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Guerda

France.
Guerda

Ils viennent me chercher en voiture, m'amènent, me ramènent. Ils me désirent. Tous. Sans exception. Ils me veulent et, le truc, c'est qu'ils peuvent m'avoir. Avec contrepartie bien sûr. Moi, je ne les désire pas. Ni eux, ni personne d'autre d'ailleurs. Je suis lassée.
Lassée de ces regards. Lassée de ces mots, de ces gestes. Lassée de leurs désirs et même de ma beauté. Non, je ne me considère pas d'une grande beauté. Je ne dis pas que je suis la nymphe de vos rêves. Je dis juste qu'apprêtée, je suis plaisante à regarder.
Et ces regards... Vous les connaissez ? Ils sont tous si différents mais conduisent pourtant à la même chose. L'être humain est si prévisible. Cela en est écœurant, répugnant même.
Vous avez dû deviner ma profession ; la plus vieille du monde. Je n'irai pas le crier sur les toits... mais je peux le mettre par écrit. Par écrit, c'est facile. On parle sans parler, on est soulagé. C'est comme un psychologue, en beaucoup moins cher.
« Elle l'a choisi, de quoi se plaint-elle ?! » c'est ce que vous devez vous dire. Sachez que ce n'est pas un choix, ce n'en est jamais vraiment un. Cela ne l'a pas été pour moi, cela ne l'a pas été non plus pour mes "collègues". Vous jugez, constamment. Je juge aussi. Constamment. En somme, vous me jugez et je vous le rends bien. Des hypocrites, rien d'autre. Tout n'est qu'hypocrisie.
Vous jugez le sans-abri qui mendie sur le trottoir... « qu'il aille travailler ce fainéant ! ». Mais le peut-il seulement ? « Quand on veut, on peut. » me direz-vous. La seule chose que j'ai à vous dire, moi, c'est « non ». Non, on n'a pas toujours le choix. Non, on ne peut pas toujours et ce, avec toute la volonté du monde.
Vous jugez les putes, plantées le long des trottoirs tels des réverbères. Je suis sûre que vous oubliez qu'elles sont des êtres humains. Non, vous ne l'oubliez pas. Vous choisissez de ne pas vous en souvenir. Je vais vous le rappeler. Ces filles, ces femmes, ce sont des êtres humains. Parfaitement. Elles ont des avis, des rêves et des sentiments. Comme vous, non ? Elles ont une famille aussi. Des parents, des grands-parents, des frères et sœurs. Parfois, elles ont des enfants aussi. Et, parfois, c'est pour eux qu'elles sont là où vous les voyez plantées comme des réverbères.
Je suis cynique me direz-vous... Oui, je le suis. Je le suis maintenant. Et pourtant, je ne le veux pas. Ce cynisme, c'est au cours de ma vie que je l'ai acquis. Je ne le voulais pas, je n'ai rien pu y faire.
Vous êtes toujours maître de votre destin, vous ? Si oui, alors apprenez-moi ! Non pas à être maître de mon destin, non, ce n'est pas possible. Apprenez-moi à vivre dans l'illusion comme vous le faites. J'aurais aimé maîtriser cet art. Mais je ne le maîtrise pas, pas plus que ma vie d'ailleurs.
Arrêtez de juger, sortez de votre zone de confort. Imaginez-vous à ma place.
Savez-vous ce que c'est, vous, ce que c'est que d'être une pute ?
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