés.
– Voilà, maintenant, vous êtes vraiment prêts. Ces monstres ne peuvent plus rien contre vous. Descendez, et tuez-les tous ! Taïaut !!


Anatole
Du haut des remparts, Anatole admirait le grand spectacle. De très jeunes guerriers, endoctrinés dès la naissance par ces fichus prêtres et utilisés comme chair à canon, taillaient inlassablement en rondelles des hommes en tout point comme eux, qui pourraient être leurs frères ou leurs meilleurs amis. Parce qu'ils buvaient de l'eau, on les appelait « rebelles ».
Lorsqu'il obtint enfin ses résultats, Anatole voulait les publier classiquement, en les confiant au service approprié, mais son pote Nathan l'avait convaincu de faire autrement. Au lieu de les donner en pâture aux lèche-culs du gouvernement, le scientifique prépara un long discours – bien meilleur que le charabia démagogique de l'Empereur – et ses amis techniciens installèrent, aussi discrètement que possible, amplis et projecteurs sur l'estrade de la place San Cleos. Dans quelques heures, nimbé de lumière artificielle, l'ange dévoilerait la véritable nature de l'eau potable.
Anatole, révulsé par les cris d'agonie qui ne cessait de se multiplier, descendit des remparts d'ébène et rentra tranquillement chez lui, une demeure de maître nichée dans le quartier le plus huppé de la ville. La maison d'un authentique bourgeois. Qui aurait pensé que ce bourgeois lui-même déclencherait une rébellion digne de ce nom ?
Dans sa salle de bain plus grande que la plupart des cases de pauvres du quartier nord-ouest, Anatole se pomponna une dernière fois, et, une fois lavé, parfumé, maquillé ouvrit sa garde-robe et y préleva ses plus beaux atours. Plus il serait beau, plus il attirerait l'attention.
Ensuite, le riche scientifique fit chercher son chauffeur, lequel conduisait exclusivement des coches nouvelle technologie. Le gentlemen lui ouvrit la porte et emmena son maître en centre-ville. Les chevaux bleus, les plus véloces de la région, l'y menèrent en un instant, enfin, presque. Souvent lors de l'attaque des remparts, toute la ville sortait, soit pour prier soit pour profiter des spectacles de joie, des événements musicaux destinés à calmer les civils terrorisés par les affrontements. Et cette nuit-là ne faisait pas exception. Aussi une marée humaine interdisait l'accès de la place à toute voiture, et Anatole dût finir à pied, ses deux gardes-du-corps jouant des coudes pour lui frayer un chemin jusqu'à l'estrade.
L'heure approchait. Son cœur battait la chamade, son ventre se nouait, ses jambes flageolaient, mais Anatole ne pouvait pas abandonner. Tandis qu'il montait les margelles de pierre, il se surprit à penser aux Capes Blanches, à s'imaginer aux mains de leurs guerriers en furie. Il ne survivrait pas à son discours, il le savait. C'est pourquoi il n'avait qu'un seul essai, qu'une seule chance de marquer les esprits.
Un par un s'allumèrent tous les projecteurs, tous les amplis, et le scientifique devint le centre de l'attention. Exactement ce qu'il voulait. Anatole embrasa d'un long regard ces centaines d'hommes et femmes, et parla.


Mel
L'effet de la drogue en gousse s'estompait, et Mel réalisa que son sabre rougeoyait du sang de quantité de victimes. Maintenant qu'il avait retrouvé ses esprits, le jeune homme comprit la réalité de la mort : ces hommes, ces femmes et ces enfants qu'il avait passé au fil de sa lame ne reverraient plus jamais la lumière du jour. Mel ferma les yeux dans le fol espoir de revoir la Sol qu'il avait laissée, mais les visages qu'il avait à jamais détruit apparaissaient à sa place. Ils les verraient encore et encore jusqu'à la fin de ses jours.
– Alors, on est secoué ? fit mine de s'inquiéter le commandant Ash. Tu veux te reposer ? Ah, mon jeune ami, quelle misère... Le Grand Prêtre a d'autres projets pour toi.
Les grandes portes de Casa Negra s'ouvrirent avec fracas. Soutenu par son copain Orel, Mel entra dans la cité de basalte, englouti par toute l'escouade de Capes Blanches.
Tandis qu'ils parcouraient l'avenue principale, Orel donna un arc en bois d'if très ouvragé.
– Tu devras te servir de ça, avoua-t-il. Ils connaissent tes prouesses au tir à l'arc. Tu dois tuer un homme sur une estrade, enfin, un hérétique.
Tout chamboulé qu'il était, Mel prit l'arc, mais mit un temps infini à comprendre ce qu'on attendait de lui. Lorsque, juste à côté de la grand-place, le déclic se fit, il repoussa l'arme avec violence.
– Non, je refuse ! hurla-t-il. Finie la mort, fini le massacre ! Tu le tueras toi-même, si tu as tant envie qu'il meure.
Orel le gifla si fort que Mel en eut les larmes aux yeux. Il s'arrêta de marcher et se plaça bien en face de son ami, yeux dans les yeux.
– Tu es un espoir pour notre cause, Mel ! Là-bas, dehors, tu as tué deux fois plus de Rebelles que n'importe lequel d'entre nous ! Maintenant, arrête de pleurer des gens pour qui tu ne peux plus rien et avance. J'ai vu tous les dégâts que l'Eau causait, et ce n'est pas joli joli. Si tu veux laisser gagner ceux qui veulent en donner de force à tout le monde, vas-y, mais je m'opposerai à toi.
Mel savait que les choses n'étaient pas aussi simples que cela, mais il n'accepterait jamais que la cause rebelle en vienne à son terme, et que leur révolution change le monde qu'il connaissait depuis son plus jeune âge. S'il devait tuer cet hérétique pour aider les prêtres de l'Eau Noire, il le ferait.
Orel ramassa l'arc tombé à terre, qui par chance demeurait intact, ainsi que le carquois de cinq flèches associé.
– Je te fais confiance, mon ami. J'espère ne jamais le regretter.


Anatole
Sous l'estrade, la foule, plus silencieuse que jamais, buvait les paroles du scientifique devenu orateur. Quelques prêtres l'avaient prié d'arrêter de proférer ces hérésies, mais les plus enflammés de ses auditeurs les avaient lynché de cailloux jusqu'à ce qu'ils fuient. Cette ville est déjà mienne, je peux gagner. Le reste du monde, ça sera une autre paire de manches, se disait Anatole.
Ses yeux se posèrent alors sur des membres des Capes Blanches, armés jusqu'aux dents, qui escortaient un jeunot armé d'un arc en bois d'if. Heureusement qu'il y a tous ces gens entre ces fous furieux et moi. Sinon, ça en serait fini de ma peau.
Sans attendre un instant de plus, Anatole reprit son discours :
– En d'autres temps, en d'autres lieux, les hommes buvaient des quantités astronomiques de ce liquide que vous redoutez tant, l'eau. Et ils vécurent assez pour nous amener ici, et avec une bien meilleure santé que la nôtre. Car, en vérité, l'eau c'est la vie.
Bien que le silence dominait, des quolibets fusèrent. Comment ça, l'eau était saine ? Et demain, la neige tombera en plein désert ? Les citoyens de Casa Negra pouvaient tout croire, absolument tout, excepté ça.
– Alors comme ça je mens ? S'offusqua Anatole. Eh bien, voyez par vous-mêmes.
Il prit une bouteille d'eau plus grande que de raison, la porta à ses lèvres, et la but en quatre longues gorgées. Ensuite, il la reposa et fixa la foule, le regard déterminé, sans aucune trace d'ivresse ou d'effet indésirable. Les hommes, pétrifiés, prirent des yeux de merlan frit. Et puis, l'un d'eux, un puissant commerçant de la cité, beugla : « Vive Anatole »
Et ce fut un triomphe. Chacune des personnes présentes cria, applaudit ou tapa des pieds, voire fit les trois en même temps. Non, décidément, c'était le triomphe du siècle.
Le visage ensoleillé par un sourire sincère, Anatole s'inquiétait tout de même pour sa vie. Il chercha discrètement les Capes Blanches, d'abord à l'endroit où il les avait débusqué, puis s'attarda sur chaque individu de la foule en délire. Sans succès. Ils préparaient un sale coup. Dépêche-toi, Anatole. Ça sera sûrement ton dernier discours.
– Maintenant que vous savez pour l'eau, je dois lever un autre mensonge : l'Eau Noire ne vous donne pas la jeunesse éternelle.
Une clameur monta de la foule. Cette allégation ne pouvait pas faire l'unanimité. Qu'importe, si la mission des prêtres consistait à empoisonner l'esprit de ces braves gens, lui se devait de les éclaircir. Après tout, tel a toujours été le devoir d'un homme de science, non ?
– À chacune de ces purifications, vous mourrez un peu plus. À cause d'elles, au maximum, vous ne vivrez que six fois cinq ans, soit trente années. Autrefois, certains vivaient plus d'un siècle ! Il existe encore des archives, quelque part dans cette ville. Je vous invite à les consulter : l'espèce humaine ne s'en est jamais aussi mal tirée qu'aujourd'hui.
Un couteau se ficha dans le plancher de bois, à quelques centimètres à peine de la tête d'Anatole. Un prêtre baraqué, une authentique armoire à glace, s'était frayé un chemin parmi la masse. À peine grimpait-il sur l'estrade qu'un des deux garde-du-corps lui abattit son poing dans la figure, mais l'autre, insensible, fit comme si de rien n'était et ficha sa dague dans l'abdomen de l'adversaire. Ce dernier tomba avec un bruit sourd. L'autre garde fondit sur l'homme de foi et les deux individus entamèrent un difficile combat. Anatole craignait de plus en plus pour sa vie.
Sur un écran posté juste derrière le scientifique s'afficha l'image d'un grand réservoir d'eau douce.
– Ils veulent me faire taire ? plaisanta-t-il. Regardez donc : la planète peut encore offrir des tonnes d'au, mais les dirigeants la garde pour eux ! Ne vous laissez pas faire ! Partageons cette eau tous ensemble !
Et on acclama Anatole. Malgré ce franc succès, le prêtre continuait de se démener. Le voilà sur le point de gagner ! Soudain, l'écran fit un bourdonnement bizarre. Le scientifique jeta un œil sur le bâtiment sur lequel on l'avait collé : le grand Alcanzar. Dans le hublot au tout dernier étage, un jeune homme pleurait. Anatole aurait eu bien envie de le consoler, mais le gamin tenait un arc en bois d'if. C'était la Cape Blanche de tout à l'heure !
Le hublot s'ouvrit, une flèche fusa.
Anatole ferma les yeux.
Le prêtre tomba.

Ainsi, l'année 2605 de notre ère marqua le début de la fin pour les Grands Prêtres de la planète Oléa.
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Défi
Julien Ducrocq



A la mémoire des personnes décédées lors du crash d'hélicoptère du 9 mars 2015


Boris Ferdson est un pilote expérimenté. Le meilleur, même, pour ceux qui s'y connaissent un peu. Ses fans – dont je fais évidemment partie – l'appellent l'explorateur du XXIème siècle, bien qu'en vérité il n'ait découvert aucune terre inconnue. Cependant, tout comme Christophe Colomb ou Marco Polo, il collectionne de merveilleux carnets de voyage, passionnants à lire, et qui retracent le plus fidèlement possible ses authentiques exploits.
Bien entendu, à la maison, je possède tous les tomes de Un tour du monde à cinq cents pieds du sol, mais aujourd'hui je peux lire les originaux, les manuscrits écrits par le grand Boris Ferdson sous le feu de l'action, car je me trouve dans sa propre cabine ! À minuit et des poussières, il m'a emmené dans son hélico où j'ai pu faire mon baptême de l'air, et réaliser mon rêve de gosse : rencontrer mon héros !
Cependant, après avoir tenté de dormir dans le lit de camp aménagé dans l'hélicoptère de classe Faucon, le plus sûr de toute l'Europe, j'ai découvert que Boris Ferdson n'était pas si intéressant que je l'imaginais. En une matinée, je lui ai posé plus de questions que j'en ai posé en un an à ma femme : C'était comment, la Corée du Sud ? Et alors, c'est vrai que vous avez perdu un orteil à la guerre ? Vous avez vraiment survolé cinq fois l'océan Pacifique d'Est en Ouest ? et tant et tant d'autres... Et lui, que j'imaginais empressé de me conter ses hauts faits, se terrait dans un profond silence.
Ainsi, j'ai cessé de lui parler – autant s'adresser à un mur – et suis retourné à mes lectures. L'Arizona, la Grande Muraille de Chine, l'Australie... je voyage en pensée tandis que juste derrière les hublots défilent les grandes plaines bleues de l'Atlantique. Même si cette machine est la meilleure en terme de vitesse – et de loin – nous n'arriverons pas avant le soir en Argentine. Heureusement, les écrits de de Boris Ferdson sont bien plus bavards que lui-même.

***


Tandis que le soleil se couche – il fait déjà nuit depuis longtemps en France – j'achève de lire le dernier des petits carnets, sur une prise de bec avec un agent secret de la CIA. Moi, je ne comprends comment un muet tel que Boris puisse avoir une prise de bec avec qui que ce soit, mais bon...
La Cordillère des Andes apparaît. Très vite, nous volons jusqu'à cette merveille géologique, puis le pilote ralentit l'appareil, afin de planer au-dessus de ce paysage de rêve. Vu de très haut, c'est magnifique, mais moi je préférerais être en bas pour apprécier toute la beauté de cette myriade de montagnes. Déçu par le vol en hélicoptère en lui-même, ennuyeux à mourir, je n'ai plus qu'une hâte : atterrir. Descendre de cette prison volante, trouver quelqu'un, quelque soit sa langue pourvu qu'il parle ! Ainsi, je rassemble mon courage et m'en vais quérir le pilote.
– Vous pensez vous poser où ? Là, peut-être – je lui montre une crevasse assez plate du doigt – ou bien là ? Attention, juste en-dessous, ce n'est pas l'endroit adéquat !
N'importe qui m'aurait giflé, ou tout du moins jeté un regard haineux, mais Mr Ferdson se contente de lever la main sans même me regarder. Une fois encore, il me demande poliment de me taire. Plus qu'agacé, je tape du pied, faisant résonner la carlingue de la machine.
– Mais qu'y a-t-il à la fin ? Vous êtes des Renseignements Généraux, ou quoi ? On a passé une journée entière ensemble dans ce putain d'engin ! Bon sang, parlez-moi !
Le pilote taciturne fait un signe de tête dépité, comme s'il était extrêmement lassé par la vie. Ensuite – miracle ! – il fait pivoter son siège de capitaine Kirk et pour la première ses yeux masqués par des lunettes de soleil à verres intelligents me regardent directement.
– Oui, dit-il d'une voix monocorde à peine audible.
– Vous parlez ? m'ébahis-je, non- mécontent d'avoir enfin réussi à lui tirer un tant soi peu les vers du nez. Alors, nous nous posons bientôt ?
– Non.
Et il reprend sa position initiale sans autre forme de procès. De dépit, j'envoie au diable le carnet que j'ai gardé en main. Imperturbable à souhait, le pilote presse négligemment ses boutons, tire une manette et retourne dans sa sempiternelle transe.
Je retombe mollement sur le petit matelas. Comme nous sommes en vitesse de croisière, je m'allonge et contemple le ciel, donnant des formes aux nuages pour oublier ma colère. Boris Ferdson... un pur escroc !


***


Le ciel s'assombrit, les pics se cachent dans l'ombre, le ronronnement des machines s'intensifie, et moi je m'ennuie comme un rat mort. Le pilote tape frénétiquement quelque chose sur un clavier que je ne l'avais jamais vu utiliser avant, et, trente secondes ou une minute plus tard, une voix brouillée retentit, comme crachée dans un talkie-walkie. Sauf que de talkie-walkie, pas le moindre.
La voix désincarnée, qui me donne des frissons, se tait. Boris Ferdson prend un air sévère, manie ses commandes, et, un instant après, les hélices font un boucan d'enfer. Je bondis de joie : bientôt, le pilote va faire atterrir sa machine infernale, et je pourrais enfin poser les pieds sur quelque chose de solide. C'est qu'après plus de vingt-quatre heures dans les airs, mon estomac commence à me faire méchamment mal...
À travers les ténèbres, je distingue de hauts arbres, lesquels s'inclinent légèrement sur le passage de l'hélicoptère. La terre approche ! Je vois déjà les ocres roches de l'Argentine, les pièces de l'immense puzzle de la Cordillère des Andes. Que j'ai hâte...
Soudain, un grand BOUM retentit. S'ensuit un craquement, si aigu que nul ne peut l'imaginer, et qui vous déchiquette les tympans. Une vague de panique m'envahit : que dois-je faire ? Comment faire pour vivre ? Je prends une grande bouffée d'air – conditionné, ça va de soi – et me fais une raison : il est complètement hors de question que je meure aujourd'hui. Pas avant d'avoir vu de mes propres yeux les pyramides mayas !
La tête froide, je rejoins mon siège et attache ma ceinture, en maîtrisant mes tremblements le mieux possible, réalisant scrupuleusement chacune des instructions indiquées au-dessus de ma tête. Au moment précis où la dernière boucle est bouclée, l'hélicoptère fait une embardée si violente que mon ventre, à la fois serré contre le siège et projeté vers l'avant, en pâtit durement. Un peu plus, et le sandwich du quatre heures y passait !
Dans pareille situations, le pilote devrait me donner la marche à suivre, me répéter une tonne de règles vitales, ou tout du moins s'occuper de moi, me tenir au courant... mais il n'en fait rien. Alors, je me régis moi-même : Tiens-toi droit ! Accroche-toi aux accoudoirs à ta droite et à ta gauche ! Prépare ton masque à oxygène ! … Jamais il n'était indiqué dans le contrat que je devais me débrouiller tout seul vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Boris Ferdson... Un héros, tu parles !
Malgré tout, le héros effectue des manœuvres toutes plus difficiles les unes que les autres, des demi-tours par-ci, des tonneaux par-là... un authentique pilote de chasse ! Cependant, n'imaginez pas qu'il s'en tire à si bon compte... Malgré toutes ces acrobaties, l'hélico baisse le nez et plonge !
Je crie, je hurle ! « Mayday, mayday ! » Comme si quelqu'un allait m'entendre ! Dans les films catastrophes, il y a toujours un petit je-ne-sais-quoi qui permet au héros de s'en sortir, mais ici... la fatalité s'acharne contre moi. La chute s'accélère, inébranlable, tandis qu'à grands pas approche la mort.
Le souffle du vent siffle si fort que j'en oublie qu'avant, j'ai entendu d'autres bruits. Prêt à accepter la triste réalité, je ferme les yeux et attend. Je compte. Un... deux... trois... La gravité s'accentue, plaquant mes jambes contre le fond du siège. Quatre... Cinq... Six... Est-ce que ça fait mal de mourir ? Sept... Huit... Neuf... Qu'est-ce que vous attendez ? Dix... Onze... Douze... Rien ne se passe.
Je rouvre les yeux et les oreilles. Fini le vent, fini la descente à trois mille à l'heure. Nous sommes posés. Le pilote, debout en plein milieu de l'appareil, se masse le cou. Un cliquetis, comme électrique, résonne autour de l'étrange personnage, inquiétant, sinistre, mais qui m'a sauvé.
– Etes-vous un dieu pour atterrir ainsi ? m'ébahis-je. Parlez !
– Non.
– Alors... commencé-je, interrompu par un détail que je n'avais jamais remarqué auparavant : pas de nœud papillon au niveau de son torse, mais une grande puce grise, désormais nimbée d'un halo rouge.
– Etes-vous une machine ?
Cette fois, Boris Ferdson ne répond pas complètement à côté de la question qu'on lui pose.
– Oui.

















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Julien Ducrocq
Un amnésique... Et le dernier des êtres humains, par-dessus le marché!
Désespérément, "Janus" recherche la cause de l'annihilation de l'espèce humaine. Ce qu'il va trouver dépassera son imagination...
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Julien Ducrocq
Voici la réponse au défi Tous les chemins y mènent, que j'ai particulièrement apprécié. Si l'écriture est un peu particulière, c'est pour marquer l'état d'esprit du personnage, franchement pas un intellectuel de prime abord, et surtout mettre en avant le contexte encore plus particulier de l'époque.

J'espère que ce texte vous surprendra ! :)
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Défi
Julien Ducrocq
En découvrant ce défi, j'ai aussitôt pensé à écrire une fable, une espèce de pastiche de Le Corbeau et le Renard. Le Renard et la Nectarine reprend sa construction mais fais passer un message qui n'a rien à voir avec celui de la fable classique.
J'espère que ça vous plaira ^^ !
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Défi
Julien Ducrocq
Une maison longue amérindienne est une habitation traditionnelle des Indiens d'Amérique du Nord.
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Défi
Julien Ducrocq
Voici ma réponse à cet excellent défi.
J'espère qu'elle vous plaira !
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